Felicity Hardy
Class is in session. So listen up, baby.
Salut m'man, ça va chez toi? Je sais, je t'ai pas beaucoup donné de nouvelles mais, tu sais c'que c'est, le boulot, tout ça, et puis, Miko a eu une portée de chatons aussi, je vais te prendre deux trois photos d'eux, que tu puisses les voir. Que dire? J'ai retrouvé des photos de papa et toi, à votre mariage. Tu étais très belle. Bon, je t'embrasse, prends soin de toi, je passerais cet été.
Bref et concis, c'est le type de contenu habituel de tes SMS. De toute façon, tu n'aimes pas ça, le portable. Oui, oui, c'est pratique, évidemment, mais c'est chiant, on y est tous collés, on pense plus vraiment à l'humain quoi. Enfin, tu peux parler ; ça fait quoi, deux, trois mois que tu n'as plus écris à ta mère? Tu devrais avoir honte, petite ingrate.
Tu observais quelques secondes durant l'écran éclairé de ton téléphone, avant de le verrouiller, tendant ensuite le bras sur ta droite pour le poser sur ta table de nuit, laissant enfin tomber ton buste sur ton matelas. Ton pouce jouait avec l'ongle aiguisé de ton index, tandis que tes yeux bleus fixaient le plafond blanc de ta chambre. Un long soupir rompt le silence ambiant, avant que tes paupières ne se ferment. Quelques secondes ou minutes flous s'écoulent et il te semble entendre une vibration émanant de ton portable, probablement ta mère qui te rappelle que tu dois lui écrire plus souvent, et qu'elle est toujours en vie dans sa petite maison à Vancouver. Tant mieux, ça vaut mieux que New York, c'est trop la merde ici après tout. Tes souvenirs se mêlent à tes pensées, et tes pensées se lient à tes songes ; tu t'endors, épuisée par le nuit d'acrobaties que tu as passé.
- 1999
Walt' ! Walt' ! Chéri ! Je.. Je crois qu'elle arrive ! Walter !
L'homme d'une trentaine d'années s'empressa de débarquer dans la salle de bain, où sa femme, Lydia, commençait vraisemblablement son travail. Il mit un instant à saisir la situation, avant de prendre la jeune future mère dans ses bras pour la porter au salon. Elle soufflait, haletait, transpirait mais, apparemment, il était trop tard. Paniqué mais d'apparence sereine, Walter Hardy prit les choses en main, littéralement. Il appela l’hôpital du quartier et demanda un certain Docteur Brooke, le gynécologue habituel de sa femme.
Quelques heures plus tard, la petite Felicity voyait le jour, un 13 août. Comme un chaton lors de sa phase néonatale, tu avais les yeux gris, légèrement bleutés, et un petit nez rosé. Ta mère, épuisée par le miracle qu'elle venait d'accomplir s'endormait en te contemplant, alors que ton père te berçait tendrement, la sage femme vous ayant préalablement rejoint quittant le modeste appartement du Queens où vivaient tes parents. Felicity, c'est un prénom doux et chaleureux. D'après les recherches assidues qu'avait fait ta mère, les Felicity seraient bienveillantes, sociables, et quelques peu dépendantes. On en fera une dure à cuire ! avait clamé ton père alors que sa femme hésitait. Et, ce fut finalement ce prénom qu'ils choisirent pour toi, Felicity Hardy.
- 2007
Elle n'était jamais là, ta mère. Elle n'était pas présente et puis, de toute façon, si tes parents divorçaient, tu irais vivre avec ton père. Ton père, c'était ton héros ; à tes yeux, il avait tout, le caractère, la force, l'intelligence. Souvent, il sortait le soir, mais il ne te disait jamais pour aller où ou pour quoi faire, alors tu lui faisais juste confiance et lui demandais de vite rentrer. Souvent, il te ramenait un cadeau, le lendemain, au réveil. Une peluche, des bonbons.. Tu l'adorais, ton père. Un jour, pour l'anniversaire de tes 8 ans, Walter t'offrit un chaton ; tu l'appelais Flocon, parce qu'il est noir disais-tu avec fierté.
