17 heures et 4 minutes. Je marquai un temps d’arrêt au déverrouillage de mon portable, me demandant vaguement si je n’avais pas raté l’heure. Je n’avais pourtant encore aucun nouveau message pour me rappeler à l’ordre, ce qui voulait dire… que j’ai peut-être en retard que de quatre minutes ? « Merde. » C’était une blague. J’étais incapable d’être à l’heure à mes rendez-vous. Mais là, c’était encore pire. Tu crains, Peter. J’étais en train de faire attendre une femme enceinte !
J’attrapai ma veste à toute vitesse. J’avais déjà bien fait un kilomètre quand je réalisais que j’avais probablement oublié de fermer la porte. Le détour ne me prendrait pas plus d’une seconde de toute façon, je pouvais bien me le permettre. En retard, pour en retard… J’en profitais pour finir le café que j’avais oublié sur la table basse du salon, avant de filer de nouveau comme le vent.
J’étais attendu dans la partie basse de Manhattan, où les enseignes avaient tendance à se faire concurrence pour proposer les menus les plus gourmands que je connaissais. En toute logique, je devrais trouver Raven exactement… ici. Je freinai net devant elle, alors qu’elle était occupée à pianoter sur son portable. J’espérais secrètement que ce n’était pas pour m’écrire et me reprocher mon manque de ponctualité. « Salut Raven ! » M’exclamai-je, avec un enthousiasme réel, mais un peu crispé. « J’espère que tu m’attends pas depuis trop longtemps… » Je relevai mes lunettes pour les plaquer dans ma chevelure argentée, lui offrant un large sourire… qui s’effaça aussitôt en sentant le feu sous mes semelles. « Merde, encore bousillées. » Il fallait dire que j’avais mis le turbo pour rattraper le temps perdu. J’haussai les épaules, sans m’en formaliser, enfonçant mes mains dans les poches de ma veste en cuir. « Alors, tu veux commencer par quoi ? Sucré, salé ? Ou alors… un peu de shopping ? » C’était elle, la reine, aujourd’hui. Moi, j’étais l’humble serviteur mis à sa disposition pour tenir les paquets ou… faire en sorte qu’elle ne se sente pas tout seule à manger comme trois. Ca, je savais faire.
Dix sept heures était passé de plusieurs minutes alors que je craquais et que je sortais mon téléphone de ma poche pour rédiger le même message que d’habitude à destination de Peter. Pas de « Où es-tu ? » ni de « Tu es encore en retard ! » mais un simple : « Je t’attends. » Qui était peut-être pire que le reste, car cela sous-entendait que je patientais. Et … Beaucoup savait qu’il ne fallait pas trop me faire patienter. Surtout ces derniers jours où j’avais tendance à être d’une humeur un peu … dirons nous … Massacrante. Sans doute une question d’hormones. Mais justement pour palier à cela nous avions convenu de passer quelques heures ensemble en dehors de l’Institut, des entrainements X-Men et des missions. D’autant plus que j’avais quelque chose à t’annoncer. Mais je n’allais pas attaquer directement sur le sujet. Même si tu étais du genre rapide je me doutais que tu serais un peu lent à la détente pour comprendre ce que j’allais t’annoncer.
Nous verrons cela plus tard. J’appuyais sur envoyer que tu faisais ton apparition dans un léger courant d’air dont j’avais désormais pris l’habitude. Sans montrer d’énervement particulier, ni même de surprise, je relevais le visage vers toi en plissant les yeux.
Amusée, je tendis le doigt pour venir tapoter ton nez comme pour gronder un enfant qui ferait une bêtise. Mes yeux se baissent sur tes chaussures alors que je lève les yeux au ciel dans un petit rire amusé alors que tu constates l’état de tes chaussures.
- Aie aie aie ! C’est terrible d’avoir cette faculté et d’être toujours en retard … Mais bonjour tout de même !
Je t’adresse un petit clin d’œil alors que je fourre par la suite les mains dans mes poches, en haussant les épaules alors que je jette un regard autour de nous.
