[Terminé] Chasses à l'homme

Helmut Zemo et Mindee sont assis derrière la table ronde renversée du Bryant Park Café, à même les pavés qui entourent l’espace vert et sont dissimulés au regard direct du soleil par de grands arbres. Lorsqu’on s’éloigne d’eux, on aperçoit d’un côté le trinôme d’agents de l’Hydra chargé de capturer le Baron, qui s’approche depuis la bibliothèque avec les pistolets aux poings, et de l’autre Phoebe, assise au sol et adossée à un arbre alors qu’elle fixe de ses yeux illuminés ses trois pantins de chair. Ceux-ci couvrent la distance qui les sépare du duo, avec en arrière-plan une Céleste adamantine occupée à se relever d’un violent largage au sein de la pelouse encadrée de barrières de métal mobiles. Lorsque le trio arrive face au duo, l’entourant, le responsable du diamant météore réapparait alors qu’un quatrième agent de l’Hydra se téléporte devant ses trois compères. Ils posent chacune une même main sur lui, l’agrippant, alors qu’il tend une main vers Helmut Zemo. Une quatrième main le saisit, au poignet, alors qu’un sourire se forme sur les lèvres de sa propriétaire : Mindee. Les cinq disparaissent dans une téléportation d’urgence. La table s’éloigne. Les feuilles des arbres s’écartent. La route aux véhicules rabattus à la va-vite est survolée. Sur l’un des toits plats environnant Bryant Park, un tireur embusqué et son observateur sont en position pour couvrir la scène et débusquer encore et toujours leur proie. Derrière eux réapparaissent le troisième membre de leur trinôme, le second trinôme de leur section et l’invitée indésirée. Après un instant de surprise, Mindee lâche le téléporteur, reculant d’un pas, et tend les mains vers l’ensemble des agents de l’Hydra présent en un cri d’effort alors que le trinôme reprend les armes à son encontre, libéré du contrôle de sa sœur. Ses yeux brillent d’un bleu aussi pâle qu’intense puis, lorsqu’elle ferme les lèvres et penche une tête tremblante sur le côté, tous les hommes mimiques son geste ; même le spotter et le sniper, qui continuent de couvrir la scène. Franchissant la lunette de visée du second, on survole de nouveau la route et évite les arbres pour voir Helmut Zemo s’enfuir en boitant. Plus il s’éloigne de la table, plus Céleste l’adamantine s’approche de lui. Dans son dos, cependant, on le poursuit. On s’approche de lui et traverse sa chevelure châtaine pour se retrouver dans le noir. Un noir où Helmut Zemo se tient seul un instant et où Phoebe apparait l’instant suivant, devant lui. Sa voix raisonne, sèche comme le vent balayant des étendues gelées.


Elle avance à son contact, garde levée.


Un coup de pied ascendant est asséné directement à l’entre-jambe évoqué, attaque mentale provoquant une douleur bien réelle.


Une saisie des tempes et de l’arrière du crâne profite de la contraction déclenchée par le coup précédent pour projeter le visage à l’encontre d’un coup de genou.


L’esprit de Phoebe s’agenouille devant l’esprit d’Helmut Zemo puis porte la main à sa blessure à la cuisse pour y enfoncer ses doigts inexistants.


Une main toujours portée à la souffrance, l’esprit passe l’autre sur la joue d’un visage inexistant ; une sensation de caresse froide mais dont l’absence de violence est paradoxale.


Face à l’esprit d’Helmut Zemo, le visage de celui de Phoebe. Une larme coule de son œil dans lequel on se réfugie. On traverse la pupille pour s’éloigner de celle-ci, auréolée d’une iris saturée d’énergie bleutée, et on se retourne pour suivre le regard à travers les tables renversées par la foule en fuite puis les barrières métalliques mobiles jusqu’à Céleste, adamantine, qui coure sur la pelouse. D’un geste négligent, elle renverse le premier obstacle. D’un bond impressionnant, elle couvre plus de distance. Lorsqu’elle ralentit pour arriver à hauteur du fuyard malmené, indifférente aux gens qui s’écartent et se mettent à couvert à leur approche, elle reprend une posture neutre avec les bras en balancier autour de ses cuisses. Elle avance en regardant sa proie.

« Vous ne pouvez pas nous échapper. Nous avons été élevées pour traquer des gens comme vous. Des monstres. »

Enfin ! Je peux fuir !

