You think you're changing anything? Question everything ft. Felicia

La vie, c'est comme une boîte de chocolat. On sait jamais sur quoi on va tomber. C'est même tout le principe, en fait. Mais parfois, la boîte a traîné pendant des années au-dessus d'un meuble, et quand bien même les chocolats étaient bons à l'origine...ah, force est de constater qu'après avoir moisi, aucun ne sera une bonne expérience. Bah ma vie, ces derniers temps, c'est une boîte de chocolats moisis. Et pour être tout à fait honnête avec moi-même, j'en ai un peu ras le cul que tout s'acharne sur moi.

Enfin c'est vite dit, que ça "s'acharne sur moi". Parce que ce qui est arrivé récemment n'avait absolument rien à voir de près ou de loin avec ma petite personne. Non, l'enlèvement d'Ezekiel et de Luhan n'aurait pas dû me concerner...et pourtant, c'est mal me connaître. La dévotion que je voue à mon ami, mon frère même, est telle que j'aurais volontiers offert ma vie pour ses beaux yeux. Soyons sérieux deux minutes : étant donné le bordel que cette mission de sauvetage improvisée est devenu, cette résolution a failli être la bonne. J'aurais eu l'air malin dans la vie d'après, à justifier mon décès face à des mafieux plus forts que moi. On m'a rendu invincible, et pour quoi ? Pour que je finisse cramé au milieu des bois ? Nah, ça n'a aucun sens.

Cette mission, ça a été un peu comme une révélation pour tout le monde j'ai l'impression. Déjà, j'ai découvert des facettes de certaines personnes que je n'ai encore jamais vues jusqu'alors, comme la transformation de Messner en véritable minotaure ou l'étalage - un peu fouillis je dois avouer - des pouvoirs immenses de la plus jeune des Ranevskaia (enfin, si on ne compte pas Luhan dans l'équation. Est-ce qu'un gamin qui ne comprend rien à ce qui se passe peut vraiment compter ? Oh, Shufen ne serait pas très contente que je mette de côté son gamin !). Mais en prime, certains ont montré un tout nouveau visage...et parmi ces visages que je ne m'attendais pas à percevoir, il y a eu celui de Felicia.

Cette meuf, c'est un peu comme moi en version féminine. La langue bien pendue, toujours à balancer une connerie tout en faisant son taf comme il se doit (non sans râler parfois). Ils rient bien au Devil's, lorsqu'ils nous observent. S'amusent de nos chamailleries enfantines, prennent peut-être même les paris sur qui va gagner cette joute verbale. Mais pour moi, Felicia, ça s'arrête là. Oh, on a bien causé elle et moi, et elle doit bien avoir un pouvoir spécial pour être admise au Devil's et faire partie de la famille...mais je ne m'y étais pas intéressé jusque là, j'en avais un peu rien à foutre. Jusqu'à ce soir.

Mes vêtements sont lâches, et je me déplace avec une certaine difficulté ; la faute à mon dos encore abîmé par des brûlures et des courbatures depuis plusieurs jours maintenant. Le tissu recouvre ma peau sans trop frotter, mon sweat pourrait contenir deux fois mon gabarit et c'est très bien comme ça. Les cheveux en bataille que je n'ai pas fait l'effort d'essayer de dompter, on dirait que je suis tombé du lit. Mais ça ne m'empêche pas d'être incroyablement classe, croyez-moi.

Mes pas me mènent dans le quartier du Bronx, à regarder chaque nom de rue en tentant de me repérer. Certes, ça serait peut-être plus facile avec un GPS...mais ma position serait également disponible pour ces satellites du gouvernement, et ça, c'est hors de question. Parano ? Nah...ok, peut-être un peu sur les bords, mais j'ai mes raisons. Je ne suis pas censé exister, n'est-ce pas ? Alors autant que le monde entier ignore qui je suis et où je me trouve. Je n'ai pas envie de faire l'effort de changer de nom, merci bien.

Les immeubles du Bronx sont si pourris qu'ils me rappellent le fin fond du Yorkshire, et pour être honnête, c'est presque rassurant. Je lève les yeux une nouvelle fois sur le nom de la rue...et esquisse un sourire en constatant que je suis enfin arrivé. Comptant ensuite les numéros sur les portes, je me plante devant l'une d'elle pour frapper frénétiquement au panneau. Je ne suis jamais venu ici, mais elle ne peut pas me refuser, n'est-ce pas ? Nah, on claque pas la porte à Tom-Tom !

"Yoooooo blondie ! T'es vivante ?"

La porte s'ouvre enfin...et je me fige sur place. Devant moi se tient une version zombifiée de ma chère collègue, fringuée comme dans une sitcom américaine (mais genre, pas le personnage principal toujours super apprêté, hein, plutôt la vieille peau qui fout le bordel dans le voisinage). Et sans pouvoir m'en empêcher, j'explose de rire. J'en pleure même, les larmes coulent sur mes joues, je suis plié en deux et mes abdos meurtris par les courbatures me font souffrir. J'en peux déjà plus.

"BWAAAAAHAHA attends, t'as même les chaussons de Barbie là ? HAHAHA blondie je crève !"