Les choses semblent rentrer dans l’ordre avec le Phénix. Ainsi donc suis-je libre de progresser plus activement sur la menace suivante. Il y a essentiellement deux méthodes pour s’organiser et tout de même faire avancer les choses : se concentrer sur un nombre réduit de problématiques afin de les mener à bien puis d’en changer, chose qui vient plutôt naturellement je trouve, et alterner un grand nombre de problématiques pour les avancer petit à petit toutes en même temps, chose qui me semble être la manière des ordinateurs. Ne pouvant délaisser des problématiques parce qu’elles sont moins importantes, j’hiérarchise cependant les efforts fournis entre elles pour avancer rapidement celles qui doivent l’être sans trop délaisser les autres. C’est, pour le moins, fatigant. Heureusement, les Maîtres des Arts Mystiques sont en nombre suffisant pour que je puisse déléguer ce qui ne réclame pas immédiatement mon attention ; généralement.
Mes mains gantées ajustent la cravate à mon cou. Celle-ci cache les boutons de la chemise blanche, elle-même majoritairement couverte par la veste de smoking d’un bleu royal. Au-dessous, le pantalon de toile suit la même ligne colorée et termine sur des richelieus noirs, accordés avec la cravate. J’aurai aimé m’habiller ainsi pour Christine, quoi que j’aurais porté un nœud papillon, cependant c’est une affaire professionnelle. Je termine ma préparation en m’assurant que quelques mèches courbes descendent sur mon front afin de diminuer la grandeur de celui-ci comme de casser l’aspect sévère de mon visage lorsque je suis impassible.
Désormais apprêté, j’appelle à moi l’Anneau de Téléportation et me détourne du miroir. Quelques mouvements de doigts plus tard et l’étincelant raccourci dans l’espace physique s’ouvre sur la forêt. Plus précisément, à proximité d’une tanière d’une taille assez improbable. La Cape de Lévitation fait un mouvement pour me rejoindre mais je l’interromps d’un regard. Elle a un mouvement d’abaissement du col, exprimant sa déception comme si un humain invisible en était l’acteur, mais obtempère… pour le moment du moins. Je franchis le portail de téléportation et pose le pied sur un terrain auquel les chaussures ne sont pas destinées.
Aucun commentaire, même si j’inspire pour que ma voix porte plus loin ; moins loin, et probablement moins vite, que mon odeur cependant. Si l’Anneau m’a conduit ici c’est que Fenris doit s’y trouver. Ramenant mes mains le long de mon corps, à un saut en arrière du portail et de la sécurité du Sanctum, je m’exprime fort.
« Je demande audience au Fléau des Neuf Royaumes. »
La Cape de Lévitation est dans l’arrière-plan, respectant le fait de rester au Sanctum à la lettre : elle s’accrocherait à moi et m’y tirerait que cela lui irait tout autant. Je me doute qu’en cas d’évitement à travers le portail, elle me réceptionnera avant le sol. C’est toujours agréable de se savoir correctement soutenu.
« Mon nom est Stephen Strange, Sorcier Suprême de l’Ordre des Maîtres des Arts Mystiques… et je souhaiterai l’inviter à déjeuner. »
La réservation est déjà faite et l’étude comportementale faite lors des observations de mes condisciples m’enjoint à croire que, plus qu’une assurance qu’elle m’écoutera relativement pacifiquement, elle m’écoutera aussi longtemps qu’il y aura de la nourriture pour l’occuper. Le problème étant la quantité que cela implique.
Strange - Fenris “ Si vous avez rendez-vous avec le Diable, prenez garde à ne pas être en retard ”
Une tanière. Un petit endroit douillet où logeait un animal sauvage. Celle-ci avait des dimensions plutôt impressionnantes, bien que parfaitement appropriées pour la créature qui y séjournait. Du moins, pour la majorité des formes que cette dernière pouvait prendre. Parfaitement dissimulée dans une forêt de l’État de New-York, difficile d'accès, nul intrus ne s'était encore aventuré à proximité de l'antre du Fléau des Neuf Royaumes, hormis quelques petites créatures des bois. Pourtant cette fois-ci, quelqu'un avait choisi de prendre ce risque, sciemment...
Le museau de la petite louve endormie se mit à s'agiter et brusquement, ses yeux s'ouvrirent, dévoilant deux iris émeraude. Se redressant pour se mettre à quatre pattes, la Lupine s'étira et bailla à s'en décrocher la mâchoire avant de renifler à nouveau. Une odeur inhabituelle lui était parvenue et cette dernière n'avait pas sa place dans sa forêt. S'extirpant de sa tanière en profitant du couvert végétal naturel la dissimulant partiellement, la petite louve s'écarta un peu pour pouvoir observer furtivement avant de se figer en entendant les premiers mots de l’intrus. Une demande d'audience au Fléau des Neuf Royaumes, rien de moins. Le pelage de la Lupine se hérissa. Il y avait un danger. Un danger imminent. Jusque-là, personne n'avait réussi à trouver sa tanière, du moins pas sans y avoir été invité. Qui était donc cet intrus ? Un homme étant donné sa voix et son odeur. Détail plutôt singulier, il portait du parfum.
L'intrus poursuivit en se présentant. Stephen Strange, Sorcier Suprême de l’Ordre des Maîtres des Arts Mystiques. Encore un magicien. Encore et toujours un magicien. Le titre était pompeux, mais pouvait également être porté à juste titre. N'était-elle pas elle-même le Fléau des Neuf Royaumes ? Un magicien, probablement puissant, assez habile pour trouver son repaire qui... qui souhaitait l'inviter à déjeuner ? Une mauvaise blague ? Un piège pour la forcer à se découvrir ? Quelque-chose clochait. Le bon sens criait de s'évanouir dans la nature, de disparaitre et de trouver une nouvelle tanière, loin d'ici. Mais était-ce seulement possible ? Les derniers magiciens que la Lupine avait croisé sur Midgard avaient fait montre d'habilités redoutables. L'un d'eux avait été capable d'influencer son libre-arbitre, une autre s'était déclarée capable de sonder son environnement pour retrouver quelqu'un. Si ce "Sorcier Suprême" ne possédait qu'une seule de ces capacités, la fuite était inutile. Fuir face à un adversaire redoutable pouvait aussi être un signe de faiblesse...
Prenant forme humaine, Helaris émergea d'un buisson, sa nudité étant partiellement dissimulée mais bien discernable. Posant ses iris émeraude sur l'intrus, elle le détailla lentement et silencieusement. Un costume élégant et impeccable, un regard sévère, des iris à la couleur... changeante, des mèches... qui trahissent un peu la coiffure, rien ne laissait à penser que ce Strange était un magicien. Rien hormis le cercle lumineux derrière lui laissant entrevoir une cape volante et un autre environnement. Était-ce là le maximum de ses capacités ? Rien n'était moins sûr. Achevant son inspection, la Louve se décida enfin à répondre. " Attention magicien. Vous devriez... vous méfier de vos demandes. Fléau des Neuf Royaumes, pas être sortable. " Haussant un sourcil ironique accompagné d'un sourire en coin qui l'était tout autant. En effet, le véritable Fléau risquait de créer quelques émois si elle venait à se montrer. " Si vous souhaiter inviter, Fenris Fléau des Neuf Royaumes, vous avoir l'obligeance de patienter. Étant donné votre tenue, une certaine pudeur devoir s'imposer. Vous devoir prévenir à l'avance. Enfin, Fléau arriver rapidement. " Dit-elle avant de sortir de derrière le buisson, exposant brièvement son corps nu à la vue du magicien, avant de disparaitre dans la pénombre de sa tanière.