Boitant loin de ces folles télépathes, je prie pour qu'elles soient occupées suffisamment longtemps pour assurer ma fuite. Je dois mettre un maximum de distance entre elles et moi, tout en trouvant le moyen de protéger mon esprit d'elles. Elles sont effrayantes, et jamais je n'ai connu tel sentiment d'insécurité. Les gars d'Hydra, à côté d'elles sont des enfants de cœur, malgré le fait qu'ils ont failli me tuer. Je boite donc à toute vitesse, serrant les dents, ignorant la douleur qui me faisait voir des étoiles. Je vais y arriver ! Il le faut ! Je dois leur échapper ! Alors que je vois enfin la délivrance, je laisse échapper un petit sourire et continue... Je n'ai qu'à ouvrir cette...

Le noir complet. L'obscurité... Je suis seul, debout. Je regarde mes mains, j'aperçois mon corps comme en plein jour, mais je ne vois rien autour de moi. C'est lorsque je vois l'une des filles que je comprends. Elles m'ont eu, encore une fois. J'ignore laquelle des trois me fait face en cet instant, et je dois avouer qu'au point où j'en suis, je m'en fiche bien. Je reste silencieux, sentant une once de déception m'envahir. J'ai échoué. Ma liberté n'aura été que temporaire. Je vais retourner en prison, et y rester jusqu'à la fin de mes jours. J'irais en cellule la tête haute, cependant, même si j'en éprouverais intérieurement un profond désespoir. Gabriela risque d'être déçue, triste. Je regarde la fille en face de moi. Peu importe à présent. Je ne cacherais plus aucune de mes pensées, elles m'ont eu même quand je tentais de le faire. Je dois avouer que je les admire, d'une certaine façon. Elles sont parvenues à me mettre à genoux à la seule force de leur esprit. La jeune femme me fit face, et me dit que je devais avoir les testicules en adamantium pour avoir osé m'attaquer aux Avengers. Je ne réponds rien à cela, mais c'est la vérité. Il faut du courage pour le faire. Mais ce qui suit m'étonne. Elle me donna un puissant coup de pied à l'entrejambe. Même si ce n'est qu'un coup "imaginaire" j'en ressens la douleur comme si elle l'avait vraiment fait. Les mains sur mes parties endolories, je tombe à genoux. Je n'ai pas crié, mais je souffle pour évacuer ma folle envie de gémir de douleur. Bon sang, j'avais oublié à quel point c'était douloureux.

Mais elle n'en avait pas fini avec moi. J'entendis à peine le reste, mais je crois qu'elle me parla d'orgueil et de tête dure. A cela elle ajouta un puissant coup de genou dans mon visage. A nouveau un coup imaginaire, mais une douleur bien réelle. Cette fois ci, je laisse échapper un hoquet de stupeur et tombe sur le côté. Couché sur le flanc, une main sur mon visage, l'autre sur le sol, je tente désespérément de me relever. Elle me parla de Black Panther, et me dit que j'avais reconnu mon échec d'avoir cédé à ma vengeance. Je la regarde en serrant les dents et lui réponds : Oui j'ai échoué ! Mais je n'ai jamais été aussi fier d'avoir cédé !   Elle enfonça ses doigts dans ma blessure par balle à la cuisse, et cette fois ci je hurle ma souffrance. C'en est trop ! C'est ainsi qu'elles traitent les prisonniers ? Je sais que je mérite mon sort, que je l'ai cherché. Mais je n'ai qu'une envie à présent : que cela s'arrête.

Et cela cessa. Je revins dans mon corps, endolori, allongé sur le flanc, dans la même posture que dans l'illusion. J'ai mal, affreusement. Je ne sais pas si j'arriverais à me relever tout de suite. L'une des femmes me fait face, et me dit qu'elles avaient été entrainées à cela toute leur vie. Elles étaient formées pour attraper des monstres. Résigné, j'affronte son regard et serre les dents. Je pourrais leur cracher à la figure, par pure méchanceté, mais cela serait indigne de moi. Je me redresse et me mets à genoux. Je passe une main sur mon visage et vérifie que toutes mes dents sont bien en place. Ouf, rien de cassé.

Une explosion.

Je tourne la tête vers son origine. Ne cherchant pas à comprendre d'où cela venait, je me relève d'un bond. C'est ma chance. Ce sera la dernière, je ne dois pas la gâcher !

