[Terminé] Devenir celle qui me fera voir la vie plus belle

18 Mai 2024 - White Rabbit Hole

J’étais de service ce soir et j’en étais plus que ravie – ironie quand tu nous tiens ! Et pourtant même si je n’étais pas ravie d’être là, il y avait quelque chose sur mon visage qui laisser paraître que j’étais heureuse et épanouie. Non je n’étais pas heureuse d’être là à servir des criminels notoires et à refouler des alcooliques dépravés mais j’étais dans ma bulle pour une simple et bonne raison : James Barnes.

J’avais retrouvé mon seul et unique ami la veille et depuis j’avais la tête ailleurs et les pensées vagabondaient dans mon esprit tels des oiseaux dans une prairie. Il était net que cet homme me plaisait toujours autant mais il semblait tellement différent maintenant alors je voulais apprendre à le connaitre à nouveau maintenant que je savais qu’il se souviendrait de moi jusqu’à la fin de sa vie. J’avais entrepris de mettre un peu de maquillage sur mes yeux, histoire que l’on ne voit pas trop mes cernes dues à une petite nuit et une journée déjà bien remplie.

J’avais eu le droit à des remontrances du barman du club pour mon attitude négligée en arrivant pour prendre mon service alors je lui avais simplement sourit et était passée à côté de lui pour me diriger vers les toilettes afin de refaire mon maquillage. L’homme n’avait pas hésité à me donner une claque sur les fesses pour me dire de me dépêcher. Je m’étais stoppée net dans mon élan, le regardant avec un regard furibond. Si je n’avais pas sentie véritablement la claque, j’avais été poussé légèrement vers l’avant ce qui me laisser penser qu’il m’avait touché. Depuis des années, je ne supportais pas que l’on me touche sans ma permission. Ressentir sa vague de plaisir me donna envie de vomir. Il n’était jamais vraiment délicat avec moi mais qu’est-ce que je pouvais bien faire ? Il était plus fort que moi et même si je connaissais des techniques de combat, lui également. Alors je lui avais juste lancé un regard noir en silence avant de me retourner et de continuer mon chemin. Les gens pensaient que je ne parlais pas et que donc je n’étais pas capable de dénoncer tel ou tel agissement mais c’était faux. Le jour où il dépasserait les bornes, je l’attendrais au tournant. J’avais cependant obéit à ses exigences en masquant mes cernes, en mettant un jolie rouge à lèvres rouges écarlate et en ajustant mon chemisier pour mettre en avant mes charmes. Je savais que les clients appréciaient ce genre de vision et même si cela ne me plaisait pas tellement, j’étais toujours ravie d’avoir un pourboire supplémentaire en fin de soirée.

Il était 3h du matin lorsque le barman me signifiait qu’il manquait de la bière et qu’il me demanda d’aller chercher un fût dans la réserve. Je levais les yeux au ciel, agacée par son attitude. Il savait très bien que les fûts sont toujours très lourds et qu’il y avait des escaliers pour aller à la réserve et que j’étais en talons aiguilles mais non il fallait que cela soir moi et personne d’autre.

Je soupirais exaspération, gonflant mes poumons au passage mais lorsque je croisais son regard lubrique sur ma poitrine. Une expression de dégout fit alors son apparition sur mon visage alors que j’allais à la réserve. Je descendis les escaliers pour arriver dans la réserve tout en allumant la lumière en bas de l’escalier… Prenant soin de choisir le fût de bière, je sentais une présence… Une sensation de plaisir m’envahit en même temps que le dégout qui allait avec. Il ne fallait pas être devint pour comprendre de qui il s’agissait. Et pourtant je me retournais doucement pour lui faire face.

Je le regardais le prendre le bras d’une main et de l’autre me maintenir le visage pour me parler franchement :

« Ne sois pas insolente avec moi June, sinon tu vas passer un sale quart d’heure. »

Je ne répondis pas mais je bougeais pour me dégager de son emprise. Je ne sentais rien, il ne me faisait pas mal mais pourtant je n’étais pas à l’aise. Il s’approcha de moi, suffisamment près pour que son torse  me touche également. D’instinct je tournais le visage pour m’éloigner de lui mais il me retint d’une seule main m’obligeant à le regarder dans les yeux.