S'activant, Fenris alluma sa lanterne solaire et commença par se rafraichir un peu à la source d'eau, nettoyant minutieusement son corps, avant de se sécher et de commencer à arranger ses cheveux avec une brosse via un miroir suspendu à une paroi. Extirpant sa plus belle robe d'une valise, elle la revêtit avec quelques difficultés, attrapa une paire de talons noirs et acheva sa préparation par un peu de rouge à lèvre et de mascara. Un bracelet dorée vint compléter sa tenue. S'observant un instant, elle ajusta sa coiffure et sortie enfin de sa Tanière, presque métamorphosée. Helaris avait fait les choses en grand pour s'adapter à la tenue du magicien, malgré la précarité de ses moyens. S'arrêtant en posant devant ce dernier, ses pieds nus sur l'herbe verte et sa paire de talons à la main, elle leva un sourcil. " Cette tenue mieux vous convenir magicien ? Votre attente pas être vaine j'espère. " Déclara-t-elle, avant de s'avancer vers ce Strange, prête à se laisser guider. " Mon appétit être légendaire. J'espère que vous choisir restaurant avec grandes réserves. " Demanda-t-elle au magicien en souriant sournoisement. " Appelez-moi Helaris, ça être plus discret sous cette forme. "
Je ne sais pas réellement combien de temps je reste là à attendre un signe de sa présence. Je patiente. Je patiente jusqu’à l’apparition…
D’une jeune femme entre la vingtaine et la trentaine, complètement nue. Après un froncement de sourcils de surprise, je me retrouve face à un dilemme : détourner le regard voire fermer les yeux afin qu’elle conserve une intimité qu’elle n’a pas l’air de considérer tout en m’exposant à des conséquences néfastes allant de la vexer jusqu’à déclencher une attaque… ou la fixer autant que je peux le faire dans les yeux en en remerciant l’intensité de ceux-ci et la modestie de ses formes… difficile de savoir ce qui est le plus complexe. Néanmoins, si c’était une stratégie de diversion, elle m’aurait faite perdre plusieurs secondes… Chacun examine l’autre mais je tâche de le faire avec autant de distinction que possible, me rappelant le fait qu’il s’agit là d’un masque derrière lequel se cache une bête plus ancienne que la civilisation nordaméricaine. Certes, le masque est celui d’une mannequin, quoi qu’un peu petite pour une mannequin, complètement nue, détail qui a son importance, mais ça n’en reste pas moins un masque. Une combinaison serait-elle un terme plus approprié ?
« Attention magicien. Vous devriez… vous méfier de vos demandes. Fléau des Neuf Royaumes, pas être sortable. »
Je ne peux m’empêcher de sourire. Si la maîtrise de la langue est améliorable, celle du double sens est excellente. Néanmoins, il me semble plus sage d’en rester là : parler avec les gestes, non avec les mots. Je sais me tenir droit les bras le long du corps, même si j’ai d’ordinaire une vue plus large de la situation.
Si je souhaite "inviter Fenris, Fléau des Neuf Royaumes", je dois attendre à nouveau. "Étant donné votre tenue, une certaine pudeur devoir s'imposer". Mon sourire change. De l’amusement impressionné face à son double sens, il évolue vers une connivence : l’esprit de déduction et d’adaptation de la Louve est apprécié. Il n’est en rien étonnant car elle doit être forcée de le développer désormais qu’elle n’est plus sur Asgard et tente de se faire passer pour une humaine… dans une certaine mesure. A dire vrai, je compte beaucoup sur lui afin que les choses s’arrangent pour le mieux.
Je m’apprête à la remercier de son obligeance quand celle-ci l’amène à dévoiler le reste de son anatomie. Je prends une inspiration et me permets de fermer un instant les yeux, cette fois. Il faut bien mettre au crédit de Fenris qu’elle aura réussi à me faire taire en quelques minutes plus que la plupart des êtres ayant croisé mon chemin ; Dormammu et Thanos inclus. J’ai bien l’intention que cette rencontre ne tourne pas à l’affrontement néanmoins. Pas que je ne puisse pas révoquer mon smoking pour une tenue plus appropriée à ma condition comme à un affrontement, cependant cela serait du gâchis.
Ramenant mes mains dans mes poches, je me tourne vers la Cape de Lévitation, toujours sur le seuil de mon portail de téléportation.
« Ne me juge pas ainsi, dis-je à la relique dont le col est tourné vers mon visage. Merci… »
Les épaules de la cape se soulèvent en un haussement. Face à cette réaction, je me retourne pour patienter seul en remerciant le fait qu’elle ne soit pas capable de parler.
Après je ne sais combien de temps, en minutes cette fois, Fenris s’en revient. Elle est toujours humaine mais beaucoup plus apprêtée… Une robe à bustier noir avec une bretelle asymétrique et une mini-jupe, stylisée pour sembler faite de bandes de tissus tournés les unes sur les autres au niveau du buste, le tout accompagnée d’une paire de talons hauts tenus dans une main parée d’un bracelet doré. Plus impressionnant encore, ses yeux si intenses sont mis en valeur par du mascara et, contraste de couleur aidant, du rouge à lèvres. Elle a réellement observé comment se préparent les femmes humaines, à défaut d’avoir immédiatement les réflexes basiques dont les humains font preuve en général. Ce n’est qu’après tant d’analyse que je réalise à quel point je me permets plus facilement de la regarder désormais, chose facilité par son approche. Approche qui me tend légèrement, dans une mesure moindre à la nudité ; quoi que la tension d’alors soit plus gênée que la présente.
« Cette tenue mieux vous convenir magicien ? Votre attente pas être vaine j'espère.
- Non, confirme-je sincèrement, conscient des deux doubles sens qui sont encore présents mais essayant d’avoir un sourire plus aimable qu’amusé. Merci de l’effort.
- Mon appétit être légendaire. J'espère que vous choisir restaurant avec grandes réserves. »
Son sourire me semble espiègle plus que malicieux, m’amenant à plisser les yeux pour me concentrer au mieux sur ces lèvres rendues charnues. Peut-être est-elle sournoise, mais je n’ai pas l’impression qu’elle me porte de mauvaises intentions cachées. Elle a de mauvaises intentions envers les stocks de viande du restaurant, indiscutablement, mais je n’ai pas l’impression d’en faire partie. Aurait-elle été capable de s’adapter au point de me tromper ? Je ne le pense pas mais c’est peut-être une question d’égo…
« Soit, Helaris. »
Je prends une inspiration pour poursuivre ma réponse avant de réaliser qu’il n’y a aucun moyen que lui indiquer une appellation ne se retourne pas contre moi dans mon propre esprit. "Docteur" serait étrange considérant la situation, "Monsieur" également même si dans une moindre mesure et "Stephen" est une chose que je me refuse à partager. "Magicien" est donc un moindre mal.
D’un geste du gant portant l’Anneau de Téléportation, je laisse le portail se refermer tout en constatant trop tard avec quelle agilité la Cape de Lévitation le traverse pour se tenir à mon côté. Après un instant à lui faire les gros yeux tout en ayant conscience que je n’ai pas le loisir de rouvrir un portail vers le Sanctuaire sans que Fenris ne se pose des questions voire ne s’y sente invité, je tolère la Relique en me focalisant sur sa bonne intention. Je reprends ensuite la position pour faire apparaitre un nouveau portail, cette fois à destination du trottoir face au Musée d’Art Moderne.
Entre deux colonnes hexagonales de même couleur et texture que les pavés se tient la façade vitrée du 40W 53e Rue, Manhattan. Couvrant la séparation entre le rez-de-chaussée et le premier étage, l’intitulé du Fogo de Chão est sur fond de bois tandis que le sous-titre Brazilian Steakhouse. Liant les deux, à droite, se trouve le logo du restaurant.
Les passants s’écartent face au portail de téléportation, surpris. N’attendant pas que leur curiosité prenne le dessus, je franchis le cercle d’étincelles avec la Cape à mon côté avant d’inviter Fenris à en faire de même. On a ainsi le loisir de se retrouver à quelques pas de la porte en sas roulant du restaurant, évidemment accompagnée des deux portes classiques de part et d’autre ; toutes vitrées. Arrivé à l’intérieur, un serveur en costume nous accueille et la mention de la réservation au nom du Docteur Strange suffit à teinter son professionnalisme d’admiration. Je tâche de maitriser le sentiment que celle-ci est logique considérant ce que j’ai fait mais celui-ci est là. Je remercie néanmoins avant de suivre le jeune homme parmi les tables carrées pour deux personnes et la décoration de bois. Bien qu’au rez-de-chaussée, l’entrée du restaurant accompagne une première salle par des escaliers à la fois ascendants et descendants ; ceux-ci sont de matériaux synthétiques noir et on des rambardes métalliques aux garde-fous de verre. Malgré la présence de plusieurs dizaines de personnes, pour peut-être plus d’une centaine de couverts répartis sur trois à quatre niveaux, la température est étonnamment fraiche ; voire froide, selon les sensibilités. Je ne m’inquiète pas vraiment de celle de Fenris, qui l’a démontrée plus tôt, ni de la mienne, entrainée à Kamar-Taj.
