La réponse immédiate du sorcier, et surtout la vision qu'il avait du professeur, lui fit froncer les sourcils. Pourquoi aurait-on peur de lui ? Il n'avait toujours agi que pour le plus grand bien, pour la protection du monde, il prônait depuis toujours la paix entre humains et mutants, il n'utilisait jamais ses pouvoirs abusivement et encore moins pour nuire. Peu osaient lui tenir tête, en effet, mais ce n'était pas par peur, plutôt par respect. Quant à ceux qui le faisaient, ils savaient le faire intelligemment, contrairement à Strange.
Le cas Magneto était bien plus complexe. Durant plusieurs années, Charles avait été satisfait de le savoir en prison, convaincu à l'époque qu'Erik avait vrillé et dépassé les bornes en tentant de tuer le président des États-Unis. Mais il avait appris par la suite qu'à l'inverse, le mutant avait tenté de sauver Kennedy car il était l'un des leurs. Erik avait des méthodes discutables et des actions parfois extrémistes, mais il avait toujours su s'arrêter à temps, avant d'être un réel danger pour le monde. Charles et Raven l'y avaient aidé, et l'y aideraient encore au besoin. Ils étaient parfaitement capables de le gérer.
« Vous parlez sans savoir. »
Mais prendre la peine d'expliquer les choses semblait ne servir à rien, tant le sorcier restait bloqué sur sa vision biaisée du télépathe. Charles se demandait d'ailleurs pourquoi il était autant sur la défensive avec lui, pourquoi il le jugeait si mal, alors qu'il le connaissait à peine. Qu'il puisse penser que le professeur n'était pas altruiste prouvait bien à quel point il le connaissait mal.
Certes, Charles n'était pas venu voir Strange alors que ce dernier lui avait fait passer le message qu'il souhaitait s'entretenir avec lui. Ce n'était pas par mauvaise volonté, il avait simplement eu d'autres choses à gérer. Notamment son école de mutants qui lui prenait un temps fou, surtout lorsqu'il fallait s'occuper de résoudre les divers problèmes des nombreux pensionnaires, qu'ils soient élèves ou adultes. Les X-Men n'avaient jamais été son ambition première, il avait surtout relancé le projet pour sa sœur. Le fait que le sorcier parle de « ses » X-Men démontrait une fois de plus qu'il ne connaissait que très peu leur situation.
« Nous discuterons lorsque vous serez calmé. Actuellement votre colère vous empêche de raisonner correctement. Rien de bon ou de constructif ne pourra sortir de cette conversation. »
Charles prenait sur lui pour rester calme, même si son ton était froid et sec. Faire montre d'énervement ne servirait à rien. Un homme en colère était déjà largement suffisant, d'autant plus que le télépathe ne saisissait toujours pas précisément les raisons de cette colère, ni pourquoi le sorcier suprême prenait tant à cœur cette histoire de X-Men qui ne le concernait guère.
Devrais-je attendre que le grand Professeur m’inculque son savoir ? M’éduque comme Il le fait des mutants privilégiés qu’Il accepte dans Son Institution éponyme ? Non. Je suis assez grand et intelligent pour me faire mon propre avis. Fut-il négatif. Savoir que Magneto a assassiné le président Kennedy, rasé le Caire et failli exterminer l’Humanité me suffit pour juger qu’il est une menace. Peut-être ne l’est-il pas pour les mutants, même si je pense que sa méthode de 83 aurait fait autant de mal aux mutants qu’aux humains, mais je sais dans quel camp je me trouverais si l’on en vient au conflit raciste entre l’Homo Sapiens et l’autoproclamé Homo Superior. C’est la méthode de Magneto, après tout. Quant à la Cohabitation Pacifique de Charles Xavier… elle n’implique en rien l’absence de supériorité du mutant sur l’humain ou le fait que le mutant puisse être la prochaine étape de l’évolution et donc mener l’humain à son extinction, non ? Elle implique juste de tranquilliser les humains pour qu’ils ne persécutent pas les mutants et acceptent leur disparition ?
« Nous discuterons lorsque vous serez calmé, déclare-t-il avec une hypocrisie qui m’arrache un ricanement car je ne l’imagine pas faire cet effort ; pas plus qu’il ne l’a fait auparavant. Actuellement votre colère vous empêche de raisonner correctement. Rien de bon ou de constructif ne pourra sortir de cette conversation. »
La peau de mon nez se plisse vers le haut tandis que les coins extérieurs de mes lèvres s’abaissent et que ma lèvre inférieure se retrousse. Il me dégoute. J’ai déjà donné ma conclusion cependant : je vais voir ses supérieurs. Rien de bon ou de constructif ne pourra sortir de cette conversation et il ne s’agit pas qu’une question de colère. Il s’agit également d’une question d’indifférence. D’inaction.
