J’ai grandement hésité au visage à prendre, voire corps à prendre, pour venir vous voir, mesdemoiselles. Qui serait le plus à même de vous aider ? Le Roi d’Ombre ? Anansi ? Je ne suis pas certain que vous soyez réceptives aux conseils d’une entité se présentant comme composée de votre ombre ; d’autant plus que vous avez sculpté votre esprit et votre âme par la magie démoniaque. Qui sait si vous avez encore les compositions humaines de celles-ci ? Peut-être en tenez-vous plus d’une infernale, à présent. Même si, psychologiquement, vous restez humaines. Je ne suis pas certain que vous soyez réceptives au dieu-araignée des histoires, également. La vôtre, d’histoire, est une tragédie qu’il vaut peut-être mieux ne pas vous conter. Vous la connaissez bien mieux que moi, de toute manière. Chaque petite fleur de bonheur que vous cultivez finie par être violemment arrachée par le Destin. Vos parents, abattus durant la guerre civile sokovienne. Votre frère et vous qui prenez les armes, qui acceptez l’Hydra dans vos corps pour pouvoir devenir plus fort. La Pierre de l’Esprit libère vos potentiels latents. Les pouvoirs de votre frère sont physiques, les vôtres magiques ; seuls les traumas infligés à vos esprits sont mentaux. Mutants artificiels ou naturels, quelle importance au final ? Vous voilà prêts à vous venger et la seule personne à en mourir est votre frère. Ultron ne compte pas, ce n’est pas une personne lorsqu’on y pense. A vos côtés, Vision devient une personne. Puis vous le tuez. Vous le sacrifiez pour le bien de l’Univers. Thanos le ramène pour le reprendre, lui retirant ce qui vous a donné vie à l’un comme à l’autre. Vous disparaissez. Vous réapparaissez. Vous tentez de vous venger mais le Thanos alternatif ne vous connait même pas ; il n’est pas celui qui vous a pris le peu qu’il vous restait, vous incluse. Ce que vous faites ne rime à rien. Vos pouvoirs vous trahissent. Ils sont trop grands pour vous. Charles se pense, comme toujours, capable de tout résoudre. Comme avec sa pupille, qu’il se refuse à appeler sa fille d’ailleurs, il vous charcute psychologiquement plus qu’il ne vous aide. Mon ami, c’est cela de toujours vouloir se parer de l’éthique et de la morale : lorsqu’on finit invariablement par les transgresser, notre hypocrisie s’accompagne d’incompétence. Pas que le sculptage d’esprit que l’on peut pratiquer avec la télépathie soit simple mais, comme pour tout, il vaut mieux s’y entrainer. Nonobstant mon seul rival en ce monde, voilà que l’Ombre prend conscience et forme. La Sorcière Sombre. N’était-ce pas là l’incarnation de la tragédie de votre existence, Wanda ? Celle qui a saboté ce que vous aviez de plus cher jusqu’à ce que vous vous retrouviez à infliger aux autres ce que vous vous voyez infliger. Toute souillée que soit votre âme, l’explorer est un voyage aussi fascinant qu’à chaque rencontre.
Votre passé m’a fait m’égarer de notre fragment d’avenir commun. Ni le Roi d’Ombre, ni le dieu des Histoires. Qui alors ? Le Diable aux Yeux Jaunes ? Certainement pas. Je ne suis pas là pour vous effrayer. S’il n’y a pas d’affrontement, il n’apparaitra pas. Je pourrais influencer quelques pensées de ces gardes qui sont terrifiés de vous et de vos pouvoirs, comme vous l’avez vous-même fait par le passé. Comme vous pouvez le faire à loisir, puisque tous ici comme dans les hauts échelons du SHIELD reconnaissent votre divinité. Ils n’ont pas le pouvoir de vous imposer, seulement l’occasion de vous implorer. Ils l’ont fait, avec leurs grands airs de directeur du SHIELD. Ils l’ont fait avec la force donnée par leur égo et leur déni. Même moi, dont l’Ego est à la proportion du Pouvoir, j’aurais préféré éviter de vous croiser. Eviter de vous dévoiler mon existence. Cependant, je vais le faire. Je vais vous approcher, alors que vous êtes l’une des deux personnes sur cette Terre qui puisse me blesser. Je vais vous faire confiance, avec le secret de mon identité.
Vous me semblez en valoir la peine, toutes les deux.
Vous êtes au-delà du Roi d’Ombre et une fausse divinité païenne ne saurait mériter votre audience. C’est donc en tant que moi-même, avec l’apparence d’un égyptien de taille et de poids moyen vêtu d’un trois pièces gris à chemise rayée et lunettes d’un émeraude proche de celui de ma cravate, que je me présente à vous. Evidemment, je reste dans les strates du Plan Astral que les mortels ne sauraient voir mais cela ne vous dérangera pas, je l’espère. La dimension est pour nous un terrain neutre, afin de discuter entre formes astrales et ne pas avoir à envahir l’esprit de qui que ce soit, et j’espère que ma politesse est effectivement perçue. Je ne vais pas m’inviter dans vos pensées, pas sans autorisation ou nécessité évidemment.