Codage par Libella sur Graphiorum

« Vous ne pouvez pas nous échapper. Nous avons été élevées pour traquer des gens comme vous. Des monstres. »

Céleste n’entend pas les pensées d’Helmut Zemo. Phoebe oui et, à travers elle, Mindee également. Du point de vue de notre proie, point de vue que l’on comprend bien, on est des monstres. Effrayantes. Plus que l’Hydra qui, pourtant, a failli le tuer. Plus que l’Hydra qui, malgré l’avantage du terrain, peine à nous ralentir. On ne cherche pas à tuer. Ni lui, ni eux. Ce serait facile. Très facile. Dans cette fusillade, cependant, tout le monde veut capturer l’autre vivant ; ou ne peut réellement endommager l’autre, puisqu’on se doute que les agents de l’Hydra se contenteraient de nos cadavres pour les disséquer. Cela n’arrivera pas. Pas s’ils n’ont pas leurs propres monstres pour nous faire face. Des monstres sélectionnés pour leur capacité à le faire, sans quoi ils ne seront pas plus dangereux que les humains face à nos esprits.

Helmut Zemo abandonne. Avant même que Phoebe ne le frappe. Cette perte de combativité, toute temporaire qu’elle soit probablement, rend encore plus désagréable la neutralisation violente. Cependant, on ne saurait s’en plaindre : on l’inflige, quand bien même on n’y prend aucun plaisir. C’est notre choix. L’orgueil affiché ne sait dissimuler le désespoir et on perçoit parfaitement celui-ci. Tout comme Helmut Zemo, on anticipe les futurs sentiments de Gabriela, qui compliqueront notre discussion avec elle. La déception aurait toujours été là, face à la véritable nature de celui à qui elle s’est attachée, mais la tristesse peut être contrebalancée : en prison, elle a une chance de l’aider sans se faire compromettre, sans devenir complice de sa fuite. Si Helmut Zemo a droit à de la visite. Il faudra que l’on plaide en ce sens, faire nos preuves envers le SHIELD devrait impliquer une certaine diplomatie de leur part.

Helmut Zemo doit avouer qu’il nous admire, d’une certaine façon. Cela est amère pour Phoebe. Si elle cherche de l’admiration, de la reconnaissance, ce n’est pas celle-ci. Elle n’a aucun souci à effrayer afin d’arriver à ses fins mais qu’on l’admire pour cela… ce n’est pas la place qu’elle aimerait. Elle lui donne l’impression de se perdre elle-même dans ce pourquoi on a été élevées. Au moins, la colère qui dissimule la tristesse aide à frapper. Elle se joint à la considération de nécessité d’une neutralisation musclée, puisque les paroles de Mindee ont échoué, et à l’envie de briser cet orgueil qui aveugle notre proie à ses possibilités de réhabilitation. Orgueil qu’elle encourage involontairement, avant de chercher à le briser d’un coup de pied. Orgueil qu’elle énonce, avant de chercher à le briser d’un coup de genou. L’orgueil est le péché d’Helmut Zemo, le sien est la colère. Colère qui l’amène à faire le geste de trop. Enfoncer ses doigts dans la plaie. Elle gagne : Zemo reconnait avoir échoué. Elle perd : Zemo est fier d’avoir échoué. Tous deux, ils vont trop loin. Helmut Zemo hurle de douleur. Phoebe Cuckoo ne peut retenir une larme. Il n’a qu’une envie à présent : que cela s’arrête. Elle est d’accord.

Cela s’arrête.

Céleste prend le relai. Rien ne l’atteint dans son état adamantin. Pas même son commentaire, entendu à travers l’esprit d’Helmut Zemo et blessant pour Phoebe. Il ne peut pas nous échapper. On a été élevées pour traquer des gens comme lui. Des monstres.

L’adamantine regarde l’humain serrer les dents pour lui faire face dignement : qu’importe la douleur infligée dans l’esprit ou dans le corps, qu’importe même s’il n’est pas capable de se relever à cause d’elles, il sera digne dans la défaite.

Phoebe serre la gorge et baisse les yeux avant de le regarder loin, depuis le couvert de son arbre. Oui, Helmut Zemo pourrait cracher à la figure, un dernier geste de défi. Non, il ne le fait pas. Cela serait, comme il le sait, "pure méchanceté" ; or, il n’agit pas par pure méchanceté. Cela serait "indigne de lui" aussi, certes mais si c’était pensé sans orgueil ce serait bien aussi.

Phoebe regarde Helmut Zemo se mettre à genoux. Cette position qu’il a prise instinctivement lorsqu’ils se sont rencontrés. Ni elle ni aucune de nous ne lui avait demandé, c’était une erreur stratégique aux yeux de Phoebe et c’était déplaisant pour nous toutes. Voir cet écho, cette position, revenir ainsi la touche. Touche Mindee également, quoi que cette dernière soit pleinement concentrée sur ses contrôles mentaux de la quasi-totalité de la section d’Hydra. Six sur sept. Il ne manque que le chef de section. Dans les pensées du téléporteur, elle trouve pourquoi. Phoebe le sait dans l’instant. Céleste ne le sait pas.

