[Terminé] Running gun (feat. Charlie Swanson)

Après un échange bref avec les adultes pour les informer de sa petite ballade, Kali avait enfilé son équipement et enfourché sa moto. La météo était excellente aujourd'hui : il faisait suffisamment bon pour qu'elle ne se gèle pas et bien que des nuages se promenaient librement dans le ciel, une averse semblait peu probable. C'était le temps idéal pour elle.

Elle vérifia une dernière fois qu'elle avait ses papiers avec elle avant d'enfiler ses gants et son casque. Sans plus de cérémonie, elle enfourcha sa moto et démarra le moteur en évitant de trop mettre les gaz - il était encore tôt et on était samedi. Kali fit lentement le trajet en direction du portail, attendant que celui-ci s'ouvre pour elle, ce qui ne tarda pas à faire. Franchissant les limites de l'institut, la jeune mutante suivit le chemin qu'elle avait prévu à l'avance.

C'était maintenant sa troisième sortie depuis que Charles lui avait autorisé de passer son permis et d'acheter sa moto avec l'argent qu'elle recevait tous les mois de la part du gouvernement. Elle lui en était bien plus reconnaissante qu'elle ne se serait permis de lui montrer. Cette liberté, bien que relative puisqu'elle rentrait toujours à l'institut, avait considérablement aidé à la détendre. Moins froide, elle s'était même surprise à ne pas envoyer paitre Singularity qui semblait passer un très mauvais moment ces derniers temps.

Le schéma habituel de ses sorties était simple : elle se promenait pendant une bonne heure avant de choisir un coin désert pour pleurer toutes les larmes de son corps. Et une fois satisfaite, elle retournait à l'institut, la tête bien plus légère. Elle savait pertinemment que ce n'était pas forcément un comportement normal mais tout comme son besoin de se battre, c'était là quelque chose d’irrépressible qu'elle avait déjà eu du mal à cacher à l'institut.

Une bonne demi-heure s'écoula avant que Kali ne décide de vérifier sa carte. Elle était presque sûre du chemin qu'elle avait pris, mais n'étant pas désireuse de devoir appeler l'institut pour devoir leur dire qu'elle était perdue, la rousse décida de se garer sur un bas-côté assez large pour pouvoir accueillir un camion. Une fois son moteur coupé, elle ôta son casque, révélant ainsi sa chevelure flamboyante - et récemment coupée - et ôta ses gants pour sortir la carte de sa poche. Une fois cette dernière repliée, elle se pencha pour mieux lire l'enchevêtrement de lignes et de couleurs. Le chemin qu'elle avait pris lui semblait être le bon et elle repéra même un coin isolé qui lui semblait idéal.

Alors qu'elle commençait à replier la carte, un bruit de moteur attira son attention. Une voiture était engagée sur cette route de campagne qu'elle croyait totalement déserte. Son regard se porta instinctivement sur la personne qui conduisait l'engin.

Lui.

Elle ne l'avait croisé qu'une fois, lors d'une visite à sa cellule, le genre que faisait régulièrement des cadres de Hydra qui voulaient vérifier l'avancement du projet. Kali avait oublié la plupart de leurs visages - mais pas le sien. Son regard profondément malsain s'était gravé dans sa mémoire et, pour la première fois de sa vie, l'avait rendu heureuse d'avoir des barreaux entre elle et le reste du monde. Elle était en mauvaise posture. Il fallait qu'elle trouve une solution pour s'échapper et un moyen de ne pas se faire tuer si ce dernier décidait d'utiliser ses pouvoirs qui lui étaient inconnus.

Lentement, elle descendit de sa moto, prête à l'enfourcher de nouveau ou à utiliser les couteaux cachés sur sa personne, si nécessaire.

Il se rappelait d’elle.

Pire encore, il semblait se rappeler des détails importants. Il ne les avait pas évoqués, mais la mutante aurait mis la main au feu qu’il n’avait pas oublié ses deux autres pouvoirs. Quelque chose dans son attitude, son pas lent et mesuré, lui disait que l’hydre venait de se mettre dans la peau du prédateur. Un rôle dans lequel il s’était glissé sans hésitation, comme si celui-ci était naturel pour lui. Son instinct lui hurlait qu’elle était en danger, mais Kali garda son calme. La situation n’était pour l’instant pas désespérée.

D’un geste lent, la mutante tendit leva la paume de sa main en signe d’apaisement. Elle se doutait bien que l’homme en face d’elle n’allait pas s’arrêter simplement parce qu’elle le lui demandait, cependant, elle voulait lui donner l’occasion de s’amuser un peu avec sa nourriture avant de se jeter dessus - pendant qu’elle cherchait une issue à sa situation.

