Serpent qui change de peau est toujours serpent

Que c’est difficile, la vie d’artiste ! Un pinceau coincé entre les dents, maintenu par le manche en bois par ces dernières, la Sorcière penche son menton de gauche à droite en ne cessant de faire valser sa main armée d’un pinceau sur la toile précédemment blanche, qui se voit désormais affublée de formes plus ou moins précises, qui sont censées représenter deux chiens sur une table de pique-nique en bois, entourés de verdure. Si le plus grand chien n’est pas trop mal réussi, le deuxième ressemble davantage à un mixte entre une chauve-souris et un singe,  n’ayant même que deux pattes arrières visiblement, mais ça, l’artiste, ne s’en rend pas vraiment compte. Tenant sa palette de peinture dans sa main libre, elle vient mélanger quelques pigments avant de les apposer sur le plus grand chien afin de peindre un jouet rectangulaire dans la gueule de celui-ci, se permettant même le luxe de dessiner des étoiles colorées sur ce dernier avant de sursauter en entendant la voix de Jericho dans son dos ; le sursaut l’oblige à relâcher le pinceau qu’elle tenait entre ses dents, et qui s’échouent sur son t-shirt blanc en y laissant une longue trace de peinture verte ; assise en tailleur à même le tapis, en ayant appuyé sa toile contre une montagne de livres volés dans la bibliothèque, elle lève ses deux mains en pivotant son buste en direction de son hôte, auquel elle adresse un sourire curieusement enjoué. « C'est pas mal du tout dis-moi… Je ne savais pas que tu peignais. » Que Jericho se rassure : elle non plus ne le savait pas. Et il aurait peut-être été préférable qu’elle ne le sache jamais. « Qu'est-ce que ça représente ? » À cette question, dont la réponse paraît évidente, elle perd un peu de son sourire en se retournant vers sa toile, qu’elle considère d’un geste du menton puis de la main. « Ça ne se voit vraiment pas ? » Affichant une moue boudeuse, elle penche son menton sur le côté en mimant à la perfection l’expression contrariée de l’artiste incompris. « C’est si moche que ça… » Ce n’est pas vraiment une question, mais la peintre en herbe est quelque peu déçue, si bien qu’elle abandonne son arsenal sur la petite table du salon, non pas à même le bois de cette dernière mais dans un plateau prévu à cet effet. « Je comptais te l’offrir… »

Profitant de la sonnerie du téléphone qui sonne la fin (ou la pause) de cette conversation, la brune se lève d’un bond agile pour se diriger vers la salle de bain, afin de passer ses mains sous l’eau et le savon ; si ses doigts perdent rapidement les traces de peinture héritées durant cette séance, Milena ne remarque pas la grosse trainée de pigments orange qui trône sur son arcade, si bien que c’est avec qu’elle retourne dans le salon, apparaissant (sans le savoir) dans le champ visible par l’interlocuteur de son hôte bien généreux. « Tu n'es pas seul… C'est qui la demoiselle derrière-toi ? Ta petite copine ? » Puisqu’elle n’est pas offusquée par l’hypothèse, elle se rapproche de Jericho en brandissant son sourire sincère et chaleureux, afin de saluer un geste de la main le vieil homme aux dreads et à la barbe grises. « C'est une amie, elle se nomme Milena. » - « Bonjour monsieur ! » Incrustant son visage entre le bras et le torse de Jericho, Milena fait un deuxième ‘’coucou’’ de la main en souriant de bon coeur à son interlocuteur, rapidement pressée cependant par leur interlocuteur qui n’est pas disposé à les laisser faire connaissance.  « Pourquoi est-ce que tu m'appelles ? » Fronçant quelque peu ses sourcils, la brunette lève le menton — oui, parce que Jericho est plus grand qu’elle et son 1m64, pour le toiser d’un oeil courroucé. « Mais enfin, tu pourrais lui demander comment il va… » Reprenant son sourire jovial, elle se retourne vers le téléphone pour l’adresser au grand-père de Jericho, avant de s’enfuir vers la cuisine avec l’idée de sortir la boite de biscuits. Et d’en piocher un. Ou deux.