A chaque étage, un buffet d’entrées à volonté aussi frais que varié attend que l’on se serve. S’y côtoient des légumes et des fruits frais ainsi que du saumon fumé, des fromages, différentes sortent de pain et bien entendu la charcuterie : des saucissons de différentes sortes aux jambons tout aussi divers, il y en a plus que je ne saurais en nommer. Néanmoins, le plus odorant est le gargantuesque gril manipulé par toute une équipe de serveurs qui découpent les pièces à la demande. Combien de couverts peuvent-ils servir à la journée ? Plusieurs centaines, au bas mot.
C’est sur des chaises de bois et une table pour deux napées de blanc que l’on nous emmène. A son côté se trouve une grande vitre et, au-delà, un mur entier de cave à vin ; remplie. Je tiens la chaise à Fenris pour qu’elle s’assoit et l’accompagne pour qu’elle s’installe avant d’aller me positionner en face d’elle. Le serveur nous explique ensuite les consignes : les buffets froids sont à volonté et le service des viandes grillées se fait à l’assiette par des serveurs. Enfin, il nous remet les menus accompagnés de deux jetons verts, la réservation étant faite pour les viandes à volonté. Comme je l’ai expressément spécifié, nous sommes dans un coin tranquille et relativement isolé des parties les plus bondé de monde. Voilà qui devrait m’aider à éviter tout dérapage à l’instar des capacités d’infiltration et d’adaptation de Fenris.
« Excusez-moi, Docteur Strange, s’enclin ensuite le serveur en alternant son regard entre la Cape qui lévite à mon côté et moi. Auriez-vous besoin d’une troisième chaise… ou d’un porte-manteau ?
- Inutile, je vous remercie, dis-je sobrement avec un acquiescement avant de me tourner vers mon invitée. Par quoi souhaiteriez-vous commencer, Helaris ? »
Dans une autre vie, ce genre de restaurant pouvait être la norme. C’était il y a des siècles, beaucoup trop littéralement à mon goût. Tout en étant prêt à nous laisser réfléchir comme à enregistrer notre commande.
Strange - Fenris “ Si vous avez rendez-vous avec le Diable, prenez garde à ne pas être en retard ”
La Louve avait sorti le grand jeu. Le regard du magicien n'avait plus aucun mal à se poser sur elle. Les Midgardiens avaient du mal avec la nudité, certains plus que d'autres. Était-elle désormais à la hauteur ? Sans aucun doute, comme toujours. Ce "Strange" avait souligné l'effort consenti. Un euphémisme. Le Fléau des 9 Royaumes ainsi paré de frusques Midgardiennes. Qu'aurait pensé Hela de la voir ainsi vêtue ? Non. Il s'agissait d'une adaptation temporaire face à un ennemi pratiquant la magie, son unique faiblesse. Rien de plus. Ainsi rassurée, la Louve observa le portail derrière le magicien disparaitre et la « Cape Lévitante » se faufiler. Cette dernière semblait dotée de sa propre volonté et même capable de s'exprimer, à son niveau. Fenris n'avait encore jamais rien vu de tel, même à Asgard. Anecdotique ou danger potentiel, la Lupine ne s'attarda sur la cape, son attention se retrouvant captée par le nouveau portail qui apparu.
Hésitant un instant, Helaris se risqua à travers le portail à la suite du magicien, effectuant un petit bond de crainte qu'il ne se referme sur elle. Des Midgardiens surpris par leur arrivée ne manquèrent pas de lui jeter quelques regards, que la Louve esquiva, parfaitement dans son rôle d'Helaris. De l'extérieur, le restaurant ne payait pas de mine. N'ayant pas vraiment d'intérêts pour l'architecture, Fenris remarqua néanmoins le mot "steak" sur la devanture. Il y avait donc assurément de la viande au menu dans ce restaurant. Une bonne chose. Au moins aurait-elle le loisir de se remplir l'estomac, ou du moins essayer. Se laissant guider par son hôte, ses narines s'activèrent à peine rentrée dans l'édifice. Il y avait de la viande ici, plusieurs sortes de viandes, grillées à point, fumées, crues. Le Magicien avait judicieusement choisi l'adresse.
Presque en transe olfactive, la Lupine fut ramenée à la réalité par le serveur qui invita le duo à le suivre. Ce restaurant allait mettre la clé sous la porte, assurément. S'interrogeant un instant sur la raison du magicien à lui tenir sa chaise, Fenris finit par s'asseoir. Elle n'avait pas l'habitude d'aller dans ce genre de restaurant. Peut-être était-ce une politesse ? Quoi qu'il en soit, le Brun ne tarda pas à prendre également place. Écoutant d'une oreille distraite le serveur, hormis quand il prononça certains mots magiques, la Louve observa les autres tables. Vides. Une judicieuse précaution. Une créature mythologique qui déjeunait en tête à tête avec un Magicien Suprême. Une scène presque surréaliste qui se déroulait pourtant bien en ce moment, sous le regard aveugle de ce serveur qui s'enquérait de la Cape Lévitante. Se délectant du caractère rocambolesque de la situation, Helaris décida d'en profiter un maximum. « La viande que moi manger d'habitude pas être sur la carte. » Répondit-elle donc à la demande du magicien en plongeant son regard émeraude dans le sien, un sourire malicieux sur les lèvres. « Vous pas avoir de cerf, quel dommage. » Rajouta-t-elle à l'attention du serveur après avoir jeté un œil à la liste des viandes sur la carte. Ne prenant même pas la peine d'écouter la réponse du serveur, le regard toujours planté dans celui de son hôte, Helaris referma son menu. « Moi laisser ce cher Docteur choisir pour moi. » Un peu de familiarité, par taquinerie. Qu'allait-il donc bien pouvoir choisir ? Ce magicien l'avait-il observé, étudié ? Il avait assurément pris des dispositions, comme l'absence de clients Midgardiens à proximité. Jusqu'où était-il allé ? Que savait-il d'elle ? Ce déjeuner promettait d'être des plus intéressants.
Aurais-je pu faire tout cela juste pour tuer Fenris en la découpant à l’aide d’un portail de téléportation ? Elle semble le craindre, sautant au travers du cercle étincellant pour ne pas rester en son sein. Même si cela me vaut nombre de critiques et que je l’ai déjà transgressé, j’ai prêté le Serment d’Hippocrate et c’est un engagement que j’aime à tenir. Ne pas blesser et faire plus de bien que de mal. Evidemment, ces deux notions peuvent s’opposer et la seconde peut impliquer faire un petit mal pour un grand bien mais, de manière générale, j’interprète le serment comme le fait de chercher à aider ou, à défaut, ne pas nuire. Chose incompatible avec ma charge de Sorcier Suprême, puisque je dois nuire à certaines entités pour leur empêcher de nuire à notre monde, mais que je fais de mon mieux pour respecter. La rencontre d’aujourd’hui découle de cela : si je peux aider Fenris à s’intégrer et à s’améliorer sans lui nuire, je le ferais. J’essaie de le faire. Si je n’y arrive pas, on verra les contremesures nécessaires pour qu’elle ne nuise pas.