- 2013
Élève ni bonne, ni mauvaise, tu t’intéressais cependant à beaucoup de choses ; le sport, en premier lieu, mais aussi la littérature ou le dessin étaient des matières qui te plaisaient. Les autres étaient superflues, d'après toi, alors pourquoi y consacrerais-tu du temps? Ta mère, navrée de te voir si peu investie, t'engueulait souvent tandis que ton père était là pour calmer le jeu, sans cesse rappelant à cette dernière que lui non plus n'était pas un excellent élève mais vivait heureux à présent. Tu souriais en l'écoutant te narrer ses aventures de lycéen intrépide, alors que ta mère levait les yeux au ciel. Ton père, c'est autre chose Felicity, une autre époque aussi. Tu fronçais les sourcils. Chérie, c'est Felicia. Il te regardait tendrement, passant une main sur ta tête. J'ai appelé ma fille Felicity, pas Felicia. Tu baissais les yeux. Tu n'aimais pas ce prénom en vérité ; Felicity, c'était le prénom d'une fille qui n'était pas toi, d'une fille assidue, portant des lunettes rondes et appelant ses parents "Père" et "Mère". Felicity, c'était pas toi, toi, tu étais un garçon manqué, tu te battais parfois, lorsque trop de garçons se moquaient de toi, tu jouais au baseball avec ton père et faisais la course au parc avec tes camarades. Felicia, ça c'était toi, rusée et espiègle, naïve et frivole.
- 2015
bip... bip... Felicity, c'est maman, rappelle-moi s'il te plaît.
Appliquant minutieusement du mascara sur tes longs cils noirs, une amie hissait ta queue de cheval au dessus de ta tête, t'assurant que tu serais ultra sexy avec cette coiffure. Tu haussais les épaules, de toute façon, aucun garçon ne s'intéressait à toi, alors bon, ça ne serait pas franchement utile d'être sexy. Je t'assure que James m'a dit que Ryan flashait sur toi ! Tes joues se teintaient de rose alors que tu refermais ta trousse de maquillage, te pinçant les lèvres afin d'y appliquer ton rouge. Tu levais les yeux vers le reflet de Maria dans le miroir face à toi ; avant de rire avec elle.
La musique était forte, l'alcool présent et les corps se déhanchaient joyeusement sur de la pop. L'ambiance, plutôt bon enfant, était agréable et tu enchainais fou rires et bières, sourires et rapprochements.
bip... Felicity, rappelle-moi ! Il est 5 heures du matin, tu es où?
- TW:
Tu t’effondrais sur ton lit, avant de sangloter. Tes parents n'étaient pas là, mais tu remarquais les appels en absence de ta mère sur ton portable que tu avais oublié chez toi. Seule, tu te mis à hurler, jetant tout ce qui te passait sous la main contre les murs. Enfermée dans cette pièce, tu étais prisonnière de ta propre souffrance. Pleine de rage, essoufflée, tu tombais à genoux face à ton miroir mural. Tu levais les yeux vers ton reflet, remarquant que tes yeux changeaient peu à peu de teinte. Tu approchais ton visage du miroir, observant ta pupille se fendre lentement. Paniquée tu t'écartais de ce dernier et portais tes mains à ton visage. Lâchant un cri strident, tu écartais tes paumes à hauteur de tes yeux ; des griffes pointues et acérées semblaient remplacer tes ongles. Le bruit de clés dans une serrure se fit entendre, et tu courais vers l'entrée. Pap.. Où est papa? Les larmes te montaient, et ta gorge se serra. Ta mère resta silencieuse, s'approchant de toi après avoir posé ses clés sur un meuble dans l'entrée. Felicity.. Ton père.. Le silence s'installait, avant que tu ne le rompes, passant tes mains derrière ton dos, baissant la tête. C'est Felicia, maman. Tu retournais silencieusement dans ta chambre. Ce soir, tu ne pleurerais plus. Ce soir, tu décidais de te venger. Ce soir, tu devenais quelqu'un, quelque chose d'autre, et tu rendrais ton père fier de toi. Tu allais tuer Ryan, et venger ton honneur.
