15 février 2025, début de soirée, à proximité de l'Institut Xavier
Les derniers jours n’avaient pas été particulièrement intenses mais le fait est que Lynda était tout bonnement épuisée. Elle enchaînait les heures supplémentaires en tirant clairement sur les deux côtés d’une corde qui était en train de lâcher. La fatigue accumulée n’avait pas encore eue raison d’elle et cela malgré les nombreux rappels de Charles par messages comme quoi elle travaillait beaucoup – trop – sans s’accorder le temps de se reposer.
Cette soirée avait pour but non pas de faire les présentations entre Charles et Jessy puisque ces deux-là s’étaient d’ores et déjà croisés mais c’était surtout l’occasion pour Jessy d’avoir un moment privilégié avec sa mère et l’homme qui partageait sa vie, mais également d’en apprendre davantage sur son pouvoir. Lynda le savait, Charles aurait probablement les mots là où Lynda ne restait qu’une mère et non une mentor.
La journée touchait à sa fin et pourtant, mère et fille étaient sur la route pour se rendre à l’Institut où Charles avait confirmé par sms les attendre pour dîner tous les trois. Cependant, la fatigue et la route prise à plusieurs reprises ces derniers temps faisaient que Lynda se trouvait légèrement moins attentive que la normale. Malgré la musique et sa fille qui se trouvait juste à ses côtés, elle ne sentit pas la somnolence arriver. Fermant les yeux pendant ce qu’elle aurait pu estimer comme étant une milliseconde, le véhicule changea lentement mais surement de trajectoire. Ce n’est que lorsque la voiture dérapa sur le bas-côté, alarmant la jeune adolescente que Lynda rouvrit les yeux pour donner un coup de volant et un coup de frein en même temps, terminant de valider le dérapage de la voiture vintage de la mutante. Le bruit des crissements des pneus eurent le mérite de la crisper au volant en reprenant ses esprits tout en restant figée sur ce qu’il venait de se passer.
Aujourd'hui est un grand jour. C'est un diner avec Charlou ! L'occasion d'en savoir enfin un peu plus sur lui. Enfin, non, pas exactement. L'occasion de pouvoir faire mes observations en direct - du genre "quelle est la longueur de son filet de bave quand il regarde ma mère". Très important.
Et aussi de voir le fameux institut dans lequel il travaille. M'man m'a dit que le manoir lui appartenait, ce qui a instantanément suscité un vif intérêt chez moi. Non pas pour le côté richesse - j'admets que je suis un peu vénale, mais pas à ce point là - mais parce que c'est le genre de bâtiment qui fait... mystérieux. Ce qui lui va très bien du coup.
Puisque M'man m'a prévenu un peu à l'avance, j'ai pu également lui préparer un petit cadeau. Rien d'extraordinaire, ce sont des chocolats, mais ils ont tous une forme rigolote de "X" ! Comme Xavier ! Ok, j'avoue que je n'ai pas réussi à en trouver en forme de "C". Mais faut avouer que c'est original. Enfin, j'espère que c'est plus original que stupide. Bref.
C'est donc chargée à bloc que je suis rentrée dans la voiture, prête à discuter tout le trajet sans m'arrêter pour respirer.
Puis j'ai reçu un SMS de Harper. Et de Nancy. Et de Ava. Quinze de Ava, en fait.
Il est donc possiblement possible que mon attention se soit portée majoritairement vers mon téléphone et pas vers ma mère. Après ce n'est pas la première fois non plus, elle a l'habitude. Je suis aisément distraite et si elle veut entamer une conversation, elle sait très bien que je poserais mon portable tout de suite.
Prise dans un récit captivant - Harper s'est trouvée une copine, j'en reviens pas - je ne remarque que beaucoup trop tard l'état dans lequel est ma mère. Et quand je dis trop tard s'est "on a déjà commencé à déraper" trop tard. Prise de panique, je crie soudainement :
- MAMAN !
Et un coup de volant plus un écrasage des pédales plus tard, nous achevons notre glissade de façon bienheureuse. Sauf que... j'ai eu le malheur de toucher le tableau de bord entre temps.
Hop, c'est une session gratuite de la vie de la voiture qui se déroule sous mes yeux. En fait, je ne suis pas 100% sûre que ce soit ça, puisque je n'ai que vaguement l'impression de voir l'intérieur d'un concessionnaire pendant une fraction de secondes, mais ça me semble logique.
A peine remise de la vision, je prends direct des nouvelles de M'man. - Ça va ? Qu'est ce qu'il s'est passé ?
Mon main touche son bras pour m'assurer qu'elle va bien et... mauvaise idée. Je suis immédiatement assaillie par une nouvelle flopée de visions si rapide que je ne comprends le sens d'aucune d'entre elles.
