Je ne me souviens pas vraiment de mes premières années, mais il parait que c'est tout à faire normal. J'ai été placée en famille d'accueil pendant un moment. J'ai due en faire deux ou trois. Des brides de cette période me reviennent encore, des sensations, des visages, une école, une maison et un appartement. Tout est un peu flou, mais j'ai l'impression d'avoir été aimée, au moins un peu. Je n'étais pas seule, il y avait d'autres enfants. Et un jour, un couple est venu me rencontrer, vers mes six ans. Ils ont passé un peu de temps avec moi et m'ont demandé si j'étais heureuse, si je voulais un papa et une maman rien qu'à moi. Je me souviens très bien de ces deux questions. J'ai dû répondre par l'affirmative, car quelques mois plus tard, Mei-Ling et Liang sont venu me chercher. Je suis partie de ma famille avec eux et nous avons pris l'avion. Liang avait acheté plein de cadeaux pour moi. Nous sommes arrivés à Shanghai puis nous avons fini par arriver à Nanjing. C'est là que j'ai découvert ma nouvelle maison, dans le district de Gulou. Nous avions quelques voisins et j'ai pu rencontrer d'autres enfants de mon âge. Ils ont été surpris de me voir. Je ne leur ressemblais pas du tout. J'étais différente, mais souriante. Nous sommes rapidement devenus amis. Il y avait Tao, Jin et Xian. Je ne me souviens que de ces trois-là. Probablement parce que nous sommes allés dans la même école par la suite. Nous avons eu du mal à communiquer au début. Le Chinois n'est pas une langue facile. Liang parlait japonais, Mei-Ling avait des notions et ils ont essayé dès le début de m'enseigner le Wu et le Mandarin. Ce n'est qu'au Niveau Junior que j'ai pu reprendre l'enseignement du Japonais, ma langue natale.
J'ai eu un peu de mal à l'école au début, à cause de la barrière de la langue. J'étais déjà âgée de huit ans à ce moment-là. Il m'a fallu un peu de temps pour rattraper mon retard. Je me devais de travailler beaucoup pour réussir et les rendre fier de moi. Liang était Directeur-commercial d'une usine d’électronique de Nankin, voyageant régulièrement au Japon et Mei-Ling était secrétaire administrative dans une grosse société du quartier d'affaire. Il ne fallait pas les décevoir. C'est aussi durant cette période que j'ai découvert le Wushu. J'ai aperçu des gens faire du Taï-chi, j'ai demandé à Mei-Ling ce que c'était et quelques jours après, elle m'a emmené au Temple. J'ai pu voir d'autres enfants là-bas. Pour moi, leurs gestes étaient comme une danse et d'une certaine façon, c'était le cas. Pour Mei-Ling j'étais encore un peu petite et cela risquait de retarder ma croissance. Nous avons donc convenu que je commence à mon entrée au collège. Malgré tout, je suis revenue régulièrement pour observer.
Arrivée au collège, je maîtrisais plutôt bien la langue chinoise et je commençais l'apprentissage de l'anglais grâce aux cours obligatoires. J'avais entièrement rattrapé mon retard. J'étais une très bonne élève. Mei et Liang étaient très fier. Comme promis, j'ai intégré le Temple pour commencer à apprendre le Wushu. Ah oui, c'est aussi à ce moment-là que j'ai commencé à développer... ce qui est aujourd'hui ma mutation. J'ai commencé à charger presque tout ce que je touchais en électricité statique, je créais des interférences en passant à côté de certains objets. La télévision, la radio, la machine à laver, il était presque impossible de les utiliser correctement lorsque j'étais à proximité. On m'a emmené voir le médecin de famille. Le verdict est tombé : j'étais une mutante. Je possédais un gène particulier qui avait modifié mon génome. En l’occurrence, ma mutation avait un rapport avec l'électricité. Le médecin promis de garder le secret, mais les invita à trouver une solution. Mei et Liang ne savaient pas quoi faire et ils me gardèrent donc à la maison. Les mutants étaient plutôt mal vus. L'un d'entre eux avait même failli détruire le monde dans les années 80. Ils avaient peur que je sois marginalisée. Ce furent finalement les événements de New York quelques mois plus tard qui furent comme un déclic pour Mei et Liang. Déclarée comme souffrante pendant plusieurs mois, je fis donc mon retour au collège, armée d'une paire de gants isolants, avec la promesse de ne rien dire à personne concernant ma nature. L'excuse pour dissimuler mes mains fut toute trouvée : une maladie de peau, non-contagieuse. Déjà bonne élève, je devins l'une des meilleures de l'établissement. J'apprenais vite, très vite, si bien que mes professeurs conseillèrent à Mei et Liang de me faire rejoindre un collège plus adéquat. Malgré la fierté qu'ils ressentirent, ils refusèrent sur ma demande. Je ne voulais pas perdre mes amis, Tao et Jin. Cette facilité d'apprentissage se démontra également dans la pratique du Wushu, impressionnant jusqu'au Maitre du Temple, Lee. Durant cette période, je m'étais écarté de Xian, ressentant une certaine attirance pour elle qui n'avait pas été réciproque. Mei-Ling m'avait expliqué que ce genre d'attirance était très mal vue. Je fis donc temporairement une croix dessus.