Actuellement, elle ne le fait pas. Elle n’a pas de raison de le faire et se montre même curieuse, je pense, de l’endroit. Sa hiérarchisation des sens est différente de part sa nature lupine, qu’importe que celle-ci soit cachée, et c’est assez attendrissant de la voir ainsi "portée" par les odeurs au point d’en oublier le reste et de devoir être rappelée à la réalité. Il y a plus en elle que ce que les Asgardiens en ont fait et que ce qu’elle a pu être jusqu’ici. Il faut néanmoins réussir à l’aborder de la bonne façon et le renforcer de manière à ce qu’elle s’intègre et veuille s’intégrer. Je n’ai aucun jugement à avoir sur sa tanière dans les bois néanmoins je dois éviter qu’un humain s’y égarant ne soit en danger. De manière générale, je suis ici car je crois que Fenris peut se joindre à l’Humanité et que cela mérite d’être essayé. J’ignore chez qui elle pourrait se trouver une place mais ce n’est pas à moi de faire cette recherche, je suis seulement ici dans l’espoir que la Louve l’entreprendra. Espoir plus aisé à réaliser si on en crée les dispositions.
« La viande que moi manger d'habitude pas être sur la carte. »
Le décalage est énoncé mais il l’est fait avec une malice que je perçois comme espiègle. Peut-être cherche-t-elle à me mettre mal à l’aise avec l’intensité de son regard, mon hétérochromie comme l’aspect perçant de mes yeux peuvent faire cet effet-là également, mais j’ai fait face à Dormammu ainsi la nudité me pose bien plus de problème que la fixation rétinienne.
J’hésite à répondre sur l’absence de cerf mais c’est le serveur qui en semble désolé et s’en excuse bien vainement. Il ne l’intéresse pas, il n’est qu’un outil voire une quantité négligeable si c’est moi l’outil. Ou alors, mon approche me vaut l’intérêt de l’Asgardienne au-delà de mes prévisions. Elle referme son menu et me laisse choisir, me faisant acquiescer par relèvement du défi.
« Nous prendrons deux verres de Chianti pour accompagner, dis-je au serveur avant d’en repasser à mon invitée. Pour l’entrée… »
De là où l’on est assis, il est possible de voir l’un des buffets froids et je plisse les yeux à destination de celui-ci. Je me permets une demi-douzaine de secondes de réflexion, moins par nécessité que par volonté de suspens et de laisser le serveur s’en aller, puis une assiette apparait devant Fenris avant de se garnir de différents carrés de pâtés, des terrines et de rillettes accompagnés d’une petite pile de toasts. Téléporter les objets est tout aussi utile que de se téléporter soi, même si les mécanismes ne sont pas les mêmes.
« J’ignore leur composition exacte mais il me semble possible que certains soient tiré de cerfs ou de daims. »
Evidemment, des produits semblables dépendent plus des cultures et productions locales. Trouver de la venaison hors d’un restaurant rustique ou spécialisé est donc improbable mais peut-être que des conserves à tartiner ont plus de chance d’être transportées voire importées à moindre coût. Après, cela est un espoir, pas une garantie. Les élevages de cervidés sont plus rares que ceux de bisons, il me semble, mais peut-être que cette association d’idées sera fructueuse par la suite.
« Corrigez-moi si j’ai tort. »
Un sourire de connivence sur les lèvres, je joue sur son espièglerie en sachant qu’elle cherchera à le faire, ne serait-ce que pour le plaisir que cela procurera à sa malice. La laissant réfléchir au sens le plus direct de ma déclaration, je me choisis un cube de rillettes qui se retrouve vite accompagné de tranches d’un pain aux graines et de quelques tomates cerises. Mon premier gant se pose délicatement sur le couteau tandis que mon second s’en va saisir les flancs du pain afin de tartiner doucement alors que je continue de faire la conversation.
« Nonobstant votre intervention le 12 mai dernier, pour la cérémonie d’hommages, je n’ai pas l’impression que vous ayez trop de démêlés avec nous. Par "nous", j’entends les humains. »
Il me fait assez mal de me mettre dans le même panier que le proverbial américain moyen mais, outre que je suis indiscutablement un humain, il est plus simple de considérer l’Humanité dans son ensemble pour la démarche qui m’intéresse. Sachant que, de toute manière, on entrera dans le détail par la suite.
« Vous intéressez le SHIELD, il me semble, mais je ne sais pas ce qu’ils pensent de vous. Néanmoins, vous êtes toujours en liberté. »
Le SHIELD sera un interlocuteur incontournable à l’éventuelle intégration légale de Fenris. Et d’Helaris.
« Je dois avouer, dis-je sur le ton de l’anecdote plus que de la confidence, j’ai un problème avec lui. L’organisation a 74ans et un droit d’intervention international sur les sujets impliquant des super-humains. Catégorie qui inclue les êtres magiques. »
Une pause, alors que ma première tartine est presque prête. Je fais toujours attention quand j’emploi ainsi mes mains, même si leurs cicatrices sont dissimulées aux regards. Le risque de me faire mal seul est assez faible, celui de les voir trembler car je leur demande un geste précis bien plus élevé. Pour l’heure, néanmoins, tout est tranquille.
« Mon ordre s’occupe des histoires de magie depuis environ 7.700 ans… et pourtant, je dépose mon couteau sur le bord de mon assiette, relevant les yeux sur Fenris avant de soupirer. Pourtant, si un agent de SHIELD décide quelque chose à propos d’un être magique et refuse d’écouter mon avis, la société l’écoutera lui. Pas moi. »
Nous commençons à zoomer et je n’insulterais pas l’intelligence de Fenris en considérant qu’elle ne voit pas le second degré de lecture dans mes paroles.
« Mon ordre n’est pas correctement intégrés à la société, sans doute. Un peu comme vous. D’ailleurs, que pensez-vous du SHIELD ? »
Strange - Fenris “ Si vous avez rendez-vous avec le Diable, prenez garde à ne pas être en retard ”
Le magicien avait relevé le défi, sans une once d'hésitation. De l'assurance, du charisme, une certaine droiture dans la posture autant que dans l'attitude qui rendait difficile toute lecture de ses intentions. Ce Strange n'était pas une créature à sous-estimer. Sans sourciller, il affrontait le regard émeraude du Fléau des 9 Royaumes qui appréciait cette petite joute visuelle. Pourtant, ce dernier venait déjà d'échouer. Deux verres d'alcool. La Louve ne buvait pas. Elle s'interdisait ce poison qui altérait le jugement et endormait l'instinct. D'ailleurs, c'était son instinct qui la dissuadait de ne serait-ce que gouter ce genre de breuvage et ce dernier se trompait rarement. D'ailleurs, les poils de sa peau se hérissèrent un micro-instant avant qu'une assiette n'apparaisse devant elle, rapidement garnies de différentes "viandes" froides aux odeurs atypiques. La Lupine haussa un sourcil. Une magie de téléportation qui fonctionnait également avec les objets. Un gâchis de moyen étant donné le lieu et les circonstances. Le serveur ne servait plus à grand-chose. Une tentative pour impressionner le Fléau ? Il en fallait bien davantage. Néanmoins, l'attention de Fenris se focalisa sur les pâtés qu'elle commença à attaquer sans se soucier des toasts. Manipulant ses couverts lentement avec des gestes trop calculés pour être naturels, elle analysa aussi bien olfactivement que gustativement les différents échantillons. Oui, il y avait bien du cerf, mais également du chevreuil. Les rillettes étaient à base de petit gibier, probablement de l'oie ou du canard. Pourtant, un des pâtés avait une odeur et un goût que la Louve découvrait. Ayant la bouche pleine et n'ayant pas de raisons de contredire les suppositions de son hôte, Helaris poursuivit sa dégustation, nonobstant son sourire espiègle. Le magicien était secondaire à cet instant. Il était question de nourriture, de viande et d'estomac criant famine. Fenris observa néanmoins brièvement les gestes de Strange, analysant ses mouvements de tartinage de toasts. Quel gâchis.
Dévorant les portions de gibiers cuisinés avec un appétit certain, l'assiette du Fléau fut rapidement vidée avant même que le magicien n'achève la préparation de son premier toast. Aussi la Lupine se montra attentive aux paroles de son hôte. Ainsi il savait. Il savait tout concernant sa forme originelle. Il avait même probablement assisté au Jour des Héros. Non, depuis ce jour, Fenris avait fait profil bas, se contentant d'échauffourées avec les forces de police lors de ses cambriolages de charcuteries. « Quand Midgardiens pas se dresser en travers de ma route, aucun problème arriver. » Répondit-elle avec un sourire en coin. Attirer l'attention des Gardiens était dangereux, surtout en l'absence d'alliés. Pourtant, le Fléau avait désormais un allié de poids sur Midgard. Il était néanmoins inutile d'en informer le magicien.