La peintre — qui l’est depuis quelques jours seulement mais qui se pense déjà dotée d’un don tout droit hérité du ciel, pousse ses lèvres en avant dans une petite moue déconfite, visiblement déçue du caractère incertain alloué à son tableau, dont les deux personnages sont pour le moins identifiables, surtout si on admet une imagination débordante. « Oh, tu sais, c'est moi qui ne comprends pas grand-chose à la peinture sans doute... » Il ne l’a pas, visiblement, l’imagination débordante. La bouche close dans une exagération enfantine, Milly lève le nez et les yeux vers Jericho, en se désolant du piètre accueil fait à son présent puisque, comme elle l’annonce dans une voix teintée d’un chagrin qui s’évapore rapidement, c’était un cadeau pour son hôte bien généreux avec elle. « Tu es adorable. Tu m'as offert beaucoup de cadeaux ces temps-ci et je ne t'ai jamais rendu la pareille. » - ’’Oh mais si !’’ s’empressant de rapidement rectifier la vérité, elle abandonne son matériel pour se hisser sur ses pieds nus, reprenant tout naturellement sa mine enjouée et suave, qu’il est le seul à côtoyer puisque, Milena n’est pas de celles que l’on peut aisément apprivoiser. ’’Tu fais déjà beaucoup pour moi… Tu n’imagines pas à quel point.’’ Restant quelques secondes à le regarder dans les yeux, sans trop savoir vers quelles douces contrées ses pensées s’évaporent, la belle s’échappe rapidement dans la salle de bain pour débarrasser ses mains des traces de peinture, avant de revenir dans le salon pour faire connaissance avec le grand-père de Jericho qui, elle doit bien l’admettre, est comme elle l’imaginait.

Après avoir mis son grain de sel là où on ne l’attendait pas, la brune s’échappe dans la cuisine pour fouiller dans le placard à gâteaux, qui s’est étoffé depuis son arrivée : c’est qu’elle est suffisamment gourmande pour avoir du mal à arrêter quand elle commence à grignoter et, cette fois encore, en suivant d’une oreille distraite la conversation entre les deux hommes, elle grimpe sur l’un des tabourets pour appuyer ses avant-bras sur la table haute, les yeux rivés sur Jericho et un morceau de biscuit en bouche. Mâchant son cookie en gardant ses lèvres closes, elle n’entend pas véritablement les paroles de Papa Jambo mais, en revanche, elle peut nettement percevoir les réponses de son acolyte « Aujourd'hui ?! Ah non, ça ne va pas être possible. J'ai beaucoup trop de choses à faire papy… » Elle hausse ses sourcils en baissant le menton pour piocher un deuxième cookie puisque le premier est terminé, en ne pouvant s’empêcher de se demander s’il n’est pas en train de mentir de manière éhontée à son grand-père ; de mémoire, Jericho n’avait rien de prévu aujourd’hui ! « Et puis la relique pourra bien choisir quelqu'un d'autre de plus motivé… » Zieutant machinalement le jonc en argent qui enrobe son poignet gracile, elle continue de manger en se posant mille questions à propos du sujet discuté par Jericho, sans oser l’interrompre puisque cela ne la regarde pas… Enfin, elle compte bien le questionner mais une fois qu’il aura raccroché !

Ayant attaqué son quatrième biscuit, elle lève ses longs cils noirs en direction de Jericho lorsqu’il revient en sa direction, en tendant le paquet en sa direction pour lui proposer d’un prendre un à son tour, mais la mine soucieuse qu’il arbore lui fait soudainement froncer les sourcils avec inquiétude. ’’Tout va bien ?’’ Redressant son dos en descendant du tabouret pour lui faire face, elle se tient devant lui en levant le menton pour pouvoir plonger son regard dans le sien, alarmée. « Eisha ? Je pourrais te demander un service ? Il faudrait que j'aille dans un temple pour passer quelques épreuves et il faut quelqu'un pour m'accompagner. » Sans le quitter des yeux, elle fait glisser la pointe de sa langue derrière ses dents du haut, comprenant mieux la discussion si mystérieuse entre les deux Drumm ; il n’a pas fini de parler qu’elle a déjà pris sa décision, et celle-ci s’est imposée sans l’ombre d’une hésitation. « Je sais que c'est beaucoup te demander et je ne t'en voudrai pas si tu dis non, mais je voudrais avoir le cœur net sur une chose et c’est obligé que quelqu’un vienne avec moi… » Voyant bien à quel point le sujet le mine, Milly se rapproche d’un pas en sa direction pour déposer sa paume contre le haut de son bras, le bout de ses doigts se déposant sur la naissance de son épaule masculine tandis qu’elle lui adresse un sourire qui se veut rassurant, et qui est foncièrement doux. ’’La question ne se pose même pas. Je viens avec toi.’’ Gardant son sourire imprimé sur ses lèvres, l’indienne soutient son regard quelques secondes avant de reprendre la parole, sans encore retirer sa main de son épaule. ’’J’ai entendu que tu parlais d’une relique, c’est ça ?  Les épreuves, c’est quoi exactement ?’’ Il vaut mieux être préparés avant de se lancer dans la gueule du serpent, n’est-ce pas ? Arborant un air plus concentré et ayant totalement oublié le paquet de biscuits, la brune retire sa main de l’épaule de son comparse pour croiser ses bras contre son buste féminin, en attendant les réponses à ses questions. Elle a dit oui avant même de savoir dans quoi elle s’engageait : qu’importe, puisqu’elle tient trop à Jericho pour le laisser affronter des épreuves tout seul. Ils le feront. Ensemble.