« Tu as bien compris ? »

Je clignais des yeux pour lui faire comprendre que oui et il me relâcha progressivement. D’instinct je posais ma main là où la sienne se trouvait juste avant mais je ne sentais toujours rien. Il aurait fallu qu’il serre plus fort pour que je sente quelque chose. Je le fixe du regard mais sans émotions. Je ne veux pas qu’il s’en prenne à moi ici, dans le seul endroit où il n’y a pas de caméras. Alors je le fixe et le voit s’éloigner de moi avec son regard pervers. S’il avait pu me sauter dessus, je suis certaine qu’il l’aurait fait. Mais finalement il se retourne, prend le fût que j’avais choisi et remonte à l’étage me laissant seule.

Je ne retrouve ma respiration que lorsque j’entends les dernières marches grincer… Je ferme doucement les yeux et me remémore ma soirée de la veille. Le regard de James bien plus doux sur moi que cet abruti de barman. Je souffle doucement, essayant de retrouver un rythme de respiration normal mais je tremble encore. Les prémices des souvenirs passés me menacent. J’avance de quelques pas. Je dois retourner travailler, je le sais et pourtant mes jambes tremblent. J’arrive à l’escalier et je gravis quelques marches avant de coincer mon talons et de retomber lourdement dans l’escalier. Je dévale ainsi près de la moitié de l’escalier. Arrivée en bas, je regarde mes membres. Je sais que je me suis fait mal, que j’ai dû me blesser mais je ne sens rien. C’est la peur qui me paralyse… J’entends la porte du haut de l’escalier qui s’ouvre et la voix qui m’appelle :

« June ? T’es là ? »

C’est une de mes collègues serveuse et danseuse qui arrive en trombe dans l’escalier. Lorsqu’elle me voit elle plaque la main sur sa bouche. Visiblement d’un point de vu extérieur, cela ne doit pas être joli. Elle arrive près de moi alors que je regarde plus en panique qu’autre chose.

« Tu ne sens rien c’est ça ? »

Elle connait mes pouvoirs et donc elle sait que je suis effrayée à l’idée d’être blessée sans le savoir. Je balance la tête pour lui confirmer que non, je ne sens rien.

« Ok, j’appelle une ambulance… »

Je la regarde remontée l’escalier en trombe et pour ma part, je m’allonge sur le sol… J’imagine qu’il doit être froid… Je ferme les yeux et c’est le trou noir…

La chute dans les escaliers n’avait pas été ce qui était le plus douloureux dans l’histoire car dans le fond, je savais que je ne sentirais rien ou pas grand-chose. Non finalement c’était les actes, les paroles du barman qui m’avaient profondément touché. Il me voyait comme une petite chose fragile mais il ne me connaissait pas. Personne ne savait qui j’étais vraiment, ce que je pensais =, ce que je pouvais ressentir intérieurement. Ce n’est pas parce que je ne ressens pas la douleur que je suis une coquille vide, sans sentiments, que rien n’affecte. Bien au contraire, je suis une éponge. J’absorbe tout et je stocke en moi mes joies et mes forces mais aussi mes faiblesses, mes peurs et mes blessures.

Je sentais que je reprenais conscience peu à peu mais la lumière m’aveuglant légèrement, je gardais les yeux clos sans bouger. J’entendais des voix, et je voulais comprendre où je me trouvais avant de signaler mon réveil de façon plus flagrante. J’avais pris cette habitude avec Hydra, l’habitude de simuler l’inconscience prolongée pour obtenir des informations sur le lieu où je me trouvais mais également sur les personnes autour de moi. Finalement j’obtenais des réponses assez rapidement. Ma collègue m’a amené à l’hôpital et j’étais en train d’être auscultée. J’étais dans de beaux draps maintenant. Hydra n’aimait pas que je me retrouve à l’hôpital et je savais d’avance que Charlie n’allait pas être content non plus.  J’entendais ma collègue répondre aux questions de l’interne :