- Tu sais que les chaussures que tu portes pour les entrainements je peux demander à ce que tu en ais des paires pour chez toi aussi Peter.
Je pivotais sur moi-même pour t’indiquer un petit vendeur ambulant de rue qui proposait des hotdogs et des brochettes de viande.
- On commence par le salé ? J’ai super faim. Et je sais que cela ne te dérangera pas même si ce n’est pas l’heure académique. Mais pour aujourd’hui nous serons anglais et nous mangerons un peu plus tôt.
Une de mes mains sort de ma poche et je viens crocheter ton bras pour commencer à marcher en direction du vendeur, l’odeur me mettant déjà l’eau à la bouche.
- Tu vas bien ?
Demandais-je alors que nous avancions tranquillement.
belle âme
Undisclosed
desires
"Have you ever looked at a tiger and thought you ought to cover it up? You are an exquisite creature, Raven. All your life the world has tried to tame you. It’s time for you to be free."
J’entendis mon portable vibrer dans ma poche, maintenant que j’étais face à Raven. Je le sortis rapidement de ma poche pour en consulter le message… et grimaçai un peu ensuite. Raté, j’étais officiellement en retard. Raven avait eu le temps de s’impatienter et de me le faire comprendre. « Désolé ! » La mutante soulignait bien le cœur du problème. J’étais toujours à l’arrache. C’était toujours ceux qui prenaient le moins de temps à venir qui étaient les moins ponctuels pour les sorties.
Heureusement, elle me pardonna vite mon manque de ponctualité. Je lui adressai un mince sourire en réponse à son clin d’œil, avant qu’elle ne s’inquiète de l’état de mes chaussures. J’avais effectivement mis le turbo pour compenser mon retard… « Les chaussures que je porte pour l’entraînement ne sont pas des Nike dernier cri surtout. » Et ça changeait tout ! Même si c’était peut-être bien criminel de les maltraiter de la sorte… Je devais changer de paires si régulièrement que personne n’aurait pu se permettre un pareil budget. Heureusement pour moi, je ne les payais jamais.
Je relevai la tête quand elle me désigna un stand de nourriture provisoire, directement depuis la rue. Je m’attendais à ce que Raven ait des goûts de luxe, mais visiblement, elle pouvait se contenter de petits plaisirs simples. « Tout me va. T’as frappé à la bonne porte si tu veux quelqu’un capable de suivre ton rythme. » Je lui offris un sourire en coin. Salé ou sucré, peu importait. Et l’heure encore moins… J’avais tout le temps faim comme trois, comme elle actuellement.
Je me retins au dernier moment de disparaître pour apparaître devant le stand, en la plantant sur place. Sa main posée sur mon bras était comme une demande muette de ralentir le rythme, maintenant que nous étions ensemble. Je me forçai à avancer au sien, sans me précipiter pour une fois.
La question qu’elle me posa en chemin avait tout de simple, et pourtant, j’avais mille choses en tête à lui répondre en retour. « Ça va, oui. C’est calme, en ce moment. Et toi ? » Pas sûr que ça le reste, en vérité. « On a prévu de partir à Paris avec Jean. » C’était trop bizarre, dit comme ça. « Entre amis. » Précisai-je, avant qu’elle commence à s’imaginer quoi que ce soit. « Et… j’ai dit à Charles, pour mon père. » Ça, c’était important qu’elle le sache. On s’arrêta face au stand du commerçant. Je passai à un autre sujet tout aussi crucial : « Hotdog ou brochettes de viande ? »
Un petit soupire d’exaspération et d’amusement s’échappa de ma bouche quand tu évoquas la fameuse marque qui semblait ravir ton cœur depuis tant d’année.
- Qui aurait cru que tu étais aussi attaché à la mode mon petit Peter ?
Dis-je pour te taquiner tout en te donnant un petit coup de coude, très léger, pendant que nous marchions tranquillement en direction du stand.