- 2018
Vu d'ici, la ville de New York semblait toute petite ; sautant de toits et toits, tu te rendais au Musée Guggenheim pour une exposition. Un rictus parcourait ton visage. À une heure du matin, quelle exposition pouvais-tu bien aller voir? Non, ce qui t'intéressait, c'était une œuvre en particulier, un bijou d'une pureté exceptionnelle, un bijou d'une valeur inestimable, enfin, si, estimé à trois millions.
Assise sur le toit de l'Empire, tu balançais tes jambes d'avant en arrière en suçotant une sucette à la fraise, lançant le diamant en l'air et le rattrapant dans ta paume, observant le ballet des flash de police dans les rues. Un sourire satisfait aux lèvres.
Le réveil fut agréable au lendemain du méfait, tant la somme rondelette que tu en tirerais serait agréable. Tu allumais la télévision, curieuse d'en apprendre davantage sur cette Chatte Noire masquée.
Blonde ? Mais je suis pas blonde !
Pestais-tu à l'attention du journaliste en resserrant ta main autour de ton verre. Tu soupirais en buvant une gorgée, avant d'aller caresser ton chat au rebord de la fenêtre. Quelques minutes passaient, puis l'annonce d'un accident de voiture non loin de là la nuit dernière attisa ta curiosité. Finalement, tu avais bien fait de ne pas te venger sur ce cloporte, la vie s'en était charger elle même..
- 2022
Et donc, comment avez-vous vécu le décès de votre père, Mademoiselle Hardy? Vous n'aviez qu'une quinzaine d'année à l'époque il me semble.
Tu haussais les épaules, désinvolte. Le médecin referma brusquement son petit carnet noir, avant de remettre ses lunettes sur son nez.
Écoutez Mademoiselle Hardy, je suis sensé faire une évaluation psychiatrique de votre cas, ne me compliquez pas la tâche je vous pris. Il s'agit de notre quatrième séance et nous n’avançons pas.
Tu levais les yeux au ciel, blasée.
Vous voulez quoi, Doc'? Tout savoir sur moi ? Ma mère et moi on ne s'entend pas. Mon père est mort à mes 16 ans, oui, d'un cancer. Il était un voleur connu des services de police, oui. Et après? Ah, si, Ryan. Tragique accident, mais je ne regrette pas ce qu'il lui est arrivé. Je travaille, et, j'ai un chat. Voilà, maintenant dites à ma mère que je vais bien et arrêtez de me donner des rendez-vous.
Felicity, votre mère s'inquiète pour vous. D'après ses dires, vous ne lui répondez plus au téléphone, vous ne cherchez même plus à la joindre, vous vous isolez.. Depuis le décès de votre père, vous n'êtes plus la même.. Je suis sûre que si vous entamiez le dialogue, si au moins vous lui parliez de cette fameuse nuit..
Je vais très bien, Docteur Harmon. Oui, mon père me manque mais, c'est normal, non? Il était le seul à me comprendre. Ma mère ne peut pas me comprendre, mon père le pouvait. C'est un fait, c'est comme ça, il n'y a rien de pathologique là derrière Docteur Harmon.. Je suis heureuse dans ma vie.
- 2024
Heureuse n'était peut-être pas le bon terme, mais, tu gérais ta vie et c'était l'essentiel. Toutes ces années où ton père t'enseignait des choses, toutes ces années passées avec lui.. Tu avais finalement enfin trouvé ton but. Tu deviendrais
Aujourd'hui, ton reflet te plaisait ; qu'importe pour qui ils te prennent.. Tu sais qui tu es.
You remember my first big job on my own? My first crew? Dad died. But now he can see how good I am at this life. I wasn't good enough to save his life. This time, though...I will.
(c) anaphore