« Je l’ai trouvée en bas des escaliers et elle a eu juste eu le temps de me dire qu’elle sentait rien mais elle semblait vraiment très pâle. Après elle s’est évanouie et j’ai appelé les pompiers. Franchement, c’est une chic fille, elle cause pas beaucoup mais elle est gentille avec tout le monde. J’ai vu également un de mes collègues remonter de la réserve un peu avant que je la trouve mais il n’est pas du genre commode…. Enfin un peu pervers si vous voyez ce que je veux dire et comme June ne parle pas des masses, il l’a dans son collimateur depuis un moment maintenant. Dans la réserve, y’a pas de caméras ou quoi que ce soit donc on sait pas trop ce qu’il a pu se passer mais c’est pas le genre à parler ce mec-là donc bon… Si c’est pas June qui parle, je suis pas certaine qu’un jour on sache ce qu’il s’est vraiment passer. »

Finalement j’entends l’interne acquiescer et dans le même temps, elle repose une question sur mon insensibilité à la douleur mais elle m’ouvre les yeux pour voir mes réflexes pupillaires, c’est le moment pour moi d’agir.

Je me redresse soudainement, attrapant le bras de l’interne pour l’éloigner de mon visage – sans lui faire mal -  et je regarde rapidement autour de moi pour prendre quelque chose pour me défendre. Je ne me sens pas forcément en danger mais c’est un réflexe après de nombreuses années de mauvais traitement chez Hydra. Je vois ma collègue qui sursaute et j’imagine qu’elle n’a pas l’habitude de me voir en position de défense et pourtant c’est mon quotidien quand je ne suis pas au WRH. Mes yeux se posent alors sur le visage de l’interne et c’est une toute autre réaction que je peux voir. Elle semble plus douce et plus gentille qui toutes les personnes que j’ai pu rencontrer dans ma vie jusqu’à présent. Je lui maintiens le poignet, sans pour autant la serrer où quoi que ce soit mais je ressens un sentiment de sécurité dans ses yeux. Je ressens qu’elle ne me fera pas de mal et pour une fois c’est agréable…

J’entendais toute la conversation et j’espérais que ma collègue n’en dise pas trop par rapport à mon mutisme ou même mes pouvoirs. Je n’entends pas de réponse et d’une certaine manière, j’en suis soulagée. Je pourrais sourire à l’idée que pour une fois elle se taise parce que même si j’appréciais beaucoup ma collègue, elle était bien plus bavarde que la moyenne et mine de rien si cela avait parfois le don de m’exaspérer. Mais je ne devais pas bouger si je voulais garder mon effet de surprise.

Et finalement lorsque j’entrais enfin dans l’action, je vis aussitôt le regard apeuré de ma collègue qui était en parfaite contradiction avec le regard inquiet mais serein de la personne qui était en train de m’ausculter. Me redresser, lui attraper le poignet et étudier mon environnement m’avaient pris quelques secondes seulement pourtant, je ne me sentis en sécurité que lorsque je croisai son regard.

Cette jeune femme, l’interne qui visiblement s’occupait de mon cas, semblait à la fois douce et bienveillante. Si elle avait clairement été surprise, elle s’était cependant rapidement repris et m’avait parlé avec calme et apaisement. Elle me demanda de ma calmer, ce que j’eus bien du mal à faire dans un premier temps mais par la suite, elle m’avait légèrement expliqué qu’elle devait m’ausculter et commença à me poser des questions.

Rapidement je compris que deux possibilités s’offraient à moi, fuir rapidement et ne rien dire à personne ou alors me mettre à table… Mais aucune des deux idées ne m’enchantaient. La première signifiait aller voir les médecins d’Hydra et me prendre encore une rouste parce que je n’ai pas suffisamment fait attention et la seconde signifiait me révéler à une personne que je ne connais pas ce qui n’est pas, mais alors pas du tout un exercice facile pour moi.