« Mesdemoiselles Maximoff, laisse-je raisonner autour de nous, dans cette quatrième dimension qui nous appartient, afin d’attirer vos attentions. Pardonnez-moi de me présenter ainsi. »
Avec déférence, je saisis les deux branches de mes lunettes des deux mains afin de m’en ôter. Ainsi je vous dévoile mes yeux marrons, bien moins sombres que les verres abyssaux de mes lunettes ou le noir de mes cheveux et de ma moustache. Après avoir replié les branches de mes lunettes, je glisse celles-ci dans la poche pectorale de ma veste puis glisse mes mains le long de cette dernière, jusqu’aux poches avant de mon pantalon.
« Je me nomme Amahl Farouk, reprends-je avec douceur et respect. Je souhaiterai vous parler, toutes les deux. »
Combien de fois ai-je prononcer ce nom, mon nom, au cours des soixante dernières années ? Je crains fort qu’elles ne se comptent sur les doigts d’une main. Voire sur un seul d’entre eux. Nonobstant ces états de fait et d’âme, je suis alerte à défaut d’être tendu.
08 Novembre 2024 – Cellule de Wanda & Willow Maximoff
Alors que le soldat au bras de métal repartait de la cellule après une conversation qui ne fut agréable pour personne, les sorcières le regardaient en songeant qu’une chose venait de se briser. L’harmonie n’était pas présente, rien n’était plus comme avant, certes, mais, les faits étaient là et l’action de Bucky venait de faire mal. Wanda contenait tant bien que mal sa peine, elle avait dû répondre à Bucky, lui disant qu’elle comprenait son choix, qu’elle acceptait qu’ils se séparent mais la réalité était qu’elle n’avait pas imaginé qu’il puisse la délaisser ou lui tourner le dos… Il disait rester présent pour elles deux mais pourraient-ils vraiment être amis ? Peut-être… ou peut-être pas. Seul l’avenir répondrait à cette question. Pour l’heure, Wanda faisait bonne figure et c’était Willow qui laisser couler une larme pour la peine ressentie de son alter-ego. Si Wanda ne s’autorisait pas à pleurer, Willow le ferait pour elle. Sa main psionique vient se glisser dans celle de son alter-ego en même temps qu’elle disparaissait pour réintégrer leur corps.
* Je suis là Wanda, je serais toujours là pour toi. * * Merci Willow. *
09 Novembre 2024 – Cellule de Wanda & Willow Maximoff
Parce qu’il faut parfois vivre les évènements pour se rendre compte de l’impact de nos choix sur notre vie, il faut également vivre les conséquences des actes d’une autre personne pour comprendre comment l’on a pu en arriver ici, à cet endroit. La solitude était autrefois un trait de caractère qui aurait pu être donné pour la sorcière mais maintenant qu’elles étaient deux dans un seul corps, est-ce que ce mot avait encore un sens pour elles. Être deux, pouvoir se parler mais pourtant se sentir incroyablement seules dans cet endroit. La peur de l’abandon était un sentiment qui obsédé l’un comme l’autre ainsi qu’une peur viscérale ressentie par les deux sorcières au point qu’elles n’arrivaient pas à s’entendre. L’une pourrait s’enfoncer dans la dépression pour tenter de trouver un refuge dans des souvenirs passés qui tourneraient en boucle dans son esprit quand l’autre pourrait se tourner vers la folie est les décisions irrationnelles et impulsives pour ne plus avoir à ressentir cette peur.
Et le Raft, comme toute prison, n’épargne personne quant à ses relations quelque qu’elles soient. C’est ainsi que Willow s’était retrouvée dans le plan Astral, en train de zoner dans la prison en quête d’un peu de refuge pour elle mais surtout d’une séparation éphémère avec son alter-ego. Les émotions ressenties par Wanda étaient telles que pour ne pas sombrer avec la sorcière rouge, l’ancienne sorcière sombra avait pris la fuite. Quant à Wanda, seule dans sa cellule, véritablement seule, elle se laissait aller à des pensées sombres qui finalement ne l’enfonçaient plus que cela ne l’aidaient. Mais elle senti en même temps que son alter-ego une étrange présence, une ombre qui semblait planait non loin d’elles mais qu’elles ne parvenaient pas à définir ni même à décrire.
Willow reprit le chemin de la cellule alors que Wanda gardait son regard impassible dans le vide, tellement totalement immobile, tandis que la véritable Wanda apparaissait dans le plan Astral, afin de rejoindre Willow.
