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Samedi 2 Novembre 2024 – 11 : 08 A.M.
Recueillir les avis de mes amis sur mes futurs plans était, sans surprise, intense. Le temps a eu le temps de tourner au
mauvais, de temps toujours, et la
pluie semble partie pour durer jusqu’à la
nuit.
Du bout des doigts, Nathan
tapote le
bois de la table et le cercle de
ferraille qui l’enserre ; la table, pas Nathan. Okay, c’est du bronze et non du fer mais on ne va pas faire un bras de fer, qui n’en est pas non plus, sur la définition de "ferraille" puisqu’il n’y a pas de "bronzeraille" ! D’un autre côté, c’est une bonne manière de railler !
Enzo classifie ses notes, dont il y a au moins
six pages. Format A4, non A5 comme je peux utiliser. C’est
fou ce qu’il peut gratter sur le papier, on dirait moi ! Surtout qu’on a similaire prise de note, à la réflexion. Il oublie juste d’aller à l’essentiel alors que j’oublie l’essentiel, moi. Pour ne pas me
perdre, je perds les choses !
Tarja mise sur sa mémoire, sirotant son thé. Je pense que ce brainstorming l’a faite
vibrer. Cela faisait tellement longtemps… même si on a eu de bonnes discussions autour de mon Challoween. Elle a répondu à mon
S.O.S. début octobre avec
diligence et cela m’a beaucoup plu de la côtoyer à nouveau ainsi. Combien d’années ? Plus pour elle que pour moi.
Sarah-Louise s’est remise de ma blague. Et du fait que j’ai trouvé ça magnifique qu’elle soit capable de chanter à poils mais pas de parler de son intimité avec son ex. Elle sait que j’ai un
grain et je sais que c’est pour cela qu’elle s’est toujours mieux entendue avec Célestine ; outre l’âge. Néanmoins, même un
myope aurait vu qu’il y a encore quelque chose entre Nathan et elle. C’est
privé, je sais et c’est bien pour ça que je demande.
J’anticipe.
J’anticipe que si les deux se remettent ensemble, Nathan parte. Les @robeez assureront ma sécurité mieux que lui ne le pourra jamais mais je n’ai pas envie pour autant qu’on reprenne de la distance. Sachant que Sarah-Louise alterne entre la Suisse et l’Italie, on parle d’un océan de distance. C’est immature mais je n’ai pas envie. Je sais aussi que, si je n’arrive pas à convaincre Sarah-Louise de venir bosser aux USA, j’accepterai et laisserai partir. Les
sentiers de la vie se parcourent accompagnés mais chaque parcours est différent. D’autant plus que je souhaiterais peut-être aussi de l’intimité, selon comment se passent les choses avec Jean. Je ne me fais pas de
mirage, je l’ai déjà faite fuir une fois. Nos rythmes sont très différents et peut-être que je continuerai à aller trop vite pour elle. Quand à Enzo, il faut voir s’il reste en contact avec Maya. Johnson, l’assistante de Joseph Rowles, pas la ruche d’@robeez qui se trouve à la Maison des Jardins. Sachant que son ex s’appelle Mia, je suis certaine de faire le
crime de lèse-majesté en confondant les noms ! Si on se case tous les trois en même temps c’est une preuve de plus que,
comme je le dis souvent, le hasard fait bien les choses et j’ai un abonnement.
Comment dire que ce n’était pas prévu ?