- Allons, je crois que nous savons tout les deux que l’hydre n’est pas connue pour sa tendresse.

Avec la même lenteur, elle descendit le col de sa veste pour lui montrer la marque rouge du collier qui ne partait pas. Tout comme les marques de couteaux qui sillonnaient son corps, cette cicatrice de son temps à Hydra ne disparaitrait probablement jamais - tout comme les souvenirs qu’elle avait acquis là-bas.

- Et je ne dirais pas que je suis partie de mon plein gré, mais plutôt que le Shield a une fois de plus damé le pion de votre organisation.

Les couteaux dans ses manches étaient prêts à partir. Pour cela, il lui fallait une cible, une fenêtre de tir exploitable, qui lui permettrait de le mettre suffisamment à mal pour s’enfuir ou au moins le distraire.

S’inclinant légèrement dans un salut, Kali s’adressa à l’hydre :

- Mais je dois avouer être à un désavantage; vous avez mon nom mais je n’ai pas le vôtre. Puis-je vous demander une présentation ?

Elle savait pertinemment que sa fausse impertinence risquait de lui coûter cher - mais dans sa situation actuelle, elle n’avait pas d’autre choix.

”Regarde qui tu es maintenant grâce à nous.”

Même en me creusant l’esprit, j’aurais eu du mal à trouver un argument qui fasse plus Hydra que celui-ci. L’adversité m’avait certes rendue plus forte que la moyenne, mais les méthodes employées s’étaient contentées de me priver de mon libre arbitre pour accélérer le processus. Rien ne garantissait que mes pouvoirs ne se seraient pas développés au moins aussi vite à l’institut Xavier. Non, Hydra n’avait fait que me transformer en un être froid et efficace.

La suite des évènements me laissa néanmoins perplexe. Impertinente ? Comme si j’en avais eu le loisir. Chaque impertinence était récompensée par une décharge chez Lanciano - autant dire que j’aurais eu le cerveau grillé si j’avais été l’impertinente petite prodige que décrivait ce cadre d’Hydra. Et aimer l’aide du Shield ? Pour qui me prenait-il ?

- Je crois que vous vous rappelez de la mauvaise mutante. Je vous ai servi d’assassin docile pendant des années et le Shield est tout sauf mon allié. Ils ne sont qu’un reflet de votre organisation.

Son arrêt marqua également le mien. Allait-il se jeter sur moi ?

La réponse fut bien plus simple : il avait vu clair dans mon jeu et savait même que je portais des couteaux sur moi en ce moment-même. Il fallait dire que je n’avais jamais changé de modus operandi depuis mes années Hydra - c’était tout simplement la méthode la plus simple pour être prête à tout et surtout, la plus rassurante. Le feu qui apparut dans ses yeux me fit immédiatement prendre une posture défensive. Une jambe en avant et un bras levé, je ressemblais à une experte en arts martiaux prête à recevoir une attaque.

- Soit.

Mes trois couteaux sortirent lentement de ma veste de moto, montant au-dessus de ma tête pour rester suspendus là en éventail, pointe vers le bas. C’était une configuration qui n’était que très peu de fois sortie dans ma vie, mais qui ne signifiant qu’une chose : l’heure du duel était arrivée. Le but était d’attirer l’attention de mon adversaire et, ordinairement, de l’intimider. Quelque chose me faisait dire que ce ne serait sûrement pas le cas ici.

J’avais un plan pour me sortir de cette situation, mais son exécution allait se révéler compliquée. Il me faudrait non seulement tenir le cadre à distance, mais aussi pouvoir m’enfuir sans être rattrapée. D’un ton calme, je lui lançais :

- Qu’est ce que vous me voulez, exactement ? Me ramener côté Hydra ? Me tuer ?

Le cadre semblait avoir enfin décidé d'arrêter ses tentatives d'intimidation pour mieux passer à une ironie mordante. Il était temps qu'il comprenne que les mots ne suffiraient pas avec Kali.

Néanmoins, son attitude un brin trop décontractée ne faisait que confirmer pour elle la menace qu'il représentait. Il savait ce qu'il faisait - et la lueur rouge dans ses yeux semblait refléter un désir ardent. De combat ? De meurtre ? Elle n'en savait rien. Néanmoins, elle nota mentalement que ces derniers restaient attentifs au moindre mouvement de ses couteaux. Son assurance n'était malheureusement pas pour elle de l'arrogance.

La mutante rousse le laissa s'approcher, mesurant mentalement la distance entre eux. Il l'avait sûrement réalisé, mais proche comme elle l'était, son pouvoir serait à son plein potentiel pour leur première passe d'armes.

