Dire que Alison Bella Katherine Blaire est une personne sociable serait mentir. Prétendre que cette même personne possède l’instinct maternel serait abuser de la réalité, et même la déformer. Elle n’est pas du genre à s’attendrir facilement, Ali, et ce n’est pas quelque chose qu’elle s’attache à corriger ; avoir été élevée parmi quatre grands gaillards n’a sans doute pas faciliter la croissance de ses émotions, puisqu’elle est davantage habituée à régler ses conflits dans la violence, qu’elle soit verbale ou physique, et elle ne trouve rien à redire à propos de sa grande gueule. Et si quelqu’un trouve quelque chose à redire, justement, nul doute qu’il va s’en manger une dans la gueule également.

Ainsi, avec ce caractère tempétueux qui ne connaît que rarement d’accalmie, Alison ne s’attendait sûrement pas à fondre d’affection pour l’adolescente qui, un jour, a lancé sur sa chaîne YouTube l’envie de faire une vidéo en sa compagnie ; elle ne se souvient même pas de comment l’information était remontée jusqu’à elle mais, curieusement attendrie par le souhait formulé, elle n’avait pas hésité bien longtemps avant de se porter volontaire pour cette vidéo, permettant à la jeune femme de gagner en popularité et visibilité sur les réseaux. L’histoire aurait pu s’arrêter là mais, une étonnante amitié est née entre les deux, une amitié qui n’est guère étouffante puisque la carrière d’Alison l’est davantage, mais force est de constater que cette dernière veille sur sa cadette comme le ferait une grande soeur : aujourd’hui, encore, c’est elle qui a proposé à l’adolescente de se retrouver pour un thé.

« Merci, retrouvez-moi ici dans deux heures. » Le chauffeur lui lance un regard dans le rétroviseur, répondant un simple ‘’bien madame’’ qui s’achève juste après qu’elle referme la portière dans un claquement brut, faisant ensuite entendre ses talons sur le bitume lorsqu’elle se dirige vers le café. Ce dernier n’a pas été choisi au hasard : il est d’une décoration épurée et chic, et pas tout le monde peut s’offrir une tablée car ils ont des mets d’exception. Une fois à l’intérieur, elle abaisse légèrement le menton pour zieuter par-dessus des lunettes de soleil, caressant la salle du regard jusqu’à discerner la silhouette encerclée de sa protégée… Cernée par des blaireaux. Ah. D’accord. Une colère mesurée montant dans sa gorge, elle prend néanmoins le temps de retirer ses lunettes de soleil avant de s’avancer en leur direction, de sa démarche naturellement féline, mise en valeurs par sa tenue : une jupe longue en jean fendue sur le côté, des bottes noires à talons qui arrivent jusqu’en dessous de ses genoux, ainsi qu’un chemisier noire au décolleté ouvert. « Et au pire, tu nous files ton numéro comme ça, t’sais, on peut se voir une autre fois quand tu seras libre ? » Passant nerveusement la pointe de sa langue sur ses dents de devant, la blonde arrive à leur hauteur et ne perd pas de temps avant de faire entendre sa voix, sans rien cacher de son agacement. « Qui te dit qu’elle aura envie de passer son temps libre avec un puceau dans ton genre ? » Donnant un coup d’épaule à celui qui a parlé en dernier, elle se fraye un chemin afin de passer derrière Kamala, effleurant son épaule d’un geste affectueux avant de déposer son sac sur la table, preuve qu’elle compte s’installer. « Écoutez-moi les crevards, » Elle entame son discours sans les regarder, fouillant d’abord dans son sac-à-mains pour en sortir un miroir de poche et un gloss pailleté, dont elle vient se badigeonner les lèvres tout en parlant. « …Vous avez une minute pour décamper avant que je vous fasse sortir d’ici par la peau du cul. » La délicatesse d’Alison dans toute sa splendeur : elle presse ses lèvres l’une contre l’autre pour uniformiser la matière brillante, avant de refermer son miroir dans un clapet et de se retourner vers les crevards en question, sa main venant alors s’appuyer contre sa propre hanche. « Alors, vous décidez de partir ou de perdre vos testicules ? Perso, j’adore la deuxième option mais c’est à vous de voir. » Le sourire qu’elle leur lance semble les convaincre puisque, après des regards dédaigneux, ils commencent à s’éloigner… Sans nul doute parce qu’ils veulent avoir des enfants, contrairement à elle.