*Toi aussi tu l’as senti* *Oui mais… Je ne saurais pas dire ce que c’est …*
La voix qui se fit entendre parvenue à leurs oreilles comme un songe provenant d’un écho de leurs esprits n’était en fait que l’annonciation de la présence d’une autre personne. L’apparition d’un homme dans la même cellule les fit presque sursauter alors qu’elles n’étaient pas physiquement réelles, tout comme le nouvel arrivant. Extérieurement, Wanda était seule dans sa cellule mais en réalité, les deux sorcières avaient de la visite. L’homme était impeccablement habillé, ce qui fit hausser un sourcil à Willow. Il retira lentement ses lunettes, ce qui fit fronçait les sourcils de Wanda. Elles restèrent muettes encore plusieurs secondes alors que l’homme se présentait. Dans un effet de mimétisme, elles se tournèrent l’une vers l’autre pour s’observer et tenter de se mettre d’accord sur la marche à suivre avant que Wanda ne détourne le visage en premier vers l’interlocuteur pour entamer la conversation :
« Monsieur Farouk. Je suis Wanda et voici Willow mais, si vous êtes ici, c’est que vous savez déjà qui nous sommes… » « Peut-on alors vous demander ce que vous nous voulez ? » « Et qui êtes-vous exactement s’il vous plaît ? »
L’une forcément plus diplomate que l’autre, mettant toutes les deux momentanément leurs soucis personnels de côté afin de ne pas inquiéter l’homme qui parait sans le savoir et même peut-être sans le vouloir à leur problème de solitude.
J’ai côtoyé, par le passé, plus d’un télépathe qui avait sombré dans la folie. Certains avaient même trouvé refuge dans des maisons d’internement. Si les esprits sains dégradaient déjà leurs propres pensées, les esprits dérangés étaient plus corrosifs encore. Cela m’a permis de les parcourir, par curiosité. Ce que vous avez, mesdemoiselles, n’est pas un trouble de la personnalité multiple. Les, disons, "reconfigurations" d’un esprit pour s’accommoder de plusieurs personnalités sont différentes de la présence de plusieurs esprits dans un même corps. Ce dernier cas est celui que je peux pratiquer, même si je m’en abstiens aujourd’hui. Vous êtes un cas analogue. Peut-être est-ce la magie démoniaque. Peut-être est-ce la vôtre. Je l’ignore. Ce que je sais, ce que je perçois, c’est que Willow est plus proche de moi qu’aucun autre individu dans cet univers.
Fascinant.
Seriez-vous la clé qui me permettrait de ne plus rendre mes hôtes schizophrènes avec le temps, ma chère ? Seriez-vous légèrement différente que vous n’avez mes faiblesses d’incapacité à survivre quand je suis trop longtemps séparé d’un corps, ma chère ? Sont-ce des qualités qui vous sont propres ou proviennent-elles de la Sombremprise ?
J’ai demandé votre pardon face à ma présence. Face au sursaut qu’elle vous a causé. Vous me faites face. Silencieuses.
En tant de points, vous êtes un miroir. Cependant, des différences se font voir. Vous êtes la vallée dérangeante l’une de l’autre, et l’autre de l’une. Similaires mais si légèrement différentes qu’on en doute et pourtant qu’on ne saurait ne pas le voir. Merci nous, les chevelures permettent de se fixer ; entre rousseur et chocolat.
Observez-vous. J’en fais de même. Désynchronisez-vous. Je tourne le regard vers l’interlocutrice qui se présente. Complétez-vous. Je saurais vous percevoir toutes deux.
Je sais déjà qui vous êtes et j’acquiesce avec douceur lorsque vous l’énoncez. Quand aux questions qui s’en suivent, je leur souris simplement.
« Ce que je vous veux, dis-je à l’intention de Willow avant de transitionner vers Wanda, et ce que je suis. »
Questions simples aux réponses complexes et entrelacées. Dès secondes d’observation m’ont suffit à découvrir plus sur vous que ce que les souvenirs de proches de vous, comme Clint, m’ont apporté. Suave, je prends une inspiration.
« Je suis un dieu, reprends-je avec tranquillité, tout comme vous. Je suis né humain. J’ai grandi pour développer le pouvoir d’altérer la réalité des autres. »
Je marque une douce pause pour faire une séparation dans mon propos. Je sors la main droite de ma poche pour désigner avec délicatesse l’Astral qui nous entoure.
« Tout comme cela vous arrivera un jour, j’ai connu l’apothéose pour quitter le monde physique et appartenir à ce monde intelligible. »
Nouveau silence, bref et important. Retour de ma main dans sa poche, puis je vous souris avec une certaine tristesse.
« Malheureusement, ma transformation est incomplète. J’ai besoin de partager le corps d’autrui, comme vous êtes capables de le faire, pour retrouver mes forces… »
Mon regard se perd dans le vide tout comme ma voix se perd dans le silence. C’est éphémère. Ensuite, je me reprends.
« Si c’est exact, c’est imprécis, admets-je avec connivence. Cela vous permettra néanmoins de comprendre ce qui m’amenait à vous. »
Je sors les mains de mes poches puis entreprend de m’installer. Je m’assois dans l’Astral, malgré l’absence de siège, et vous invite à vous assoir d’une main chacune.
« Vous ne semblez pas souffrir des mêmes difficultés que moi, continue-je paisiblement, avant de m’assombrir et de poser mes poignets sur une table inexistante. Cependant, vous semblez avoir vos propres problèmes. »
Mes doigts se joignent.