Les années passèrent et poursuivant ma scolarité, je remarquai que la pratique du Wushu et notamment la pratique du Tai-Chi, me permettait de mieux contrôler ma mutation. Pouvant ôter mes gants en évoquant une guérison, je pus véritablement me concentrer sur les arts-martiaux et participer à mes premières démonstrations officielles de la région, avec succès. Auréolée de ces premières reconnaissances, Maitre Lee exprima son souhait de devenir mon Sifu, ayant selon ses mots "décelé un très grand potentiel" chez moi. Honorant le baishi comme le voulait la tradition, je devins son disciple, à la condition fixée par Mei et Liang que cela n'entraverait pas mon cursus scolaire. Ainsi, je passai chaque soir, chaque week-end à m'entrainer durement, répétant encore et encore les mouvements, méditant, sous l'enseignement avisé de Maitre Lee. Ce dernier, mit dans la confidence, me fournit des exercices pour canaliser ma mutation, m'apprenant à laisser couler l'électricité dans mon corps comme mon Chi.
Alors âgée de quinze ans, j'obtins mon Zhongkao et dus choisir mon futur lycée. Les grands lycées de Shanghai ou Pékin m'ouvrirent leurs portes, mais mes racines étaient à Nanjing, qui disposait également de lycées prestigieux. Contre toute attente, je boudai le lycée proposant l'enseignement du Wushu. Un Wushu moderne. Je ne pouvais trahir mon Sifu et l'enseignement traditionnel qu'il me prodiguait. Ainsi, je me dirigeai vers un lycée proposant des options d’électronique. De par ma mutation, j'avais commencé à beaucoup m'intéresser à l'électricité et à l'électronique. J’en profitai aussi pour reprendre le Japonais. Je regardai d'un œil un peu inquiet les différents événements à travers le monde, notamment l'activité de ces Avengers, craignant que leur chemin ne les mène du côté de la Chine. Heureusement, il n'en fut rien et les accords de Sokovie me rassurèrent un peu.
Durant les deux années qui suivirent, ce furent un peu les meilleurs moments de ma vie jusqu'alors. Réussite et succès, dans le domaine éducatif autant que dans la pratique de ma passion, grâce à l'enseignement de mon Sifu, j'ajoutai de nouvelles formes à mon arsenal, notamment en m'initiant à la pratique du sabre et du Jiu jie bian. Concevant dans mes maigres temps libres entre le Wushu et l'école des petits circuits électriques, je fabriquai mes propres systèmes électroniques en suivant des plans récupérés auprès d'étudiants d'universités. Une voie universitaire en électronique s'ouvrait à moi, autant qu'une voie de Maitre Wushu. En concertation avec Mei-Ling et Liang, mon choix ne serait pris qu'après réussite de mon Gaokao. Ces derniers voulaient bien entendu que je poursuive mes études, pour faire leur fierté. Néanmoins, le Wushu était mon quotidien. Chaque jour, je me rendais au temple pour pratiquer. Cet équilibre, cet état d'esprit qui était le mien, plus qu'une passion, l'enseignement de mon Sifu faisait désormais partie de moi. Apprendre à faire circuler mon énergie me permettait d'asseoir mon contrôle sur ma mutation et ainsi de mieux la dissimuler.
C'est aussi à cette période que... j'ai rencontré Lin, également pratiquante au temple. Je n'avais jamais été attirée par les garçons et j'avais gardé pour moi mon attirance pour la gente féminine, la chose étant mal vue en Chine. Je ne m'étais encore jamais intéressée autant à quelqu'un. Son visage, son sourire, ses formes, son caractère. Cela a vraiment matché dès le début entre nous. Devenant tout d'abord amies, je l'ai ensuite prise sous mon aile pour l'aider à apprendre le Wushu. Nous avons commencé à passer notre temps libre ensembles, nous affichant comme des amies. Puis, après quelques semaines, nous avons échangé notre premier baisé dans le vestiaire du temple. Notre relation est ensuite devenue bien plus sérieuse et charnelle. Après toutes ses années de retenue, je pus enfin exprimer librement mes sentiments et ma différence avec Lin. Malheureusement, après plus d'un an de relation, Lin a quitté la Chine, suivant ses parents aux États-Unis. Malgré une promesse de rester en contact, la chose ne fut pas possible, ses parents ayant vraisemblablement découvert notre relation et la désapprouvant. Le cœur brisé, j'ai redoublé d'efforts dans la pratique du Wushu et mes études, faisant une croix sur d'éventuelles nouvelles relations, du moins pour le moment. Malgré tout, je n'ai jamais pu oublier Lin.