Tu avais l’art et la manière de me balancer des nouvelles importantes entre ta liste de courses et une conversation shopping. Un regard intrigué se posa sur toi à l’évocation de Paris, couplé avec le mot Jean. Et cette nécessaire précision « Entre amis ». Il était fort courant que deux amis s’envolent dans une des villes les plus romantiques du monde en toute amitié bien sûr. Par contre je ne l’avais pas vu venir. Mais peut-être était-ce la bonne solution pour que ma rouquine préférée se changent les idées et passe à autre chose que sa phase Scott. Pourtant j’y avais cru avec son petit crush pour Lucy l’automne dernier mais elle était jeune. Si elle ne pouvait pas enchainer les conquêtes à son âge ce n’était pas dans 30 ans qu’elle le ferait. Enfin elle pourrait évidemment, mais avec l’âge ce n’était pas pareil.
- Paris donc … Très bon choix. Ville des Lumières, Ville de mode, Ville de l’amour ….
Ajoutais-je en laissant trainer ma voix volontairement avant de pivoter très légèrement vers toi avec un petit sourire mutin au visage. Alors que ce fameux sourire disparu à l’évocation de ton père. Mes sourcils se froncèrent. Je le savais depuis longtemps mais j’avais estimé que ce n’était pas à moi de le dire, ni à Charles, ni à Erik. Peter avait le droit de choisir son moment.
Je déglutis légérement en passant ma main dans mes cheveux pour cacher un peu mon malaise face à cette révélation. J’hochais la tête lentement et positivement prenant la nouvelle en compte.
- C’est bien … Comment mon frère a réagi ? Tu as … vécu cela comment ?
Pinçant mes lèvres, je jetais un coup d’œil aux photos des deux propositions en optant au final pour :
- Deux brochettes de viande s’il vous plait. Et toi ? Tu prends quoi ?
Passant la main dans mes cheveux, je tournais la tête vers toi avec un petit sourire alors que je venais de passer ma commande, le vendeur attendant la tienne avec un grand sourire.
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« J’étais même avant-gardiste ! Enfin… dans les années quatre-vingt, maintenant je crois que les jeunes disent has been. » J’eus une grimace à moitié amusé. Ça faisait déjà quelques années que je n’étais plus à la page en matière de mode, là où j’avais autrefois toujours un coup d’avance. Plutôt que de tenter de rattraper mon époque, j’en faisais une force. Ma veste en cuir restait indémodable. Par contre, pour les baskets, j’avais bien vite repris mes sales habitudes. J’en avais une collection indécente au sous-sol, subtilisées à droite et à gauche au gré de mes envies.
Je sautai du coq à l’âne quand Raven me demanda des nouvelles, comme j’avais souvent l’habitude de le faire. Elle me rendit un regard dubitatif, sans que je sache vraiment à quoi elle réagissait. C’était bien le problème quand on balançait des informations à la volée sans laisser à l’autre l’occasion d’en placer une. « Quoi ? » Je retins difficilement le sourire amusé qui me vint quand je compris sur quoi elle avait tilté. Jean, évidemment. C’était à moi de lui décocher cette fois un léger coup de coude, alors qu’elle soulignait bien le côté romantique de Paris. « Ils doivent avoir de superbes collections de baskets là-bas. » Je me doutais bien que je ne m’en sortirais pas avec elle en détournant simplement le sujet. « C’est elle qui a proposé, je savais pas trop quoi en penser non plus. C’est vraiment fini avec Scott ? Je m’étais dit qu’elle aurait songé à lui en premier, en fait. » Mais ça avait toujours été bizarre entre eux deux, comme une histoire qui n’était jamais vraiment terminée. Jean était mon amie. Je n’avais pas non plus envie de me faire de fausses idées la concernant. Mais aborder le sujet directement ? Trop gênant. Parmi les X-men, je n’étais clairement pas un exemple de courage. Je préférais quand les choses étaient simplement cool.