Le Shield vint ensuite sur la table. Fenris avait faire leur ennuyante rencontre dans l'une de SES forêts. Ce Fils de Coul. Il avait eu l'impertinence de l'interroger pendant une bonne heure, ne cessant d'essayer de la confondre, d'obtenir toujours plus d'informations à son sujet. Néanmoins, la conversation avait été déséquilibrée, grillant au passage toute chance d'échange apaisé à l'avenir. La Louve n'aimait pas le mensonge et que l'on essaye de la manipuler. Elle était en liberté. Encore heureux. Ce n'était pas comme si le Shield avait les moyens de l'emprisonner. Strange ne savait rien concernant la situation entre le Fléau des 9 Royaumes et le Shield. Une bonne chose. Il en demeurerait ainsi. Néanmoins, le point de vue du magicien fut des plus intéressants. En effet, le Shield s'était arrogé un droit d'intervention, de contrôle et de protection de Midgard. De quel droit ? Quelle était leur légitimité ? Plus important encore, comment pouvait-il penser que la Majestueuse Fenris en avait quelque-chose à faire ? Ils ne représentaient pas une menace. Ils existaient depuis soixante-quatorze ans. Une durée négligeable. L'Ordre de Strange existait depuis sept mille ans ? Un laps de temps tout juste respectable. La société écoutait le Shield plutôt que son ordre ? Quelle importance ? Le temps avait-il une quelconque importance ? L'expérience acquise peut-être, tout au plus. Le regard de la Louve était devenu incisif, son visage perdant toute malice au fur et à mesure du monologue du magicien. L'heure n'était plus à la légèreté. Choisissant ses mots avec soin afin d'avoir la diction la plus parfaite possible, Fenris répondit au Brun. « La même chose que votre Ordre. Une entité disant protéger Midgard s’arrogeant droit d'intervention, de contrôle ou de neutralisation de tout ce que elle juger être une menace, sans jamais rendre de comptes aux Midgardiens. » La chose était dite. Tant pis pour le tact. Mais la réponse de la Louve était encore loin d'être achevée. « Moi pas chercher à m'intégrer. Simplement à passer inaperçue. Les Midgardiens être autodestructeurs, fragiles, égoïstes, méprisables, esclaves de leur technique. Eux agir comme des prédateurs envers animaux et même leurs semblables. Pourtant, eux pas trouver normal de devenir proies d'un plus gros prédateur. Ce sont des paradoxes vivants. » Paradoxe. Un mot que Helaris n'aurait jamais espérer employer il y a encore quelques semaines. Ses progrès dans le langage Midgardien étaient exponentiels. Enfin, malgré sa rencontre avec des Midgardiens un tant soit peu intéressant, son avis demeurait majoritairement négatif à leur encontre. « Shield pas être une menace pour moi, ni pour votre Ordre. Pourquoi votre Ordre s'intégrerait à la société Midgardienne ? Quel intérêt ? Les Midgardiens être aveugles. Eux accepter des meurtriers, des engendreurs de chaos comme Gardiens. Eux organiser des festivités un mois après le chaos du Jour des Héros, comme si rien s'être passé. Eux même pas avoir conscience de la présence du Fléau des 9 Royaumes à ces mêmes festivités. Eux oublier que Midgard être un simple Royaume parmi d'autres. Eux oublier l'existence même de leur Fléau. » Soufflant du nez d'exaspération, Fenris leva les yeux au ciel en hochant la tête avant de détourner le regard. Ces Midgardiens étaient... des vermisseaux idiots. C'était tout juste si elle tolérait leur existence.
Helaris s'était un peu emportée. C'était néanmoins le magicien qui en était responsable. Aborder ce genre de sujet aussitôt dans le repas. Mais l'orage était passé, aussi vite qu'il était arrivé. « Entre nous, Midgardiens jamais vous exaspérer ? » Demanda-t-elle avec un mine mêlant interrogation et encore un soupçon d'exaspération. La conversation s'était un peu emballée comparée à la timidité des premiers échanges et il ne s'agissait que des entrées. Qu'allait donc bien pouvoir donner le plat de résistance ?
Si la réaction au vin m’échappe, la surprise face à la convocation ne le fait pas plus que la manipulation mal assurée des couverts. Je ne peux m’empêcher de sourire à une nouvelle manifestation de la hiérarchisation des sens différentes, même si certains humains aussi tendent à sentir avant de gouter. Quant à l’ignorance des toasts, elle n’est pas surprenante et témoigne également de certaines priorités. D’abord la découverte, ensuite l’adaptation culturelle. Reste à déterminer quand arrive ledit ensuite et s’il est toujours présent ou non ; après tout, elle n’a pas besoin de toaster pour pouvoir se dissimuler. Je n’ai pas fini de le faire qu’elle a déjà achevé son assiette.
J’ai un choix à faire : remplir à nouveau son assiette et diviser son attention ou ne pas le faire et conserver pleinement ses yeux et ses oreilles ; sachant que je me passe de son odorat et de son gout. Ignorant quelles sont ses capacités d’attention, je joue la prudence.
« Quand Midgardiens pas se dresser en travers de ma route, aucun problème arriver. »
Je n’ai pas besoin d’y répondre, la suite de mon discourt incluant déjà l’élément de légitimité sociétale. Néanmoins, sans doute sera-t-il utile de pousser son raisonnement de "à Midgard, fais comme les Midgardiens" au point de "les Midgardiens ne s’agressent pas entre eux ni ne se dévorent, ne le fais pas non plus". Parallèlement, savoir que le Fléau des Neuf Royaumes développe de l’égocentrisme depuis qu’il ne sert plus de maîtresse offre une nouvelle approche le concernant. Il est dans son intérêt de s’intégrer à l’Humanité et c’est plus simple de l’expliquer ainsi.
Vient ensuite la partie sur le SHIELD, qui assombrit l’attitude d’Helaris car n’évoquant probablement pas de bons souvenirs. Le SHIELD serait-il capable de l’arrêter ? Je le pense. Certes, il n’aurait pas l’aisance des Maîtres des Arts Mystiques à la téléporter dans une autre dimension. Néanmoins, sous-estimer les ressources dont il peut faire preuve est une mauvaise idée ; et je parle tant des ressources propres que du réseau. Tant pour des raisons diplomatiques que d’intérêt général, je collaborerai sans hésiter avec ses agents si le besoin s’en fait sentir. Même si je ne m’attends pas à une collaboration aisée ou agréable. Si j’évoque notre opposition afin d’illustrer un problème que Fenris rencontre, je n’en perçois pas moins notre complémentarité. En remettant Loki aux Asgardiens en 2012, le SHIELD a déjà prouvé sa capacité à accepter que des gens soient plus compétents que lui dans certains domaines. Cela dépendra de l’agent, surement. Et s’il a reconnu l’expertise des Asgardiens, dont la civilisation précède la fondation des Maîtres des Arts Mystiques de 1.500 ans d’après les informations recueillis par ceux-ci au Nouvel Asgard, il devrait le faire de mon ordre. Avec environ cinq mille ans d’espérance de vie et un décès de vieillesse en 2018, Odin Borson a dû naitre près de deux millénaires après mon ordre. Cela coïnciderait avec le fait que ce soit son père, Bor Burison, qui ait rencontré les Maîtres à l’époque de la Convergence ; au début du troisième millénaire avant l’an 0. Père envers qui les Maîtres des Arts Mystiques avaient plus de respect que le fils puisque ce dernier a conquis les Neuf Royaume au VIe siècle avant JC. Malgré l’intervention à l’encontre des Jötunn en 965, les Asgardiens n’avaient pas une réputation très positive auprès de mon ordre ; chose encore aggravée par Loki en 2012 et m’amenant à considérer Thor, en 2018, comme une nuisance qu’il fallait aider au plus vite afin qu’il reparte au plus vite. Heureusement, Wong et son approche de bibliothécaire ont permis plus d’échanges avec les réfugiés du Royaume d’Or, dont l’intervention a été précieuse lors de la bataille contre le Thanos alternatif. Je tâche d’en apprendre avec Fenris, présentement, et qu’elle déconsidère les Maitres des Arts Mystiques au même titre que le SHIELD rejoint mon anticipation de ses jeux de malice. Son point de vue est pertinent puisqu’il n’existe aucune autorité naturelle ; exception faite des Quatre, du Tribunal Vivant voire de Celui-Au-Dessus, évidemment. Je n’ai pas encore la preuve de l’existence de ce dernier, contrairement aux cinq premiers, mais l’on s’éloigne de beaucoup de nos niveaux d’existence.