En effet, si soulever les couteaux ne lui demandait quasiment aucun effort, poignarder à plusieurs reprises pouvait être fatiguant, comme elle ne le savait que trop bien. C'était pour cela qu'elle se rapprochait toujours de sa cible, à une distance suffisante pour que son pouvoir lui demande moins d'énergie que si elle l'avait fait avec ses propres mains.

Mentalement, ses mains touchaient les manches de ses dagues - mais pas que. Elle poussa - avec un geste totalement invisible de par le placement du guidon - le porte-clé avec l'adresse de l'institut qui se trouvait sur ses clés, pour jauger la demande d'énergie. C'était faisable. Compliqué, mais faisable. Tout ce qui lui restait à faire, c'était de l'occuper suffisamment longtemps pour qu'il soit uniquement concentré sur le combat.

Et quand elle entendait ce qu'il venait de lui dire, il n'y avait aucun doute pour elle que l'attaque était imminente - son ton confiant et son pas lent lui faisait dire qu'il n'avait jusque là que pris son temps. Alors autant initier la chose.

- Je le sais bien, je me demandais simplement quelles étaient vos intentions. Mais je pense que j'ai ma réponse.

Sans signe avant-coureur, les couteaux partirent à toute vitesse en direction du cadre. L'un visant la jugulaire, l'autre l'épaule droite, tandis que sa dernière arme allait droit pour son foie. Kali profita de cette distraction momentanée pour reculer immédiatement de quelque pas - sa force serait plus faible mais elle serait capable de répondre plus aisément à une contre-attaque.

La réponse du cadre ne fit qu'augmenter la vélocité des couteaux. L'arrogance de son point de vue était très habituelle chez les membres de son organisation et, bien qu'elle n'était pas du genre à céder aux provocations de ses adversaires, elle commençait néanmoins à ressentir une légère pointe d'irritation. Elle n'avait certainement pas besoin d'aide pour se façonner comme elle le désirait. Et pour l'instant, seul Charles l'avait compris.

Les couteaux furent bloqués par l'aile de l'homme, infligeant des dégâts important à cette dernière, mais loin d'être mortels non plus. Alors qu'elle s'apprêtait à faire un bond en arrière suite à cette déconvenue, l'autre aile vint alors la faucher, l'envoyant ainsi en roulé-boulé sur plusieurs mètres. Son premier réflexe fut de ramener les couteaux à elle, tout en essayant de retrouver son souffle coupé par l'impact.

Et il fallait qu'il parle, encore et encore. Kali n'avait pas besoin de ses compliments. Pas besoin non plus qu'il lui explique pourquoi il n'était pas mort.

Elle avait juste besoin de le distraire.

Se relevant péniblement, alors que certaines de ses écorchures commençaient à laisser perler du sang, la jeune mutante prit la parole, dans l'intention de tromper la vigilance de son adversaire.

- Ma télékinésie parfaite ? Je crains hélas que vous n'ayez rien vu.

Ses mains caressèrent à nouveau mentalement le porte clé de la moto. Le dernier coup du cadre l'avait rapproché de cette dernière qui n'était plus qu'à moins d'un mètre derrière elle.

Tout se jouait maintenant. La jeune rousse prit une longue inspiration avant d'expirer tout aussi lentement. Son regard était fixé sur l'homme, mais son attention était ailleurs.

D'un geste atypique pour toute personne ne l'ayant pas vu utiliser ses pouvoirs avec une concentration maximale, Kali tendit le bras en direction de son ennemi, comme pour intimer l'ordre aux couteaux de foncer sur leur cible. Au même moment, la clé sur la moto tourna, immédiatement suivie de l'embrayage, du bouton de démarrage et des gaz.

Les deux couteaux partis en direction de l'homme décrivirent une courbe au dernier moment, pour mieux se diriger vers leur vrai cible : les pneus arrières de la voiture. Avant même d'entendre le bruit des pneus éclatés, Kali fit démarrer la moto à plein gaz. Dès lors que cette dernière arriva à sa hauteur, elle sauta pour l'enfourcher et lança immédiatement son dernier couteau sur le cadre, en visant cette fois-ci le haut du torse.

Elle parvint à s'extirper de l'endroit, non sans prendre un coup au passage - elle n'affrontait pas n'importe qui. Avec un dernier regard en direction de son casque resté sur le bas côté et de sa carte, elle fonça en direction de l'institut, en prenant bien soin à ne pas prendre une route trop directe. Jusqu'au portail de l'institut, sa main resta crispée sur les gaz à fond, la jeune femme étant on ne peut plus consciente qu'elle venait au mieux d'échapper à sa capture. Au pire... elle n'aurait pas su dire ce qui l'aurait attendu, mais les yeux malsains de l'homme qui ne s'était jamais réellement présenté avaient semblé lui donner un avant-goût de la chose.