Puis vint le jour de mon anniversaire, le trente-et-un mai 2018... C'était... un jour comme les autres.
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Nous étions au Temple... Yukio suivait son entraînement quotidien sous mon œil vigilant. La fluidité de ses mouvements ne cessait de m'impressionner. Son sérieux et son application ne faisaient aucun doute. Plus encore, cela devenait presque une seconde nature pour elle. Une partie de moi se demandait toujours si sa différence y était pour quelque chose. Elle m'avait avoué son secret, il y a bien longtemps maintenant. Sa progression était si phénoménale, si rapide. Je ne pouvais qu'être fière de ma disciple. Elle m'avait invité chez elle pour son anniversaire. Sous son insistance, j'avais accepté. Néanmoins, les festivités n'auraient lieu que plus tard dans la journée. C'est alors que... Je sais aujourd'hui ce qu'il s'est passé mais... je me souviens que... des habitués du Temple se sont mis à disparaitre, s'évaporant sous forme d'une poussière grise. Avec Yukio, nous sommes restés quelques instants sous le choc, avant d'essayer d'agir. Allions nous tous disparaitre ? Au bout de quelques instants, les disparitions cessèrent. Que s'était-il passé ? Comment ? Pourquoi ? Avec Yukio, nous avons parcouru le Temple, puis les rues alentour. Le phénomène n'était pas localisé. C'est alors que Yukio a foncé à toutes jambes en direction de sa maison. Je me suis élancé à mon tour, du mieux que j'ai pu. Puis... je me suis immobilisé en entendant puis voyant un avion me survoler... à très basse altitude. Ce dernier allait s'écraser, je l'ai compris presque immédiatement. La direction qu'il prit me terrifia et je me suis élancé à nouveau. Yukio... Elle était en danger. Dans les rues, le chaos régnait. Certains véhicules sans chauffeur s'étaient encastrés dans des murs.
Le vacarme du crash fut assourdissant. Je ressentis la violence du choc dans mes pieds et dans le reste de mon corps. Puis je vis un panache de feu et de fumée noire s'élever. Mon cœur se serra dans ma poitrine. A cet instant... mes pensées allèrent à Yukio... et à tous ces pauvres gens se trouvant sur les lieux du crash ou dans l'avion. Que s'était-il passé ? Comment cela était-ce arrivé ? Ces questions me traversèrent l'esprit un instant avant que je ne reprenne ma course. Je m'accrochais à l'espoir que Yukio ait été épargnée, au moins elle. Lorsque je suis arrivée au niveau de son quartier... j'ai eu du mal à en croire mes yeux. Des débris, des ruines, des flammes, le chaos. Au sol, des corps gisaient, inanimés. D'autres, bien vivants, hurlaient, le corps partiellement brûlé, aidés par de rares survivants. Plus je m'enfonçais dans le quartier, plus le chaos s'intensifiait. Des débris métalliques, des flammes, une grande trainée noire trahissant de la direction du crash et des corps... toujours plus de corps. J'ai dû me faufiler entre deux véhicules qui se consumaient pour enfin parvenir à quelques mètres de la maison de Yukio. A ce stade, je me préparais à découvrir l’impensable. Mais une silhouette s'est soudain dessinée. Yukio était là, bien vivante agenouillée. Je me suis approché. Son bras était partiellement brûlé, elle saignait. A ses pieds, gisait Mei-Ling et à quelques mètres, je reconnus le corps de Liang. Des larmes commencèrent à couler sur mes joues. Mei-Ling et Liang étaient des amis. Yukio pleurait aussi. Mei-Ling semblait encore consciente. Je me suis précipité pour essayer de l'aider , mais je dus me rendre à l'évidence en constatant son état... Mei-Ling pleurait. Je ne saurais dire s'il s'agissait de tristesse ou de douleur. La main sur le visage de Yukio, elle lui a sourit. Je me souviens encore aujourd'hui de ses mots : " Ton sourire va me manquer ma petite fille. " Puis sa main est retombée. Le cri de Yukio qui a suivi m'a... *Lee s'essuie le visage* déchiré le cœur. J'ai essayé de m'approcher, pour la prendre dans mes bras, pour la soutenir. Mais je n'ai pu faire un pas dans sa direction. Sous mes yeux interloqués, encore embrumés de larmes, des éclairs s'échappaient de son corps, gagnant en intensité. Je me suis abrité comme j'ai pu, avant que cette violente tempête électrique ne cesse. Quand j'ai émergé de ma cachette, j'ai vu le corps de Yukio qui gisait, inanimé. Elle était vivante, simplement évanouie. Mais son état m'inquiétait, beaucoup. Après lui avoir fait des bandages avec des morceaux de mes vêtements, je l'ai pris dans mes bras et je me suis mis en quête de secours, au milieu de ce chaos. Je finis par trouver un peu d'aide après de longues minutes de marches. La solidarité s'était organisée et enfin, Yukio fut prise en charge.