« Je n’ai pas l’intention de demander votre aide si vous n’êtes pas prêtes à la fournir. Ainsi vous propose-je la mienne. J’accompagne toujours ceux qui m’accompagnent. Que notre relation soit réciproque. »
J’observe avec tranquillité si vous vous asseyez ou non. Même si nous ne sommes ici qu’esprits, nous avons l’habitude de penser à travers nos corps. Surtout vous, certes, considérant que je perds cette habitude puisqu’il est extrêmement rare que je contrôle celui de mes hôtes.
« Vous avez le temps de vous décider, rassurez-vous, vous promets-je. Je peux rester comme je peux repartir. Je peux écouter comme je peux parler. C’est à vous de voir. »
Avez-vous déjà été dans un train, mesdemoiselles ? Avez-vous déjà observé cet étrange phénomène, proche de la confession, où il vous est plus facile de parler à un étranger que vous ne côtoierez que durant le temps du trajet qu’à l’un de vos proches ? Peut-être avez-vous besoin de cela. Peut-être pourrez-vous profiter de cela.
08 Novembre 2024 – Cellule de Wanda & Willow Maximoff
Outre l’étrangeté de l’apparition dans la cellule des sorcières, les deux femmes n’arrivaient pas clairement à définir l’identité et la composition de l’homme qui est en face d’elles. Enigmatique, oui il l’est c’est certain mais cela ne permets d’avoir encore plus de questions à l’esprit que de réponses.
Une première réponse à sa venue se fait entendre. Il se disait être comme Wanda et désirait devenir comme Willow. Dès lors qu’il eut parlé les femmes échangèrent aussitôt un regard sans pour autant communiquer, comme si elles n’en n’avaient pas besoin pour comprendre la pensée de l’autre. La suite les fait néanmoins froncer les sourcils devant l’appellation dieu. D’autres ce font appelés ainsi et leu but était de manipuler les sorcières pour les utiliser comme une arme.
Les deux femmes le laissent alors s’exprimer et l’écoute avec un profond intérêt. Non pas qu’elles aient peur de lui mais plutôt qu’elles semblent fascinées par ses propos et le parallèle entre lui et elles. Il était comme elles avant mais désormais il n’appartient uniquement qu’au monde astral.
* Il doit se sentir profondément seul dans ce monde astral * * Il doit être sacrément puissant… *
Des pensées internes qui révèlent à nouveau les différences entre elles. Là où l’une commence d’ores et déjà à ressentir de l’empathie pour cet inconnu, l’autre se montre toujours plus méfiante et distante. Une parfaite complémentarité qui leur offre peu à peu l’équilibre tant recherché. Les deux femmes ne rétorquent pas préférant alors écouter les paroles de cet … homme, jusqu’au bout. Transformation incomplète, partager son corps avec autrui. Second échange de regard entre les deux femmes avant que Willow ne prenne la parole :
« Nous ne formons qu’un. Elle ne partage pas son corps, je suis une partie intégrante d’elle… » « Et elle ne vas pas dans d’autres corps… » « Nous ne sommes pas comme vous… »
Propos d’un ton que Willow n’aurait pas voulu avoir, peut-être une forme de déni ou alors est-ce que cela est dû au manque de sommeil à cause de ce qui s’est produit la veille ? Possible. L’ancienne sorcière sombre le regarde s’asseoir dans le vide sans broncher alors que l’actuelle sorcière écarlate hausse un sourcil. L’une semble surprise de la posture quand l’autre a passé suffisamment de temps dans la dimension astrale pour en connaître les effets. Willow se met alors en tailleur dans le vide afin de montrer à cet homme qu’elle n’est nullement dupe quant à ses capacités et connaissances. Wanda quant à elle utilise encore le lit qui se trouve non loin d’elle. Elle a encore besoin d’un « meuble » pour pouvoir effectuer ses mouvements. C’est un fait minime certes mais cela créée entre elles une différence subtile mais non significative.
« Si vous n’avez pas l’intention de demander notre aide… comment pensez-vous pouvoir nous aider … » « … Sachant que nous ne voulons pas être séparées ? »
L’une pense alors à l’homme qu’elle et songe à toute la facilité qu’elle aurait si son double ne faisait pas parti de son corps. L’autre perçoit les doutes de la première et se retourne vivement sur celle-ci :
« Ah non hein ?! Pas pour lui, il t’a fait pleurer et il t’a abandonné… » « Je sais mais il avait besoin de prendre du recul… et … »
Wanda relève les yeux vers Farouk :
« Qu’est-ce qui vous penser que nous avons besoin d’aide ? Et qu’est-ce qui vous fait penser que nous pouvons vous aider ? »
Ah, les discussions silencieuses. En tant que télépathe, j’en suis un habitué. En tant que frère, je n’ai jamais eu l’affinité pour faire cela ni avec mes quatre sœurs, ni avec ma demi-sœur ou mon demi-frère. Il est cependant faux de vous considérer comme sœurs ; même jumelles. Pietro était votre jumeau, Wanda. Willow, elle, est votre reflet. Votre création. N’est-il seulement acte plus divin que celui-ci ?