Une explosion.

Une explosion suffisamment forte pour que la forme adamantine soit propulsée à l’arrière de plusieurs mètres.

Une explosion qui, si elle avait touché le couvert de Phoebe, aurait détruit l’arbre et la nôtre en même temps. Pas le choix.

Sécuriser était facile : les agents de l’Hydra étaient des professionnels entrainés qui ne cherchaient pas à faire de dommages collatéraux.

Contenir était facile : Zemo était notre principale menace et les agents de l’Hydra essayaient de nous contenir nous.

Protéger vient de se compliquer : on ne peut plus se contenter d’attirer l’attention sur notre adamantine et de semer la zizanie en profitant du manque de préparation adverse et de son absence de connaissance de nos pouvoirs télépathiques. Ils ont un lance-grenade.

Céleste se redresse, nullement blessée par les 40mm d’obus anti-char qui l’ont atteint en pleine tête. Cependant, le déséquilibre est là et il lui faut plusieurs secondes pour s’en remettre. Un temps plus que suffisant à ce que le tireur changer de cible pour viser Phoebe.

Tant pis pour la télépathie.

L’arbre explose et une seconde forme adamantine est projetée de plusieurs mètres, contre les pavés cette fois. Allongée sur le ventre, elle s’appuie sur ses deux bras pour se relever. La première forme adamantine, assise, cherche du regard le tireur. Après plusieurs longues secondes, un tir provenant des toits l’aiguille alors que le sniper ouvre le feu vers son allié.

Céleste bondit vers le grenadier pour être fauchée en plein ciel puis c’est au tour de Phoebe d’être déviée de sa course vers Helmut Zemo par un second tir. Désormais qu’il comprend la compromission de ses équipiers, le grenadier cherche à évacuer la zone. La balle lourde lui arrive dans le bas-ventre, traversant le gilet pare-balle qui n’avait visiblement aucun renfort métallique.

C’est une chose qui laisse perplexe Mindee, dans les films. Pourquoi les gens qui prennent des balles dans le ventre, où la chance de toucher un organe vital est bien plus limitée que dans la cage thoracique, ont plus tendance à mourir que ceux qui prennent une balle dans un membre, où la chance de perforer une veine ou une artère et de les saigner à mort est bien plus élevée ? On nous a appris à tirer dans le ventre pour neutraliser, même lorsqu’on n’a pas l’arme à feu entre les mains c’est ce que l’on demande. Après, niveau hémorragie, il va falloir stabiliser le chef de section tout en s’occupant de retrouver Helmut Zemo.

Les deux au niveau du sol reprennent leurs formes de chair pour laisser leurs esprits s’étendre à la recherche de la signature mentale qu’elles connaissent toutes deux à présent. Ce n’est qu’une question de secondes.

Le choc de pare-chocs contre pare-chocs se fait entendre alors que les pare-buffles des voitures de la NYPD emboutissent les véhicules restés en travers de la chaussée, poursuivant leur chemin jusqu’à nous. Ce n’est qu’une question de temps avant que leurs pistolets ne soient pointés sur nous et ils sont trop nombreux pour qu’on contrôle leurs esprits individuellement. Quant à employer le Chœur Mental, on est trop fatiguées pour le tenir. La frustration face à notre propre échec s’accompagne d’un soulagement aussi étonnant que léger, amenant Céleste à tourner la tête vers Phoebe alors que celle-ci s'en va récupérer notre téléphone et notre pochette près de la table renversée.

Autour du chef de section, le reste des agents de l’Hydra et Mindee apparaissent en une ultime téléportation qui provoque une embardée du véhicule de police le plus proche. Les armes des forces de l’ordre sont pointées aussi vite que possible tandis que celles des terroristes sont posées à terre. D’un même mouvement, une ennéade lève les mains en l’air et se prépare pour l’arrestation. Mindee ferme les paupières durant tout ce temps, afin que ses yeux inhumains ne conduisent à une bavure policière préventive.

On a perdu, demande Céleste. On a perdu, confirme Mindee. On a perdu deux fois, ajoute Phoebe. Personne n’était réellement prêt à ce qui s’est passé. On pourra se préparer sur le second round, oui. La partie ne fait que commencer. Il faut qu’on récupère notre téléphone, pour contacter mademoiselle Alvarez. Il faut qu’on achète de nouvelles chaussures, celles-là sont mortes. Il faut qu’on récupère notre contenance, pour l’interrogatoire. C’est pas faux, constate Céleste. C’est donc vrai, renchéri Mindee. Je HAIS les samedis, peste Phoebe.