Mais Raven retrouva rapidement son sérieux à l’évocation de mon père. Je ne pensais pas que mettre ce sujet sur la table pouvait lui faire perdre aussitôt son sourire. J’avais peut-être gâché un bon moment entre amis, mais elle était la première personne avec qui j’avais osé me confier alors… ça me paraissait naturel de lui en parler sans attendre. « Ton frère ? Et bien… » Je retins un nouveau sourire, en me rappelant sa réaction première. « Je crois qu’il a bugué. Ça valait le détour pour le voir pris de court. Ensuite il m’a proposé de m’aider à le retrouver, même si Charles m’a bien fait comprendre que ce n’était peut-être pas le bon moment pour lui en parler. » Je ne savais pas vraiment pourquoi il m’avait dit ça. Il n’avait pas été plus explicite. « Je lui ai dit que ça ne serait sans doute jamais le bon. Et il a interrogé mes raisons profondes mais… » C’était tellement difficile pour moi de démêlés tout ce que je pouvais ressentir. Bien souvent, je préférais ranger cette boule compacte de sentiments entremêlés bien au fond de ma petite cervelle pour simplement y repenser plus tard. Mais je n’avais que trop retardé ce moment, alors que je n’arrêtais pas de boucler sur la question. « Je sais pas, Raven. Je dois le faire. J’ai aucune idée de comment il réagira, mais je ne peux plus garder ça pour moi. » Peut-être que je cherchais juste à me libérer de ce sentiment, sans rien rechercher d’autres. « Tu crois que c’est une mauvaise raison ? »
J’en avais presque oublié le vendeur face à nous. « Hot-dog pour moi ! »
L’histoire entre Scott et Jean était en effet loin d’être de tout repos, je pensais pourtant qu’ils étaient mutuellement passé à autre chose mais visiblement j’avais tort. A moins que Jean soit passé à Peter… Ce qui m’étonnait aussi de la jeune femme… Mais après tout elle faisait bien ce qu’elle voulait de son cœur et de son corps, je ne pouvais pas la juger.
- Une belle collection de basket… Mais oui bien sur … Paris est une ville magnifique quand on n’y vit pas je dirais. Mais ce n’est pas la capitale de la basket. Sais-tu où vous allez loger ? En tout cas si vous avez besoin de conseils j’y ai vécu quelques temps … Je me ferai un plaisir de vous conseiller les meilleurs endroits.
Mes épaules se haussèrent alors que je laissais mon esprit divaguer un moment vers mes souvenirs de mes différentes épopées parisiennes au fil des années… Ah … Paris ! Mais bien vite je reprends pieds dans la réalité. Il le faut. Je ne suis pas là pour rêvasser. Je sais bien que Peter, toi, tu ne te confies pas si facilement que cela et je suis touchée de faire partie des personnes de ton entourage a qui tu fais confiance.
- Je comprends …. Il n’y a jamais de bons moments pour annoncer ce genre de choses. Mais c’est une annonce qui t’appartient. Sache que je n’ai rien ne dit ni à Charles, ni à Erik. Ce n’était pas mon droit de le faire …
Une main furtive se posa sur mon ventre que je vins caresser avec un petit sourire alors que je remerciais puis payais le vendeur pour nos deux commandes, brochettes de viandes et hotdog. L’avantage de la street food c’était sa rapidité. Brochettes en main je t’indiquais un petit parc à une centaine de mètres dans lequel nous trouverions rapidement un banc sur lequel nous assoir.
Un moment je restais silencieuse, puis alors que je pris une profonde inspiration, je pivotais vers toi, une jambe sous les fesses malgré mon gros ventre imposant, désormais assise.
- Peter. Je … Je dois te dire quelque chose moi aussi. Il se trouve que .. Tu …sais que je suis enceinte.
Pertinence Raven ? Zéro. Mais c’était une bonne approche pour en venir au fait.
- J’attends des jumeaux.
Bravo Raven. Tout le monde le sait. En revanche ce que tout le monde ne savait pas c’était …
- Erik est le père. Je … Tu.... vas ... être grand-frère.
BOUM. Si tu manges ton hot-dog t’étouffes-tu ?
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