Vous êtes perplexe à ma déclaration philosophique. Certes, elle est égotique également mais cela ne saurait enlever au raisonnement philosophique qu’il me faudra peut-être développer au-delà de la conclusion énoncée. Nous verrons. Chaque chose en son temps. J’emplois celui que vous m’accordez et m’en satisfait autant que l’attention avec laquelle vous le faites ; me l’accorder.
J’ai l’habitude de partager le cœur d’autrui. Parler du mien, en revanche, non. Education masculine d’une part. Existence occulte d’autre part. L’avantage de la sincérité est qu’elle n’est facile pour personne, puisqu’il faut accepter de risquer la blessure. De donner l’arme à l’autre pour qu’il blesse. Vous faire face est donc acte de sincérité. Un peu plus n’est guère compliqué, philosophiquement parlant.
Vous ne formez qu’un. Willow reconnait être une partie intégrante de vous, Wanda. Non l’inverse. Cela n’empêche pas qu’elle soit l’entité la plus proche de ma condition d’existence, à ma connaissance. Cela balaie peut-être l’espoir de trouver une solution à mon problème. C’est le danger de l’espoir et le bonheur de celui qui n’en a aucun. Comme défini précédemment, je prends le risque d’être blessé et gérerai les conséquences qui peuvent en résulter.
« Nous ne sommes pas comme vous… »
La conclusion est aussi brève que le développement. J’acquiesce tout simplement. Ainsi me suis-je trompé. Ainsi ne pouvez-vous rien faire pour m’aider. Cela ne change pas ma proposition. Je sais juste que cette relation sera unilatérale, à moins que je n’y trouve un autre intérêt. Quel intérêt peut-on avoir envers vous, mesdemoiselles ? Votre pouvoir ? Il est des choses avec lesquelles il vaut mieux ne pas jouer, en ce monde. Essayer de vous manipuler c’est prendre le risque que vous vous retourniez contre moi et me détruisiez. D’une certaine manière, je suis comme ces pauvres hères qui vous gardent : je peux vous implorer, non vous imposer. J’accepte cela. Mon Pouvoir n’en tient pas qu’à la télépathie ou l’intelligence. J’ai l’expérience d’avoir la sagesse. Est-ce que rentrer dans vos bonnes grâces pour que vous ne vouliez pas me faire de mal comptera comme une manipulation, à vos yeux ?
Willow s’installe à son tour, étant manifestement plus familière de la décorporalité que Wanda. Forcément, vous êtes la seconde partie. Une seconde partie qui n’est jamais allé dans un corps autre que celui de la première, sans que cela signifie que vous ne puissiez le faire. Est-il ne serait-ce qu’une chose que vous ne puissiez faire, mesdemoiselles ? N’est-ce pas justement parce que vous pouvez tout que vous vous retrouvez ici à ne rien faire ? Trop de possibilités entrave les possibilités, tout comme trop de choix complexifie la prise de décision.
Wanda s’installe également, sur le lit. A côté de son corps. De son ancre. De cette chose qu’elle partage à Willow plus qu’elle ne partage son nom. Les noms sont les affaires de l’esprit, de l’intelligible. Ils se partagent bien plus difficilement que les corps. Après tout, même en venant ici et en allant en d’autres endroits, je n’ai jamais pris le nom d’Azilys ou d’Helmut. J’ai pris leurs apparences, principalement pour interagir avec eux, mais les noms dont je me pars pour devenir quelqu’un d’autre sont inventés. Enfin, pour le Roi d’Ombre. C’est d’ailleurs plus un titre qu’un nom. Cela contribue à l’inhumanité de l’entité, qui ne corrige d’ailleurs jamais lorsqu’on la nomme à tort le "Roi des Ombres". Quelle importance ont les noms pour des créatures capables de raisonner sans ? La pensée humaine a besoin de désigner les choses pour les manipuler mentalement. L’innommable, s’il ne peut être nommé par cette incapacité à le nommer, n’est pas conceptualisable. Même une description est un nom déguisé. Même une description antonymique est un nom déguisé. L’innommable et l’ineffable sont deux limites de l’Humanité. Des limites qui nous accrochent encore, même à nos niveaux de divinités.
Si je n’ai pas l’intention de vous demander votre aide, cette clôture de mon espoir me fait tristement acquiescer et sourire par acceptation, comment pense-je vous aider ? Oh, Willow, donner et recevoir sont deux choses séparées. Les meilleures relations sont ainsi réciproques mais la moyenne comme le plus grand nombre des interactions est unilatéral. L’un donne, l’autre reçoit ou prend. Vous ne voulez pas être séparées, cette inquiétude m’amène à me tourner vers vous Wanda. Une perte de plus. A perdre les autres, vous avez créé une double de vous-même. Vous craignez le perdre lui aussi, n’est-ce pas ? Vous vous êtes perdue vous-même lorsque "Dark Wanda" a émergé. Maintenant que vous avez retransformé celle-ci en Willow, il ne faudrait pas la perdre elle. Peu étonnant qu’elle n’aille pas dans d’autres corps : si elle n’a pas besoin de vous pour exister, quelle raison vous reste-t-il ? Je ne peux m’empêcher de soupirer tristement à cette idée. Je ne vous reprocherais pas la dépendance et l’affection. Je comprends cependant votre peur pour la partager. Contrairement à vous, je sais que je perdrais tout ceux à qui je m’attache. Je sais que je les rendrais fous, avec le temps.