L’explication sur l’absence de recherche d’intégration de Fenris m’amène à pleinement la fixer, plissant les yeux. Sa définition de l’Humanité a des parties pertinentes et d’autres moins, biaisée par son égo – je suis bien placé pour en parler – et son passif d’Asgardienne. D’animal, peut-être. D’arme, au pire. Son égo revient d’une manière que je trouve assez humaine, puisqu’elle n’accepterait pas plus de devenir la proie d’un plus gros prédateur. Or, l’Humanité est un plus gros prédateur que le Fléau des Neuf Royaume, puisque l’on compare un individu à une espèce. Pareillement, le SHIELD est un plus grand danger que moi-même. Le Projet Insight reste, à mon sens, ce qui prouve le mieux la dangerosité de l’organisation : il a été capable de savoir que je deviendrais Sorcier Suprême des années avant mon accident et mon entrainement auprès des Maîtres des Arts Mystiques et avait un plan pour me tuer si nécessaire ; plan détruit par Captain America et le Faucon. Cependant, sans repasser par du bombardement orbital comme c’était le cas à l’époque, l’éventualité que le SHIELD ait une contremesure adaptée est probable – même si j’en crée de mon côté également. L’orgueil de Fenris la pousse à ne pas les considérer comme une menace mais un téléporteur qui l’expédie dans une autre dimension ou dans l’espace et s’en est terminé. Comme Hulk, sa puissance brute connait le problème de l’adaptation face à l’adversité. Ironman n’était pas le plus puissant super-héros mais c’était le plus dangereux car feu Tony Stark apprenait de chaque combat et s’améliorait à chaque fois. C’est pour cela que j’ai brisé mon serment du protéger la Pierre du Temps sur Titan : Stark était plus apte à nous sauver que celle-ci comme moi-même.
Des meurtriers et des "engendreurs de chaos" en guise de super-héros, voilà un débat qui peut animer le cœur de la société. Il l’a fait suite à l’apparition des Avengers, suite à la destruction de la Sokovie et le fera surement vis-à-vis des actions de Wanda Maximoff. Je porte un premier toast à ma bouche pour y croquer.
Des festivités un mois après le chaos du Jour des Héros "comme si rien ne s’était passé", voilà un autre débat qui peut animer la société humaine et l’a fait. Je relève les yeux lorsqu’il est question de la présence de Fenris dans l’événement, notamment car elle n’y a pas posé problème. Car "quand Midgardiens pas se dresser en travers de ma route, aucun problème arriver".
« Eux oublier que Midgard être un simple Royaume parmi d'autres. Eux oublier l'existence même de leur Fléau. »
L’agacement et la misanthropie de Fenris me font me dire que je ne suis peut-être pas un cas si désespéré que cela. Néanmoins, sa passion pour l’Humanité s’en va tout aussi vite que celle pour la nourriture : avant que j’ai fini mon premier toast.
« Entre nous, Midgardiens jamais vous exaspérer ?
- Si, souvent, dis-je une fois ma bouchée avalée et avant de poursuivre avec un sourire exagéré. Presqu’aussi souvent que j’en exaspère. »
D’un mouvement de ma main libre, je recharge l’assiette de la Louve en entrée puisque j’ai à peine commencé la mienne. C’est également un test quant à sa tolérance à la répétition : elle chasse toujours la même chose mais je suppose que chaque chasse est unique. Ici, que va-t-elle penser de manger la même chose arrivée de la même manière ?
« Nous sommes paradoxaux, vous avez raison. C’est d’ailleurs pour cela que vos qualificatifs précédents ne peuvent s’appliquer à tous les humains. Même s’ils le font à certains, c’est incontestable. »
L’esprit de Fenris rencontre un problème d’échelle. En cela, il est pleinement humain. On ne peut concevoir des échelles trop éloignées de ce que l’on arrive à percevoir. Les limites de l’imagination.
« C’est aussi pour cela que, malgré l’exaspération, les humains continuent de vivre ensemble. Nous vivons avec ceux qui nous plaisent et nous opposons à ceux qui nous exaspèrent. Sans parler de combattre ceux qui sont nous dangereux. »
Une pause.
« Un meurtrier, un "engendreur de chaos" n’est pas forcément dangereux pour nous, s’il contribue à nous protéger. »
Je n’aime pas le fait de considérer les surhumains comme des armes mais force est de comprendre qu’on puisse le faire, considérant le potentiel destructeur. Or, une arme comme une personne armée, n’est généralement pas dangereuse pour les personnes qu’elle cherche à protéger. L’ambition, la motivation, est une notion fondamentale pour déterminer si une chose est dangereuse même si elle n’est pas la seule.
« Tout individu cherchant à survivre essaiera de se protéger d’un danger et, en cela, les êtres qui sont dangereux pour ceux qui sont dangereux pour nous peuvent devenir des protecteurs. Etant des gens qui vivent des décennies, nous nous adaptons rapidement. »
Même si je n’en suis surement pas le meilleur exemple, surtout avec mon toast pour lequel je prends une pause afin de le finir.
« Nous ne saurions vivre dans la peur ainsi, face à des événements qui nous effraient, beaucoup aiment y opposer leur joie de vivre. Comme avec le Jour des Héros et le Summer Fest. »
Après m’être emparée de ma serviette de table d’un gant, je me tamponne les lèvres quelques instants. Je constate également le retour du serveur avec nos deux verres de vin, conséquemment plus rapide que moi avec mes deux toasts.
« Pourquoi étiez-vous à l’un et l’autre, si vous ne cherchez pas à vous intégrer ? Un entrainement à passer inaperçu ? Si tel est le cas, permettez-moi de vous féliciter pour vos progrès. »
Je regrette ma tentative de connivence presqu’immédiatement, anticipant qu’elle puisse être prise pour de la provocation, mais elle était d’une part sincère et d’autre part liée à une notion importante tant pour les super-héros que pour les humains en général. Le droit à l’erreur.
Le serveur dépose les verres de vin et je le remercie dans les deux sens du terme, joignant un geste de la tête à la parole, avant de me reconcentrer pleinement vers Fenris.
Strange - Fenris “ Si vous avez rendez-vous avec le Diable, prenez garde à ne pas être en retard ”
Le Magicien avait posément et silencieusement écouté le monologue de la Louve, changeant d'expression au fur et à mesure. Comme dans toute conversation qu'appréciait le Fléau des 9 Royaumes, c'était désormais à lui de répliquer. Ce qu'il ne tarda pas à faire en répondant à la question de la Lupine. Les Midgardiens l'exaspéraient lui aussi. Cependant, lui ne se gênait pas pour leur rendre la pareille. Fenris était peut-être encore un peu limité pour le faire. Si un "Héros le faisait, pourquoi s'en priver ? Malgré que son assiette se soit rempli suite à un nouveau tour de passe-passe du Magicien, Fenris décida de se montrer également attentive. Après tout, ce déjeuner pouvait être déterminant.
A la grande surprise de la Lupine, le Magicien admit que les Midgardiens étaient bien paradoxaux. Néanmoins, de ce fait, sa généralisation était déplacée. Peut-être. Fenris avait bien croisé des Midgardiens dignes d'intérêts. Pour quelques-uns, elle avait même commencé à ressentir une once d'affection envers eux. Une once et pas davantage. Pour la Magicienne Rouge... C'était tout à fait différent. La Lupine ne considérait pas son amie comme une Midgardienne. Elle était bien trop différente d'eux.