Évidemment, ils ne sont pas totalement cons les demeurés qui ne comprennent pas le sens du mot non, et évidemment encore qu’ils préfèrent détaler comme des lapins qui entendent les chasseurs arriver plutôt que de se prendre un talon aiguille de 10cm à un endroit bien placé. Personne n’est étonné de les voir quitter l’établissement en maugréant des paroles que la blonde ignore, préférant allouer toute son attention à la plus jeune de leur duo, sur laquelle elle pose un regard presque maternel en se penchant en sa direction pour observer sa frimousse d’ange et ainsi s’assurer qu’elle ne porte point l’ombre de la contrariété sur celle-ci ; heureusement, ce n’est pas le cas et Alison lui adresse un sourire suave en venant passer l’une de ses mains sur sa tempe afin de replacer une mèche brune derrière son oreille. “Je suis trop contente de te voir, Ali. Merci beaucoup.” Ramenant sa main en sa direction, elle défait la gratitude de la plus jeune d’un geste de celle-ci avant de pousser ses lèvres en avant dans une petite moue satisfaite, ne pensant pas avoir accompli quelque chose d’incroyable : elle a juste remis des cons à leur juste place. ’’C’est normal.’’ dit-elle dans un brin de sourire, avant de le troquer pour une grimace de dégout en prenant place sur une chaise. ’’Ce qui n’est pas normal, en revanche, c’est qu’on assiste encore à ce genre de scènes en 2025. C’est affolant que les hommes se pensent tout permis comme ça.’’ surtout considérant l’âge et la nature affable de Kamala, qui n’est clairement pas armée psychologiquement pour se défendre face à ceux. “Je crois qu’il va falloir que tu me donnes des cours, parce que c’était vraiment trop cool !” - ’’Sinon, tu m’appelles et je rapplique pour leur foutre une raclée.’’ Elle sourit d’un air espiègle mais ne croyez pas qu’elle plaisante : elle serait clairement capable de sortir les griffes pour défendre sa petite protégée. ’’Ou je peux engager un garde-du-corps pour les tenir à distance.’’ Là encore, elle ne plaisante qu’à moitié : si Kamala en ressent le besoin, nul doute que la blonde le fera sans hésiter.

Déposant brièvement sa main sur le bras de sa petite douceur, Alison s’adosse ensuite à sa chaise en prenant la carte entre ses deux paumes, commençant à lire son contenu avant de lever les yeux vers Kamala pour lui sourire avec tendresse. “Très joli le gloss, d’ailleurs.” Croisant ses jambes d’une manière élégante, sa jupe fendue laissant voir la peau parfumée de sa cuisse, elle lève légèrement le menton en proposant, d’une voix joyeuse ’’Tu veux qu’on aille faire les boutiques après ? On pourrait t’en trouver un pour ta carnation.’’ Évidemment, Kamala n’aurait pas à débourser un centime et elle doit déjà le savoir : Alison ne l’a jamais laissé payer quoique ce soit et cela n’est pas prêt de changer. Mais la serveuse venant en leur direction, elle reprend rapidement la parole pour demander, curieuse : ’’Tu sais déjà ce que tu vas prendre ? Moi, oui, et sans surprise…Thé matcha !’’ Refermant la carte qu’elle pose devant elle, Alison entrelace ses doigts sur la surface plastifiée de celle-ci, avant de dire à sa complice : ’’Alors, qu’est-ce que j’ai raté dans ta vie ?’’