L’exclamation me détache de moi pour revenir vers vous. "Pas pour lui", il ne s’agit pas de moi. Cela confirme néanmoins cette peur de l’abandon. La peur et l’amour sont deux moyens d’assurer la fidélité. Je n’ai pas besoin de plus que vos deux paroles pour savoir qu’elles cohabitent profondément en vous, mesdemoiselles. Je comprends pourquoi.
Qu’est-ce qui me fait penser que vous avez besoin d’aide ? Un sourire amer et désolé est ma première réponse à cette question. Qu’est-ce qui me fait penser que je peux vous aider ? Voilà quelque chose de bien moins évident. Je prends une grande inspiration.
« Vous me faites penser que vous avez besoin d’aide, dis-je avec douceur, bien conscient que c’est un sujet aussi sensible que grave et dont il est facile d’avoir honte ; quand bien même cela ne devrait pas avoir lieu d’être. Quand à ce qui me fait penser que je peux vous aider… »
Avant-bras toujours posés sur une table inexistante, j’hausse doucement les épaules.
« Je suis physiquement mort il y a soixante ans, introduis-je simplement, ayant la conscience que mon regard déviera de vous pour le vide qui nous sépare. Durant ma vie mortelle, j’ai perdu mes parents. Mes deux femmes. Ma maison ancestrale. Mon royaume. »
Certaines choses, beaucoup de choses, sont de ma faute. Adolescent, l’Hydra et la magie démoniaque n’ont pas été suffisantes à sauver mon père. Adulte, la télépathie et le charme n’ont pas été suffisant à garder mes amours. Ou mes possessions. La colère m’a fait rejeter et abandonner. La tristesse m’a rendu obèse jusqu’à la morbidité. L’obésité, ma télépathie et Charles Xavier m’ont tué. Mon esprit et mon âme ont cependant échappé à Dame Mort comme aux infernaux.
« Durant ma vie actuelle, j’ai perdu mes cinq sœurs et mon frère. Mes trois filles. D’ici quelques années, je perdrais mon fils également. Et tous ceux qui m’aident face à l’imperfection de mon ascension. »
La plupart de ces morts étaient naturelles, même si mes filles ont eu l’indélicatesse de mourir de la plus jeune à la plus vieille. Comme avec mon fils, cependant, elles ignoraient que j’avais survécu. Comme avec mes filles, le Roi d’Ombre disparaitra quelques temps lorsqu’il sera aux portes de son départ afin que je dise cet "aurevoir" que je n’ai pas pu lui donner lorsqu’il était encore enfant.
« A la fin de ma vie mortelle et au début de l’immortelle, je me suis perdu moi-même. Consumé par la tristesse et la colère. Haïssant et souffrant. Voulant faire partager cette haine et cette souffrance. »
Mes yeux se relèvent vers vous. Wanda d’abord, Willow ensuite. Je sais que la première sera plus sensible à ma partie de l’histoire. Je mise sur la seconde pour faire les parallèles égocentriques avec la vôtre.
« Il a fallu que quelqu’un détruise l’objet de ma haine pour que je réalise. Que je réalise ce que j’étais devenu. »
Mes avant-bras glissent lourdement de la table illusoire et je m’adosse tout aussi lourdement à un dossier tout aussi illusoire. S’il n’est pas agréable de parler de cela… s’il est douloureux de parler de cela… je suis en paix. J’ai accepté. Je me suis renforcé dans l’idée de ma divinité, née durant ma vie mortelle, car l’alternative m’aurait achevé.
J’écarte les mains, paumes vers l’inexistant ciel, pour me laisser pleinement voir.
« Le pouvoir d’un dieu entre les mains des restes d’un homme, conclus-je avec le paisible du deuil, avant de croiser les jambes puis les doigts contre mon ventre et d’enfin me pencher vers vous pour vous offrir, à nouveau, un regard à chacune. J’ignore où vous en êtes sur ce chemin. Je sais cependant ce que le monde sait : vous l’avez emprunté. Je sais aussi ce que vous vous êtes dites à l’instant : vous continuez de l’arpenter. »
Vous ne serez pas la clé qui me permettrait de ne plus rendre mes hôtes schizophrènes. Soit.
Deux choses sont importantes à présent. Contrôlez les dégâts. Ceux que vous pouvez me faire, afin que vous ne ruiniez pas ce que j’ai mis des décennies à bâtir, et ceux que vous subissez, afin que vous ne terminiez peut-être pas comme moi. Ces deux points en tiennent peut-être à l’égoïsme pour l’un et l’altruisme pour l’autre mais ils sont entrelacés. Complémentaires. L’un me permettra d’accomplir l’autre et l’autre d’accomplir l’un.