Je relâche lentement le poignet de l’interne et me redressant plus posément et en me repositionnant pour être assise. Mon regard croise celui de ma collègue et je comprends que je ne pourrais pas parler en sa présence. Je ne dois pas trop en dire, sinon cela reviendrait aux oreilles de Charlie et alors là je suis plus que certaine de passer un mauvais moment. J’hésites à partir en courant mais j’ignore encore si je suis blessée ou pas. Peut-être que j’ai quelque chose de grave et que je suis mieux ici. Le choix devient de plus en plus cornélien. Mon regard vacille entre l’interne, ma collègue et l’ensemble de la pièce – faite de murs en rideaux. Je ne suis pas à l’aise mais je ne crains que j’aurais bien du mal à m’en sortir sans un seul mot alors que mon regard se perd dans le vide.

« Allez tu peux tout déballer à la Doc’… Elle ou moi mais cause bon sang ! »

Ah ma collègue avait retrouvé sa langue et visiblement le fait que je ne parle pas semblait l’agacer de plus en plus. Mes yeux se posèrent sur elle dans un mélange de mépris et d’anxiété. Ce n’était clairement pas la bonne méthode pour me faire « causer » comme elle le disait si bien. A la place, je déportais mon anxiété et mes craintes à l’interne. Si je n’avais pas envie de m’étendre sur ce qui m’étais arrivé à une femme que je ne connaissais ni d’Eve ni d’Adam, je ne pouvais pas me permettre de parler face à ma collègue. Elle en savait déjà bien trop sur ma personne, inutile de rajouter mes cicatrices ou mes tourments passés.  

Si la présence de l’interne ne me dérangeait pas vraiment, elle avait même su me rassurer d’une certaine manière. La présence de ma collègue au contraire ne mettait pas parfaitement à l’aise dans le sens où je me voyais mal me faire ausculter devant elle. C’était deux opposés, enfin pas vraiment mais un peu quand même. D’un côté il y avait cette interne qui ne me connaissait pas du tout hormis ce qu’elle avait lu dans mon dossier. Elle était calme, douce, gentille et soucieuse de mon état de santé. Elle était avenante et attentionnée envers moi. Et de l’autre, il y avait ma collègue de boulot, peut-être la personne qui pourrait s’apparenter le plus à ce que j’avais comme amie hormis Barnes. Elle me connaissait aussi bien que ce que je la laissais savoir de moi, elle était là pour moi au bar, pour échanger mes horaires avec les siens en cas de besoin ou pour m’aider à me débarrasser d’un client trop collant et pourtant… elle était impatiente, irascible et sa façon de me pousser à parler me déranger au plus haut point…

Et là, comme si la jeune femme sentait mon malaise face à ma collègue, elle trouva une excuse pour la faire partir. Je ne dis rien, je n’avais pas besoin de parler mais intérieurement j’étais en train de la remercier. Je crois même que j’ai du sourire un instant mais je ne m’en suis pas rendue compte et mon sourire s’est effacé dès que j’ai croisé le regard agacé de ma collègue avant qu’elle ne parte.

Une fois toutes les deux, l’interne se tourne alors vers moi et se montre encore plus compréhensive que je le pensais. Elle me proposa même d’écrire au lieu de parler. Je souris devant sa douce initiative avant de hochait la tête en répondant négativement :

« Non, je peux parler… Je sais parler… C’est juste que je n’aime pas parler pour ne rien dire… Vous voulez savoir ce qu’il s’est passé, c’est ça ? »

Je pris alors le temps de me redresser, sentant au passage un spasme sans douleur dans ma jambe et dans mon pied. Je regardais quelques instants autour de moi comme pour vérifier que nous étions bien que toutes les deux :

« J’ai eu une dispute avec le barman avec lequel je travaille, j’ai fait une légère crise d’angoisse dans la foulée quand il est parti et quand j’ai voulu remonter l’escalier, mon talon s’est coincé et j’ai dévalé plusieurs marches. »

Je lui fis signe de s’approcher pour lui parler de ma particularité. Je n’étais pas vraiment censée en parler mais j’avais bien conscience qu’elle ne pourrait pas me soigner si elle ne savait pas tout. Je chuchotais alors pour lui expliquer :

« J’ai … disons … des capacités qui font que je ne ressens rien, aucune douleur ni aucun contact. Donc je suis incapable de vous dire si j’ai mal à tel ou tel endroit et si mes blessures sont graves ou non… Je n’en ai aucune idée. »