Je sens encore leurs mains. Leurs paumes, leur souffle, leur gémissements. Tout glisse, coule et fait pulser mon sang. Je les sens ramper, et me susurrer ces choses qu'ils savent ignobles, dégoutantes.
Je m'appelle Iliyana Nikolaievna Rasputin, et j'ai été victime de ce qu'aucun enfant ne devrait subir. Née en Sibérie, loin des agitations des villes, j'ai vécu une partie de mon enfance auprès d'une famille aimante et heureuse de fermiers. Mon frère aîné, Mikhail, je ne l'ai jamais connu. On dit qu'il est mort durant son service rendu à la patrie. Quand à Piotr, il est parti quand j'étais encore très jeune, recruté par cet établissement pour mutants, l'Institut Xavier. Et autant dire que je l'ai très mal vécu. Car d'une, il ne m'a jamais donné de nouvelles, mais de deux, c'est suite à son départ que je me suis retrouvée dans la merde. Des gens sont venus me chercher et ont tué mes parents. Ils m'ont ensuite enfermée au milieu d'autres gosses et on abusé de moi de toutes les manières. Violence pure, torture mentale ... abus sexuels. Tout. J'ai tout subi, avec pour seul moyen de garder un peu de santé mentale, mes rêves et la peluche offerte par ma mère, que j'avais nommée Lockheed.
Plus le temps passait dans cette usine à gaz et plus les choses changeaient sans que je ne m'en rende compte. Le monde que je m'étais créé via mes rêves prenait peu à peu forme, sans que mes manifestations ne soient détectables. Jusqu'à ... ce que je puisse passer le portail. Que je puisse découvrir un monde où je me sentais enfin en sécurité et aimée. Lockheed était devenu un dragonneau et moi, je pouvais enfin quitter cet enfer. J'aurai pu rester là bas et ne pas me soucier des affaires terrestres. Mais plus les années passaient et plus j'avais soif de vengeance, de sang. Je voulais tuer ceux qui m'avaient changée à jamais.
Et je les ai tués, pour les remercier. Pour qu'ils ne fassent pas souffrir d'autres gosses, et surtout qu'ils souffrent comme j'ai souffert. Je leur ai fait subit au centuple leurs propres sévices, et fait de leurs pires cauchemars une réalité. Dix huit personnes sont donc mortes sous mon épée, mon dragonneau et mes outils moins magiques.
C'est comme ça que je me suis retrouvée à l'Hôpital Milburry. Parquée une nouvelle fois comme un animal qu'on doit user et abuser, jusqu'à ce qu'on y trouve sa finalité. Cela n'a fait qu'attiser ma colère et ma frustration, sachant que Reyes prenait un malin plaisir à nous retourner et surtout à essayer de nous soumettre. Chaque jour où je pouvais me rebeller, je le faisais, bousillant les probabilités de leurs tests, ou jouant les idiotes. Je me suis rapprochée de Roberto, via nos petites facéties pour mettre en boule ce personnel de tarés. Et au final, c'est Dani qui a tout bouleversé. C'est simple, dès le départ je sentais qu'elle n'était pas réglo, qu'un truc allait tous nous mettre en danger. Sachant qu'en plus son attitude de petite sainte nitouche me tapait sur les nerfs. Je n'ai pas hésité une seule seconde à l'humilier, et la manipuler durant la visite de l'hôpital, en lui faisant croire qu'elle pouvait aller où elle voulait. Quand j'y repense, c'était quand même drôle de la voir se prendre en pleine poire le bouclier de force.
Si on oublie que ce sont mes provocations le lendemain qui ont enclenché toutes les saloperies qui nous sont tombées dessus les jours suivant. En la provoquant à nouveau, pour voir ce qu'elle avait dans le ventre. Cette connasse m'a mis un coup de boule et autant dire que si Reyes ne nous avait pas séparés, je l'aurai tuée sur le champ avec mon épée. C'est là que mes visions ont commencé. Dans cette salle d'isolation, seule. Je les ai revus, j'ai de nouveau ressenti peur, dégout et l'envie de les massacrer, une nouvelle fois. Les jours passaient, les conflits continuaient, en sachant que j'avais quand même fait la paix avec Dani, jusqu'à une certaine extension.
Malheureusement une confrontation avec Reyes impliquant Roberto m'a ramenée en isolation. C'est là que pour moi, tout a dérapé. Cette fierté que je ressentais de mes assassinats s'était retranscrite dans le sourire de monstres. La cause ? Les pouvoirs de Dani. Consciente du danger qu'elle représentait et de ce qu'elle éveillait en moi, je créais un portail dans les Limbes et je la rejoignais dans le seul but de ... la tuer. Elle avait dû le sentir et c'est bien pour ça que ses pouvoirs se sont manifestés, pour retranscrire ma peur.
J'ai crié, jusqu'à ce qu'un calmant me suis administré. Je me souviens ensuite de la visite de Dani, de cette colère que je réprimais, et de mon explication sur ce que sont les Limbes. Cette même nuit, l'organisation donnant un job a cette connasse de Reyes avait décidé que je devais mourir. Sauf que je ne me suis pas laissée faire, me laissant submerger par ma colère, ma peur et mes envies de sang qui donnèrent corps aux Hommes Souriants. S'en suivit une bataille contre mes cauchemars, d'abord aux côtés de Sam. Notre chemin croisa celui de Reyes et, laissant Sam un instant pour conjurer les Limbes, je réapparaissais derrière lui et Roberto, animée par une nouvelle volonté de vivre, et de combattre pour de bon les fantômes de mon passé. Tranchant, éviscérant les incarnations de ces tâches qui m'avaient changées, je ne faisais pas que les tuer une seconde fois; je tuais aussi la peur qu'ils m'inspiraient encore.
S'en suit le problème avec Reyes, l'Ours invoqué par les pouvoirs de Dani, un combat épique et finalement notre liberté durement acquise. Super on était enfin sortis de ce bouge qui tentait de faire de nous des armes vivantes. Hourra ! D'ailleurs tout ce bazar a réussi à complètement nous rapprocher, à tel point qu'on vit depuis peu dans le même appartement à New York. On se passera bien des détails de comment on a trouvé l'argent, mais je ne suis pas peu fière de dire que c'est un peu grâce à moi et mes pouvoirs. En tout cas, on est maintenant loin de tout ça, on a des jobs ou on se lance dans des études.
Moi, je suis disquaire à Human Head Records et je me sens plus épanouie, moins torturée. J'apprécie vraiment cette liberté, et que plus personne ne soit là pour m'utiliser contre mon gré. Quand à ma relation avec Roberto, c'est encore à écrire vu que ... techniquement, je crois qu'on a laissé tomber. En tout cas, depuis Milburry, il en reste à de rares rapports amicaux et des "salut" au petit déjeuner. Alors ok, fais ta vie, et je fais la mienne à New York. Bisous.