Les Midgardiens exaspéraient, s'exaspéraient entre eux, mais vivaient tout de même ensembles, formant une société. Fenris avait déjà étudié cela. Néanmoins, la logique de cet état de fait lui échappait encore et toujours. Ils côtoyaient leurs proches, s'isolaient des parasites et combattaient quand ils le pouvaient ou devaient, même s'il s'agissait de leurs semblables. Il n'y avait rien d'illogique là-dedans. Où est-ce que le Magicien voulait en venir ? La réponse à l'interrogation de la Louve ne tarda pas. Ces fameux "Héros", bien sûr. Les Midgardiens étaient prêt à nonobster leurs crimes, pour peu que ces derniers les protègent. Leur existence était courte et pour la prolonger, ils étaient prêt à abandonner leur fierté, confiant leur sécurité à ces "Gardiens", aussi odieux fussent-ils. Des vermisseaux méprisables, couards, fragiles. A cette pensée, Fenris fronça les sourcils, son regard exprimant clairement le mépris. Mais le monologue du Magicien était loin d'être terminé.
Les Midgardiens essayaient d'être heureux pour oublier la peur. Pourtant, le danger demeurait. Avoir peur ou non n'y changeait rien. Pourquoi n'essayaient-ils pas plutôt de faire face au danger ? Considéraient-ils que les "Gardiens" étaient déjà là pour cela ? Ils n'étaient tout-puissants. Ils ne pouvaient pas être partout. Au Jour des Héros, beaucoup d'entre eux avaient mordu la poussière. Au Summer-Fest, certains d'entre-eux avaient pris du bon temps, ignorant la présence du Fléau des 9 Royaumes qui aurait pu causer tant de chaos, faire tant de victimes. L'insouciance était totale. Mais d'un autre côté, la dissimulation octroyée par cette forme humaine était un atout exceptionnel. De quoi flatter l'égo du Fléau des 9 Royaumes.
Haussant un sourcil, Fenris observa Strange se tamponner les lèvres d'un geste lent avec sa serviette. Pourquoi ce dernier faisait-il autant de manière ? Était-ce de la suffisance ? La Lupine avait un doute sur ce point. Néanmoins, la suite du discours du Magicien la conforta dans son interprétation. Il conjecturerait de sa présence au Jour des Héros et au Summer-fest par son désir d'intégration. Où était-il allé chercher ça ? Il n'avait été question que de passer inaperçue durant le Summer-Fest. Pour le Jour des Héros, uniquement parce que Loki lui avait demandé. Qui était-il pour juger de ses progrès ou pour la féliciter ?
Le serveur posa deux verres de vins sur la table. Du vin. Une erreur du Magicien. La Lupine ne laissait aucun breuvage altérer ses instincts. Aussi, lorsque le serveur se fut éloigné, Fenris souleva le verre, l'écarta de la table comme si elle allait le vider sur le sol, avant de finalement le poser à côté de celui du Magicien. « Moi jamais laisser un breuvage altérer mes instincts. » Dit-elle avant de plonger son regard au plus profond de celui de son hôte. « Veuillez vous montrer moins exaspérant Magicien. Sinon, notre conversation pourrait bien terminer là. Supposez moins. Écoutez mieux. » Imitant Strange, Fenris fit une pause en dévorant son assiette de pâtés et de rillettes, ce qui ne dura que quelques instants. S'essuyant la bouche d'un revers de la main, elle réengagea la conversation, poursuivant son tour de parole. « Si les Midgardiens acceptent de perdre leur fierté en se cachant derrière leurs misérables Gardiens, car trop fragiles et trop lâches pour faire face au danger, cela être leur affaire. Mais ne croyez pas que l'expliquer m'empêchera de les mépriser pour ça. Je ne cherche pas à m'intégrer. » Il avait fallu que la Louve se répète en articulant bien chaque mot. Le message allait peut-être passer cette fois-ci. Du moins, c'est ce que Fenris espérait, car elle commençait lentement à voir clair dans les intentions du Magicien. « Si cela peut vous rassurer, je juge certains Midgardiens dignes d'intérêt. Comprenez, simplement que pour eux, j'hésiterais à les écraser. » La phrase n'était pas fausse, seulement incomplète. Pour ces quelques Midgardiens, la Louve hésiterait... avant de se raviser. « Vous voulez que... je m’intègre pour ne plus représenter une menace pour les Midgardiens. En réalité... vous n'avez confiance en eux pour avoir l'intelligence de... ne pas se mettre en travers de ma route. Ils ne changent pas, alors vous voulez que je change. Corrigez-moi si j’ai tort. » Dit-elle en haussant brièvement les sourcils. Fenris essayait d'être la plus intelligible possible, quitte à n'employer que le présent. La conjugaison était encore difficile pour elle. Le Magicien avait-il conscience de l'effort qu'elle faisait pour la fluidité leur conversation ? Peut-être se chargerait-il de l'en féliciter ? Le repas était loin d'être terminé. « Qu'avons nous pour la suite ? »
J’ignore s’il s’agit d’un honneur ou d’une prouesse que de passer avant de la nourriture dans l’ordre des priorités de Fenris mais je le fais et j’en prends note. Tout comme elle-même semble noter nombre de choses, considérant avec son attention exclusive mes paroles. Elle réfléchit réellement à ce qui est dit, non à travers des biais de confirmation pour ce qu’elle considère déjà. Enfin, c’est l’impression qu’elle me donne.
Ou pas. Le mépris arrive.
Les Asgardiens ont de quoi mépriser beaucoup d’autres peuples, considérant l’avance que possédait le leur jusqu’à récemment comme les capacités naturelles que possède leur espèce. Néanmoins, il faut leur reconnaitre cela, leur sagesse est grande. Ils peuvent sembler enfantins mais c’est une manière de continuer à percevoir et à s’émerveiller de la vie malgré les siècles et les millénaires, je pense. Effectivement, sagesse et intelligence sont deux choses différentes mais ils possèdent également beaucoup d’êtres brillants dans la seconde. Cela s’exprime cependant autrement que par les critères humains des diplômes et de la réussite économique. A tord ou à raison, je pense Fenris plus intelligente que sage pour l’heure. Elle manque de recul pour développer la sagesse que ses capacités de réflexion comme son étrangeté à notre monde lui permettront un jour, si elle vit assez longtemps parmi nous.
Je ne suis pas l’une des bonnes personnes pour essayer de l’en convaincre, la diplomatie n’est pas mon fort. Néanmoins, je suis l’une des personnes à essayer de l’en convaincre. Un petit quelque chose est mieux qu’un grand rien, sous réserve qu’il n’empire pas la situation. Comme je le fais avec une félicitation prise en provocation, tel qu’anticipé. Comme je le fais avec le vin, chose qui me surprend bien plus et m’amène à froncer les sourcils. J’alterne mon regard entre Fenris et le verre de vin dont elle souhaite se débarrasser lorsqu’elle commence son geste ample. Geste dont elle modifie la trajectoire pour me le faire suivre. C’est d’une symbolique appréciable et appréciée.
Elle ne laisse aucun breuvage altérer ses instincts… voilà qui me surprend. Pas qu’elle ne veuille d’alcool, non, mais qu’un seul verre puisse effectivement avoir le moindre effet sur une physionomie que je supposais Asgardienne. Néanmoins, si le vin l’enivre à hauteur de ce qu’il fait des humains, cela signifie que sa forme est humaine ; conséquemment bien inférieure à celle d’un Asgardien. Un alcool destiné au peuple de Thor peut être dangereux s’il est consommé par un membre de mon peuple tandis que nos alcools doivent nécessiter des quantités absurdes pour avoir quelques effets sur eux. La forme d’Helaris est donc plus proche de moi que du Dieu du Tonnerre, biologiquement parlant.