« Je vous laisse faire le premier pas, dis-je avec de m’interrompre et de me dégouté moi-même en réalisant que l’attaque ne se porte pas là où je le voulais ; tant pis. En attendant, je vais voir avec vos maitres afin que vos X-Men servent à quelque chose. »
Dos tourné à l’un des hommes les plus dangereux et puissants de la planète, j’entreprends d’ouvrir un portail de téléportation à destination de Nick Fury. L’homme qui a fondé les Avengers. J’espère qu’il était présent avec Xavier aux négociations pour recréer les X-Men car l’absence de Darkhölme lors de celle-ci prouve juste le foutage de gueule quant à sa position de cheffe.
« Afin que votre sœur ne soit pas qu’une mascotte. »
Je me demande combien de fois Xavier a sauvé la vie de sa sœur, de sa compagne ou de sa belle-fille. Je me demande si cela compense le fait qu’il ait détruit la vie de Jean Grey comme ce qui est arrivé à la gamine après qu’elle soit revenue à l’Institut. Je me demande combien d’autres personnes il a modifié ainsi. Je me demande s’il n’a pas modifié mon propre esprit pour que je peine autant à le protéger. Je me demande beaucoup de choses et je n’en demande aucune.
J’ouvre le portail et je quitte l’Institut sans être certain que j’y ai changé quoi que ce soit. La colère est un bon moteur pour faire bouger les choses, même s’il faut réussir à la contrôler. Je ne suis pas doué pour le second point mais j’espère que cela amènera tout de même le premier. Sachant que j’ai bien l’intention d’en discuter à qui de droit.
Charles devait vraiment faire de grands efforts pour conserver son calme. Heureusement qu'il avait appris depuis longtemps à contrôler ses émotions, car le sorcier les mettait fortement à mal. Son ricanement méprisant le crispa, sa réponse hautaine l'agaça au plus haut point. Cela n'avait rien à voir avec la forme puisqu'il ne lui vint pas même à l'esprit, et heureusement pour ses nerfs d'ailleurs, que ce pouvait être un coup bas vis-à-vis de son handicap, mais c'était le fond qui était révoltant. Ainsi ce serait à lui de faire le premier pas ? De renouer contact avec un homme qui s'était introduit chez lui contre son gré pour l'insulter et menacer ses proches ? Certainement pas !
Et le sorcier continuait de l'attaquer verbalement, le traitant, au choix de l'interprétation, d'enfant, d'esclave ou de chien. Dans les trois cas, c'était on ne peut plus offensant, parfaitement gratuit, mesquin et injustifié. Mais pour qui se prenait-il, pour oser ainsi lui donner de fausses leçons et lui porter outrage dans sa propre demeure ? Mieux valait ne pas répondre. Charles ne s'abaisserait pas à son niveau. Il n'y voyait aucun intérêt autre que de faire sortir la colère qui grondait en lui. Mais lorsque le sorcier osa, en guise de dernier coup bas, dénigrer sa sœur, le télépathe pointa un index accusateur sur celui qui lui tournait lâchement le dos et s'exclama :
« Ne vous avisez plus jamais de manquer de respect à ma sœur, Strange ! »
Mais le portail de téléportation se refermait déjà sur le maudit indésirable, et Charles n'était pas certain que son avertissement avait été entendu. Il se retrouva seul avec une forte colère qui avait besoin de s'exprimer. Il regrettait, en cet instant, de ne pas avoir de jambes valides pour aller courir à en perdre haleine ou frapper dans quelque chose. Il regrettait également de ne pas être fumeur, car il aurait alors pu user d'un calmant chimique. Au lieu de cela, il s'en alla dans le parc prendre un peu d'air frais, avant de remonter dans sa chambre pour retrouver sa chère compagne. Alors qu'elle venait aux nouvelles, il répondit avec une animosité et une vulgarité peu communes chez lui :
« Tu avais raison. C'est un connard. »
Mais il n'avait aucune envie de développer sur le sujet. Strange avait suffisamment gâché sa soirée, à présent Charles n'aspirait qu'à ranger cette déplaisante visite dans un coin de son esprit et profiter de la présence de Lynda pour ne pas garder de cette nuit qu'un souvenir négatif.
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