« Vous ne pouvez m’aider, accepte-je à nouveau en levant les pouces, résigné. Cependant, peut-être pouvez-vous apprendre de moi. Pour ne pas aller aussi loin sur le chemin de la perte que je l’ai moi-même été. »
08 Novembre 2024 – Cellule de Wanda & Willow Maximoff
La puissance est un lourd fardeau qu’il faut savoir porter sur les épaules, sans risquer de chuter à chacune des marches de la vie. Le pouvoir simple d’une des deux sorcières et d’ores et déjà phénoménal mais le pouvoir combinés des deux est colossales et peut sans mal attirer les convoitises et les manipulations. Loki a essayé à plusieurs reprises et les deux femmes en viennent rapidement à se demander si cet homme en face d’elles, ne désire pas la même chose. Après tout il est tout de même venu pour demander de l’aide et l’une comme l’autre ont acceptées de l’écouter et de le laisser s’exprimer. De plus, il savait d’ores et déjà tout d’elles, de l’une comme de l’autre. Cela aurait dû mettre la puce à l’oreille des deux femmes mais pourtant seule Willow commence à se méfier quand Wanda accepte de l’écouter.
Les deux cependant remarque la déception dans son regard lorsqu’elles énoncent ne pouvoir l’aider ou ne pas savoir comment faire et surtout qu’il dit lui-même ne pas vouloir quémander de l’aide. Toute cette conversation rend Wanda perplexe qui semble perdre progressivement le fil alors que Willow s’accroche. Comme toujours, elle est plus tenace que son double. Parce que oui, elles ne veulent pas être séparées, et elles ne le peuvent pas vraiment. Si l’enveloppe charnelle de la sorcière est l’ancre de Wanda, Wanda quant à elle est l’ancre de Willow. Les deux femmes sont bien plus accrochées l’une à l’autre qu’elles ne veulent bien se l’avouer et en même temps, la situation commence à leur convenir. Même si les tracas amoureux de la première peuvent être dus à la présence de la seconde, il n’empêche qu’à choisir entre l’amour et son double, Wanda choisira son double.
Il sourit à plusieurs reprises aux différents paroles et questions de Wanda et Willow et finalement ni l’une ni l’autre ne perçoivent de la moquerie ou de l’ironie dans sa façon d’être. Il semble parfaitement sincère et cette vérité criante ne semble pas être si commune pour lui du point de vue des deux femmes. Cependant, elles l’écoutent. Et si l’une, assise dans le vide, reste impassible, l’autre assise sur le lit alors qu’elle est immatérielle se déconfit petit à petit. Il a littéralement tout perdu et durant sa vie d’avant mais également durant sa vie actuelle. Tous ses êtres chers vieillissent inévitablement et lui reste là, dans ce plan astral, sans possibilité visible d’évolution.
« Nous sommes navrées. »
Les deux voix avaient parlés en un écho criant de sollicitude pourtant l’une des deux seulement pense profondément ce qu’elle vient de dire, l’autre se sent en conflit intérieur, pour changer de d’habitude. Elle ne sait pas quoi penser de cet homme si l’on peut appeler homme et elle ne comprend pas encore ce qu’il vient vraiment faire ici à part potentiellement s’emparer d’une partie de leurs pouvoirs. Le pouvoir d’un dieu, c’est ce qu’il estimait avoir mais ni Wanda, ni Willow ne s’étaient prisent pour des déesses. La première étant trop humaine et la seconde trop rongée par la colère aux moments de ses agissements. La suite pour autant les font réagir aussitôt. Comment sait-il ce qu’elles peuvent se dire ? Ou plutôt comment n’ont-elles pas ressentis sa présence dans leurs esprits ?
Cependant, si les réactions sont immédiates, elles ne sont pas celles à laquelle l’ont pourrait s’attendre. C’est en effet, Willow qui est dans la retenue alors que Wanda bondit de colère sur ses jambes astrales :
« Comment ça, vous savez ce que l’on se dit… »
Ce n’est pas plus une question qu’une menace à peine voilée… Ses prochaines paroles devront être choisies avec soins car aussitôt les mains de Wanda se teintes d’énergie psionique. Par effet de mimétisme, Willow fait de même, malgré qu’elle soit surprise de lire de la colère et de l’impatience dans les yeux de son double lorsque c’est normalement elle la plus impulsive. Il reprend la parole mais ses mots ne semblent pas être pris de la meilleure des manières. Et si les deux femmes ne voulaient pas apprendre de lui ? Et si véritablement elles étaient si puissantes, pourquoi auraient-elle besoin de l’aide de cet inconnu quand d’autres qui les connaissaient véritablement mieux pouvaient les aider de façon plus concrète. Willow avança lentement en restant assise dans le vide pour se placer légèrement devant Wanda et faire une sorte de tampon. Les rôles étaient momentanément inversés et c’était en un sens d’une fluidité déconcertante pour l’une comme pour l’autre.