Passablement agacée et surtout très nerveuse, je ne peux pas m'empêcher de lâcher un :
15 février 2025, début de soirée, à proximité de l'Institut Xavier
La fatigue peut être impressionnante et engloutissante mais µLynda ne s’était pas rendue vraiment compte de son état. Elle se savait fatiguée et cela depuis des semaines. Charles lui avait même fait la remarque comme quoi elle travaillait beaucoup mais elle ne pouvait pas se permettre de faiblir. Pas avec les pouvoirs de Jessy qui venaient de se déclarer, ni même avec le travail qui lui prenait beaucoup de temps et même avec la route qu’elle faisait pour se rendre à l’institut.
Des paupières un peu trop lourdes et un bâillement qui passe inaperçu mais qui a le mérite d’être là et voilà que bientôt la voiture roule sur le bas-côté. Lynda, heureusement, se reprend rapidement et conserve le contrôle de la voiture malgré les dérapages pour éviter les tonneaux ou même de se mettre dans le fossé. Enfin la voiture s’immobilise en plein milieu de la route et Lynda grade ses mains sur le volant plusieurs secondes tout en tentant de retrouver son souffle avant de sentir la main de Jessy sur son bras. Ce contact fait réagir autant la même que la fille surtout lorsque Lynda voir la lueur dans les mains de sa fille.
« Jessy… ça va ma puce ? Tu n’es pas blessée ? »
Inquiète pour sa fille bien plus que pour sa propre vie, Lynda se tourne vers elle mais ne la touche pas, avec la peur et l’adrénaline, les pouvoirs sont actifs et le moindre contact aura alors un effet immédiat, chose que Lynda voulait éviter pour sa fille qui ne maitrisait pas encore tout.
« Oui, c’est fini, la voiture ne bouge plus et maintenant je suis bien réveillée… Je suis terriblement désolée Jessy… Je ne voulais pas m’endormir… J’n’ai pas senti la somnolence arriver… »
Sans s’en rendre vraiment compte Lynda tremblait comme une feuille. Elle avait eu peur pour elle mais aussi et surtout pour sa fille qu’elle avait mise en danger en conduisant alors qu’elle était épuisée. Mais avec l’adrénaline et le regain d’énergie, elle n’était pas prête de dormir. Sa main se remet presque naturellement sur la clef de la voiture pour la redémarrer. Et je regarde à nouveau ma fille pour savoir si elle va bien :
« On est presque arrivées, il nous reste un ou deux kilomètres… t’es sûre que ça va ? »
Puis après s’être assurée du bien-être de sa fille, la médecin reprends la route en se focalisant sur l’objectif d’arriver, surtout qu’elles sont bientôt arrivées.
Maman me demande comment je vais et si je suis blessée - physiquement, je suis maintenant composée à 75% d'adrénaline et mentalement, c'est un mélange chaotique entre peur, agacement et surprise.
- Non non, j'ai rien, t'inquiètes.
La suite me surprend initialement, avant qu'une puissante envie de me facepalm arrive. C'est ma faute, je l'ai laissée seule dans son jus, alors qu'elle travaille d'arrache-pied et elle s'est endormie. Jessy, je sais que tu le sais déjà, mais tu es une idiote finie.
- Non mais le "c'est fini" était pas pour toi M'man, je euh... je parlais à mes mains.
L'éloquence, tout ça...
- Désolé, j'aurais pas dû rester sur mon portable. J'avais pas vu que tu tombais de fatigue mais j'aurais dû m'en douter.
Je cale un instant ma tête contre son épaule, autant pour demander pardon que pour la soutenir dans cet instant qui doit être plutôt éprouvant. Une fois que mon encéphale étrangement léger rejoint l'appui-tête, je me rends immédiatement compte qu'il me manque quelque chose de vital. Non, pas ma dignité, ça j'en ai fait le deuil depuis longtemps.
Mon portable. Je cherche frénétiquement ce dernier, alors que ma mère me redemande si ça va.
- T'inquiètes pas pour moi M'man, j'ai surtout été surprise. J'ai paumé mon portable par contre. AH NON !
Pour une fois dans ma vie, j'ai eu de la chance et ce petit coquin a décidé de faire une chute dans le vide-poche à ma droite, ce qui lui a évité toute blessure de guerre. J'appuie rapidement sur le bouton de démarrage pour allumer la lumière et l'écran s'illumine, montrant au passage qu'il a su conserver son intégrité.
- Il est sain et sauf, c'est l'essentiel.
J'adresse un sourire complice à M'man alors que nous repartons en direction de l'institut. Je passe les deux kilomètres restants à commenter absolument tout ce que je peux voir, histoire de remplir mon rôle de copilote.
Puis, nous arrivons enfin. Devant nous se trouvent les grilles de l'institut et surtout, le manoir qui va avec.
- Wow, mais c'est gigantesque !
Je me tourne en direction de ma mère, en gigotant mes doigts.
Accueil