« Veuillez-vous montrer moins exaspérant Magicien, me dit-elle en me faisant réaliser qu’elle me fixe dans les yeux. Sinon, notre conversation pourrait bien terminer là. Supposez moins. Écoutez mieux. »
Je lui rends son regard, conscient de notre différence d’appréhension du monde (moi intellectuelle, elle sensorielle) et entendant l’avertissement lié. Puis, alors que je tâche de moins supposer pour mieux écouter, j’assiste au second round d’enfournage de nourriture. Un soupir nasal accompagne un sourire amusé alors que j’attrape le verre de vin qui m’est offert pour en boire une gorgée, réemployant la symbolique précédente pour répondre à la phrase qui l’a suivie. Je savoure le liquide qui accroitra la vascularité de mon cœur sans être suffisant à m’enivrer et repose le verre à peine entamé lorsque l’assiette du Fléau des Neuf Royaumes se retrouve une nouvelle fois terminée.
La conclusion de cette seconde entrée en matière me fait sourire : Fenris cherche à me rassurer. "Certains Midgardiens dignes d’intérêt" ; chose qu’elle me traduit comme le fait qu’elle hésiterait à les écraser. C’est un début.
Fenris continue d’expliciter le fait qu’elle a compris où je veux en venir. S’intégrer pour ne plus représenter de menace. J’acquiesce simplement.
« En réalité… vous n'avez confiance en eux pour avoir l'intelligence de… ne pas se mettre en travers de ma route. »
Mon acquiescement se suit d’une grimace, puisque le loup marque un point ici. L’ignorance comme l’irresponsabilité amèneront des problèmes, toujours, mais ne sont pas forcément condamnables au même titre ; voire condamnable tout cours. Il y a également le principe de légitime défense, afin de ne pas risquer la surenchère de violence et d’être maitrisé dans sa réponse. Beaucoup de choses complexes à prendre en compte.
« Vous avez raison, dis-je tranquillement lorsqu’elle me le demande. Vous êtes un individu et vous allez vivre plus longtemps que tout humain. Ainsi, c’est plus efficace de discuter avec vous. »
A l’échelle individuelle, les humains changent. A l’échelle sociétale, les humains changent. A l’échelle d’espèce, ils changent également mais c’est beaucoup plus long. Des mois et des années pour les individus, des décennies et des siècles pour les sociétés. Des millions d’années pour l’espèce. C’est un gouffre, pas une continuité.
« Qu'avons-nous pour la suite ? »
Je regarde le verre de vin que je tiens entre mes doigts. Je regarde le verre de vin qui attend au bout de mon assiette. Je regarde le second toast qui attend en celle-ci. Je pouffe et souris. Le premier est lâché. Les seconds, délaissés. Je recule ma chaise. Me lève. Récupère dans une main gantée les deux jetons verts. Contourne la table. Tend l’autre main à Helaris.
« Si vous voulez bien me suivre. »
Je prends le plus gros risque ici, avec ce contact physique, mais je le prends tout de même. Même si c’était par refus de le boire, Fenris m’a tendu un verre de vin et je l’ai accepté. Je tends donc une main en espérant qu’elle accepte à son tour.
Cela me permettra de la mener le long des escaliers pour descendre jusqu’à la salle en contre-bas, d’où j’invoque l’entrée depuis le buffet froid à volonté. Dans celle-ci, c’est néanmoins le comptoir devant le grill et l’employé qui se tient derrière celui-ci qui m’intéresse. Au-dessus de tout cela est présentée la Churrasco Experience, une tradition du Fogo. Filet mignon, picanha de surlonge, côte de bœuf, faux-filet, steak et poulet enroulés dans du bacon, haut de surlonge, bas de surlonge, porc, steak d’agneau, picanha de porc, côte de porc et poulet.
Après avoir lu avec une concentration exagérée chaque proposition, donnant à Fenris le temps d’en faire de même, je me retourne vers elle avec une expression se voulant proche de sa malice.
« Je vous proposerai bien quelque chose… mais je pense qu’un peu de tout, pour commencer, serait plus à l’écoute de vos gouts. Corrigez-moi si j’ai tord. »
Strange - Fenris “ Si vous avez rendez-vous avec le Diable, prenez garde à ne pas être en retard ”
La conversation se poursuivait. La Louve avait parfaitement saisi où le Magicien voulait en venir. En ne cherchant pas à s'intégrer, étant donné la menace qu'elle représentait, les Midgardiens étaient en danger à chaque instant. Il suffisait que l'un d'eux la provoque, d'une façon ou d'une autre, et l'incident de Times-Square pouvait se reproduire. Les Midgardiens ne s'adapteraient pas à elle, à sa vision de l'existence. Même si la loi du plus fort demeurait encore en vigueur sur Midgard, d'autres lois l'accompagnaient. Ainsi, un misérable Midgardien frêle et lâche pouvait se voir protéger par les forces de l'ordre. D'une façon plus globale, Midgard était protégée par ses Gardiens. Un état de fait que le Fléau des 9 Royaumes admettait sans toutefois l'accepter.
Le Magicien lui donna raison concernant sa précédente conjecture. Les Midgardiens n'évolueraient pas. Leur existence était bien trop courte pour envisager la domination d'un super-prédateur. Le monde ne s'adapterait pas à la Louve, alors la Louve devrait s'adapter à lui. Un raisonnement simple, mais également simpliste. Ce dernier ne prenait pas en compte l'esprit irrémédiablement têtu du Fléau, ni le caractère infinie de son estomac. Le concerné criait à nouveau famine, pour changer. Le Magicien avait promis un déjeuner digne de ce nom. Toutefois, la Louve eu un instant d'hésitation en voyant la main tendue vers elle. Une invitation à se faire guider ? Son odorat était bien suffisant pour la conduire jusqu'aux viandes dont le fumet lui parvenait depuis de longues minutes déjà. Fenris n'avait fait que respecter l'ordre des convenances du repas qu'elle avait étudié suite à son repas offert avec la jeune Midgardienne à la peau brune. Tout d'abord les entrées, ensuite les plats, puis les desserts. Cela signifiait-il donc que les entrées étaient terminées ? Pour une créature capable d'ingurgiter un cerf entier en quelques minutes, cela faisait un peu court. Une nouvelle erreur ? Les plats seraient peut-être à la hauteur, si non en qualité, au moins en quantité. Que se passerait-il de toute façon si elle refusait cette main tendue comme elle avait envie de le faire ? Le Magicien allait-il interrompre la conversation ? Ce dernier semblait être de nature raisonnable, mais peut-être cachait-il bien son jeu ? C'était un Magicien après tout. Un puissant Magicien.
Fenris saisit la main du Docteur et se laissa donc guider, ravalant sa fierté et nonobstant ses interminables réflexions. Le Magicien Suprême de l’Ordre des Maîtres des Arts Mystiques conduisant le Fléau des 9 Royaumes à de succulentes denrées carnées. Une scène tout à fait inhabituelle, pour ne pas dire invraisemblable, dont la totalité des témoins demeuraient dans l’ignorance. Le chemin ne fut pas bien long. A l'étage inférieur s'étendait un long buffet de diverses viandes froides que la Louve reconnu pour la plupart, les ayant consommé quelques instants plus tôt. Néanmoins, ce fut l'imposant grill devant lequel son guide s'arrêta qui monopolisa la totalité de son attention. Sous ses yeux, une multitude de pièces de viande, certaines plus grasses que d'autres, mais d'une qualité indéniable. Qui plus est, ces dernières allaient être cuites...
La Louve ne s'y trompa pas et son odorat non plus. Si le Magicien sembla avoir besoin d'étudier la liste des douceurs carnées, le choix de la Lupine fut simple et arrêté. Sortant de sa transe olfactive et visuelle, elle accueillit le la malice du Docteur avec un sérieux absolu et une lueur d'envie prédatrice dans le regard. « Je vous corrige Magicien... » Commença-t-elle, avant de plonger son regard dans celui du Magicien. « Beaucoup de tout. Voir la totalité de tout. » Ses yeux fuirent ceux de son hôte pour discerner à nouveau les pièces de viande. Ne pouvant retenir ce réflexe animal, Fenris ouvrit légèrement la bouche pour lécher verticalement sa lèvre supérieure et ses incisives, avant de faire claquer ses dents et refermer lentement la bouche. Une lueur rouge traversa les pupilles de Lupine avant de s'évanouir, alors qu'une de ses mains se referma, serrant encore et encore jusqu'à trembler.
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