« Nous ne sommes pas prêtes à apprendre de vous, je le crains… Et voyant la méprise de mon double face à vous, je pense qu’il serait plus sage que vous partiez… Dès maintenant… » « Oui, je pense que c’est plus sage… »
L’intensité de l’énergie dans les mains de Wanda augmenta alors que Willow reportait son regard tantôt sur son double, tantôt sur cet intrus qui le temps d’un moment avait mis le doute dans leurs esprits avant de finalement forcer l’une d’elle et pas celle attendue à se démarquer. Wanda n’appréciait pas l’intrusion dont il avait fait preuve et même si Willow était plus perplexe – car elle aurait voulu comprendre comment il avait fait pour potentiellement faire de même – elle se devait de suivre son double, la moitié de son tout. Aussitôt ses mains se teintèrent d’énergie du chaos pour confirmer qu’elle était d’accord avec Wanda et reprendre la parole une dernière fois :
« L’on ne peut se perdre puisqu’au moins l’une de nous deux sera toujours présent, maintenant disparaissez… »
J’en souris brièvement. Tristement. Personne n’a jamais été navré pour ce qui m’est arrivé. Personne n’a jamais su. Je ne m’en plains pas : j’ai toujours choisi d’éviter d’en parler. D’éviter d’être Amahl Farouk. D’éviter de faire face à ce qu’il reste de moi. Je suis lucide sur mon besoin de divinité : sans cela, je n’ai plus rien. Sans cela, je ne suis plus rien. Mon raisonnement se tient, peut-être par désespoir. J’ai déjà considéré ce que je pensais de l’espoir. L’espoir est quelque chose de dangereux. Comme l’a écrit Julien Green dans Léviathan, "Il y a une étrange satisfaction à toucher le fond du désespoir ; l'excès du malheur procure une espèce de sécurité, havre de grâce pour l'âme naufragée qui n'ose plus croire". J’ai eu l’espoir de trouver de l’aide. C’est terminé. J’ai eu l’espoir d’apporter de l’aide. Cela se termine aussi.
Comment cela, je sais ce que vous vous dites ? Voilà une réaction agressive, motivée par la peur et motivant la moins habituée à l’Astral des deux. Wanda a tant été trahie et abandonnée, comparée à Willow, qu’elle interprète mes paroles selon le filtre que lui ont inculqué les autres. Un sourire amer se dessine sur mes lèvres.
« Je sais écouter, réponds-je simplement à l’accusation, et vous parlez à voix hautes. »
Tranquillisez-vous, mesdemoiselles. Si j’avais voulu être une menace, vous n’auriez simplement jamais su que j’avais gagné. J’aurai pu dévorer vos esprits dans votre sommeil et m’emparer de votre corps comme de votre pouvoir. J’aurai pu altérer vos esprits pour que vous m’obéissiez, m’épargnant ainsi le risque que la Sombremprise me saisisse comme elle semble incapable de vous le faire. J’aurai pu contrôler vos esprits pour que vous ne soyez que des pantins. J’aurai pu faire tant de choses que je ne me résous pas à faire lorsqu’elles ne sont pas nécessaires.
Souhaiteriez-vous qu’elles le deviennent, Wanda ? Willow, plus apte à garder la tête froide, se place en protection. Entre nous. Je lui en suis gré. Vous affronter ne m’intéresse pas. Vous faire découvrir le Diable aux Yeux Jaunes ne m’intéresse pas. Vous faire ressentir comment se nourrit une araignée ne m’intéresse pas. Vous avez suffisamment perdu. Suffisamment souffert. Je n’ai pas envie d’en rajouter. Je n’ai pas envie de vous faire tout recommencer, alors même que je venais ici pour de l’entraide.
Je souris. Je vous souris, mesdemoiselles. Un jour, vous comprendrez ce sourire triste. Un jour, vous le vivrez. Ce jour-là, vous vous serez surement infligé tout ce que vous craignez qu’autrui vous inflige.
« Merci, dis-je avec la contenance de mon rang et de mon sexe, telle que défini au siècle dernier. Merci de votre réponse et de votre sagesse. »
Je me lève, faisant face à l’une des deux créatures sur cette terre à pouvoir mettre fin à mon existence. L’une invoque l’énergie dans sa main et je regarde cela avec la tranquillité de celui qui n’a plus rien à perdre.
« Vous ne pouvez vous perdre puisqu’au moins l’une de vous deux sera toujours présente, répète-je avec amertume en sortant doucement mes lunettes de leur poche pectorale. Tâchez que d’autres soient présents à vos côtés. Vous êtes les deux aspects d’une même personne… vous pourrez vous perdre ensemble. »
Après un regard aux dimensions spatiales vous entourant, je dissimule mes yeux tristes derrière mes lunettes de jade et de vide.
« Ne devenez pas comme moi. »
Voilà le dernier souhait que je peux vous donner, mesdemoiselles. Ne devenez pas comme moi. Trouvez ceux qui sauront vous aider à retrouver votre chemin et ne les perdez pas. Acceptez leurs aides afin de rester humaines. Acceptez leurs départs afin de garder votre équilibre. Ne vous laissez pas consumer par vos passions ou vos émotions. Peut-être un jour serez-vous prêtes à apprendre. Cependant, je doute que nous nous recroisions dans d’aussi propices circonstances.
Merci, mesdemoiselles, pour m’avoir rappelé la dangerosité de l’espoir. Je suis venu avec lui et je repars avec plus de sagesse. Le Roi d’Ombre est craint et aimé. Anansi est craint et admiré. Amahl… appartient au passé.
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