Les jours se sont écoulés. Après avoir tenu son chevet, je suis retourné plusieurs fois à l’hôpital. Ce dernier tournait au ralenti à cause du manque de personnel. Yukio ne pleurait pas quand je venais la voir. Nous discutions et c'est comme si, elle avait perdu la mémoire. Son sourire ne quittait jamais son visage. Quand elle fut rétablie, je l'ai accueilli chez moi. Nous avons assisté aux cérémonies collectives pour l'enfouissement des défunts. Là encore, Yukio m'a semblé ailleurs. Elle ne souriait pas mais... ne semblait pas réaliser ce qui se passait sous ses yeux. Les nouvelles ont commencé à arriver. Les évaporations n'étaient pas localisées, mais s'étendaient à travers le monde entier. La Chine, comme le reste de la Terre, allait connaitre des jours très sombres.
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J'ai vécu pendant quelque-temps avec Lee. Presque deux ans. Comme tout le monde, j'ai fini par apprendre la vérité. Un dénommé Thanos avait décidé d'effacer la moitié de l'humanité. Un sale type, à n'en pas douter. Les Avengers avaient été impuissants. Mais le monde ne s'était pas arrêté pour autant. Enfin, pas totalement. Même si la solidarité était là, je me suis efforcée de subvenir à nos besoins à moi et Lee. J'ai même utilisé ma mutation par-ci par-là pour aider les gens, discrètement. Ce qu'il reste du gouvernement a tenté de faire un recensement, mais là tâche était colossale. En ville, les registres étaient faciles à obtenir, mais pour ce qui était des campagnes. Notre pays était vaste. Encore davantage maintenant que presque la moitié avait disparu. Il restait néanmoins l'autre moitié qui redoublait d'efforts. J'étais peut être la seule optimiste à ce moment là. Il était inutile de s'inquiéter, les choses allaient s'arranger.
Pour ma part, j'ai réussi à convaincre Lee de continuer à m'enseigner le Wushu. J'ai également pu récupérer des matériaux pour me former seule dans le domaine de l'électronique. L'Université où j'étais censée aller regorgeait de matériaux et de cours passionnant sur le sujet. Je me souviens que plusieurs fois durant cette période, Lee a voulut m'emmener au cimetière et au mémorial. J'ai décliné chacune de ses demandes. Je n'avais pas envie d'y aller. J'avais parfois du mal à comprendre ce qu'il essayait de me dire. Comme si mon cerveau se déconnectait. C'était peut-être là un effet secondaire de ma mutation. Quoi qu'il en soit, les choses finirent par rentrer dans l'ordre. Un jour de Mai 2023, les gens disparus cinq ans plus tôt revinrent, aussi soudainement qu'ils étaient partis. Comme quoi, tout finissait par s'arranger. Cela a créé un sacré bazar. Des gens se sont retrouvés sans toit. Il a fallut reconstruire, rénover, rendre à nouveau fonctionnel. Mais petit à petit, la vie a une nouvelle put reprendre. Je me suis même illustrée pour faire repartir certains systèmes de la ville. J'étais devenue plutôt douée dans mon domaine. Les Avengers avaient sauvé le monde.
Quand les infrastructures de transport ont redémarré, j'ai eu envie de voyager, de rencontrer d'autres gens comme moi. J'ai fait mes adieux à Lee et je suis partie. La Chine, la Russie, l'Inde, en quelques mois, j'ai traversé le monde. Chaque pays se reconstruisait grâce à la ténacité de leurs habitants. J'ai rencontré quelques-uns de mes semblables qui participaient à la reconstruction. Grâce à eux, j'ai commencé à me teindre les cheveux et j'ai commencé à apprendre leur langue. D'autres pays m'apparurent éprouver davantage de difficultés. Dans certains d'entre eux, les mutants étaient même mal vu. Néanmoins, je gardais bon espoir pour eux. En Inde, un mutant que j'avais rencontré m'informa qu'il existait aux États-Unis une école pour "jeunes surdoués" où il était resté un an avant de revenir dans son pays. Je finis donc par atterrir aux États-Unis, intriguée par cette fameuse école. Étant donné mon âge, il n'était pas question d'y aller étudier. J'avais déjà vingt-quatre ans. Mais peut-être pouvais-je aller y jeter un coup d’œil, pour rencontrer d'autres mutants. L'Institut serait donc ma nouvelle destination.