Je suis arrivée aux USA en février. La raison officielle était de faire la tournée de mon deuxième spectacle,
A Lucky Story, mais celui-ci dévoilait la raison officieuse qui en devenait officielle : retrouver Célestine. Lorsque je suis arrivée à New York City, j’ai pris contact avec les salles de spectacles pour faire la saison estivale avec une seconde version de mon premier spectacle,
A Princess Story, et ainsi m’établir dans l’Etat. J’avais pas prévu de m’y installer mais le mélange de ras-le-bol du bus comme de rencontres importantes, principalement celles de la Slime et d’Emy Carthew puisqu’elles m’ont engagée auprès du SHIELD, m’ont amenée à être un peu dépensière. 82,5 millions de dollars, obtenus via prêts auprès de l’OBIF de New York, pour m’acheter un immeuble de Manhattan ensuite et la Maison des Jardins d’abord. Plus les @robeez, et là il n’y a pas de prêt. Et l’accord à l’amiable avec Joseph, où il n’y a pas eu de prêt non plus. Et les frais médicaux des victimes des attentats des Masques, où il n’y a eu ni prêt ni mise en place d’une œuvre caritative afin que les dons soient déductibles des impôts. La quasi-totalité de mon héritage de cette année va aller rééquilibrer les investissements que j’ai dû revendre pour financer tout cela. Ce ne sont pas les 169.762,5$ des deux mois d’
A Princess Story qui vont faire pencher la balance. Plus important encore, Célestine n’est toujours pas prête à me revoir. Me souvenir de sa réaction de
douleur lorsqu’elle est venue me chercher à l’aéroport me fait souffrir. J’aurai préféré qu’on se
querelle plutôt qu’elle soit aussi mal de simplement me faire face.
Regardant mon reflet dans mon propre thé, je soupire.
«
Comme tu nous l’as si élégamment dit tout à l’heure, intervient Nathan avec franchise,
"bon, tu accouches ou faut qu’on joue les sage-femmes ?" »
Je pouffe avant de me tourner vers lui. La
puissance d’un bon jeu de mots n’est jamais à sous-estimer et c’est d’autant mieux lorsque les associations se font toutes seules parce que je suis étrangement câblée.
«
Contrairement à Sarah, moi je ne fais pas la carpe, réponds-je avec un clin d’œil.
- Non, tu fais silence.
- C’est agréable, certes, intervient Tarja,
mais c’est aussi suspect.
- Je faisais le point sur la situation actuelle. »
Le silence tombe autant que les gouttes d’eau tapant dans les vitres sous la force du vent ne le permettent. Les deux portes-fenêtres qui les supportent vibres légèrement, me laissant même me demander si l’avion de mes amies va pouvoir les ramener en Suisse.
«
Heureusement que ça ne fait pas trois heures qu’on a commencé, souligne Tarja avec ironie.
- Oui, hein, surenchéris-je avec espièglerie.
- Telle une goutte d'eau dans la mer, j'ai un peu envie d'apporter mon grain de sel".
- Vas-y, j’aime quand tu me cites !
- "Je ne suis pas une tâche à défaut de n’avoir de taches de rousseur ni de tâches à faire", intervient Enzo, me faisant sourire de plus belle.
- Les tâches sont vues, reste la tâche qui ne se revendique pas comme telle.
- C’est moi.
- C’est toi.
- Le jury est unanime.
- Lucky, quelle est ta conclusion ?
- A part être une tâche qui en a doublement ? »
Le sourire qui conclut la question ne reste pas, fondant comme neige au soleil.
«
J’ai pas avancé vis-à-vis de Tina. »
Nouveau silence ou peu s’en faut. Je dirais bien qu’on fait une tête de
pierre tombale mais je pense que c’est par association d’idée avec le fait que, pour toutes les personnes ici à l’exception de Sarah-Louise, j’ai été morte. Sarah-Louise aussi a été Snapée. Elle avait rompu avec Nathan au moment de partir aux USA faire ses études, pistonnée au MIT grâce à Célestine et aux contacts qu’elle s’y était fait en donnant des échantillons biologiques, mais je pense que ça a joué pour eux deux. Nathan, parce que Morgan a mal vécu sa carrière ; comme lui, certes, mais plus vite que lui aussi. Sarah-Louise, parce qu’elle a eu tout à reconstruire. Certes, intégrer Tec-Novita n’a pas été difficile du fait des connexions au sein de l’Empire Orchent mais réintégrer sa vie lorsqu’on a cinq ans de retard…
On regarde tous les thés qui nous accompagnent régulièrement depuis hier, eux-mêmes accompagnés de miel pour éviter tout risque de
laryngite suite aux surutilisations de nos voix. La mienne est habituée, celles de mes deux amies ne le sont plus. D’ailleurs, Nathan n’a pas de thé : lui, c’est le café. Ce qui ne va pas avec le miel, qu’on se le dise même si c’est en silence.
«
Elle n’a pas accepté de me voir, finit par dire Sarah-Louise, tristement.
Elle a dit qu’elle était à Washington.
- Le pire c’est que c’est peut-être vrai : avec son boulot, elle n’a pas les weekend normaux.
- Elle est docteure en ingénierie, elle pourrait avoir des horaires de bureaux, souligne Nathan.
Pas comme si elle devait tenir des gardes pour pouvoir intervenir au besoin.
- C’est pas une question de ça, soupire Enzo, qui la connait peut-être plus que quiconque ici ; incluant Sarah-Louise et moi, puisqu’il a été là durant les Années Sombres.
Son travail c’est ce qui la maintient à flot.
- C’est de famille, souligne-je, puisque j’ai fait de mon loisir un travail et que créer un spectacle pour du loisir n’en reste pas moins apparenté à mon travail.
- Sauf que ton travail a un fin. Tu prépares un spectacle, tu le fais, tu passes à autre chose. Elle… la protection du monde continuera tant que ceux qui la font n’auront pas échoués. »
En fait, le super-héroïsme et la super-sécurité sont des travails
frauduleux : on ne peut pas les réussir. On délaie juste l’échec. Ainsi considéré, c’est déprimant au possible. Je me moque de la protection du monde, enfin autant qu’une personne qui vit dedans peut se le permettre si elle ne veut pas mourir et peut-être pas autant que je le crois puisque j’aurai préféré prévenir que guérir vis-à-vis des attentats des masques comme des Slimes. Je ne suis pas pleinement impliquée dans la protection du monde, après je n’imagine pas ma sœur ainsi non plus. Elle a voulu faire le service militaire pour s’endurcir, certes, là où j’ai fait coucou de la main à mes potes qui ont dû le passer. Encore après, est-ce que cela signifie qu’elle est dans un axe interventionniste ? Plus important encore, elle n’a pas vraiment besoin de mettre sa vie en danger sur le terrain pour se la détruire.
Je pose ma tasse puis appose ma main droite dans mes cheveux, consciente que ce sujet peut me faire larmoyer plus facilement qu’un
oignon.
«
Faudrait que je vois avec Emy Carthew si elle ne peut pas la surveiller pour moi, finis-je par dire, consciente que ce n’est pas très professionnel de ma part mais pas moins professionnel que l’inviter à Challoween.
A moins que je puisse demander à Rocket de demander à Clint… je ne sais pas comment se passent les choses, au sein du SHIELD. »
L’organisation me semble être un culte à mystère or je suis à son niveau 0. Je sais ce qu’on me dit et j’ignore tout le reste. Mon principal contact en son sein, c’est Célestine justement. Elle n’a pas totalement fait une croix sur moi puisqu’elle ne m’ignore pas quand j’en ai besoin ; Emy en étant la preuve, puisque c’est ma sœur qui l’a affectée à ma rencontre. Au-delà, cependant, je n’ai aucune visibilité. Et surtout la peur de mal faire, comme à l’aéroport. Si j’avais besoin du contact avec ma sœur comme on a besoin d’eau, l’approcher serait comme le faire d’un
lac du sud des États-Unis : on ne sait jamais si un
alligator ne va pas en surgir pour tout faire virer à la catastrophe.
«
Dis-leur de rappeler à Tina que, à force de pas revenir à Mauvoisin, Enzo va finir par être meilleur skieur qu’elle, propose sarcastiquement Tarja, me faisant sourire alors qu’elle-même s’en va vers son thé comme si de rien était tout en regardant le concerné consterné qui lui fait face.
- Ça a fait du bien de vous revoir, toutes les deux, leur souris-je donc.
Merci d’être venues à mon secours.
- De rien. Je te dirais bien de ne jamais hésiter mais, considérant que j’ai déjà prise une semaine de vacances, n’hésite jamais à partir de l’année prochaine ! »