La chaleur. Insupportable, omniprésente, impossible à ignorer. L’air était étouffant, lui donnant l’impression que des flammes tentaient de s’immiscer dans ses poumons. Sa peau mise à nu, brûlée, perlée de sueur, ne tarderait pas à cloquer. Son visage émacié était encore taché de sang séché, ses prunelles cerclées de noir. Il le savait, il le sentait. La fin n’était pas loin.
Loki observa les environs, la bouche entrouverte, haletant. Les murs étaient étroits, suintant d’humidité, le plafond si bas qu’il le touchait sans effort s’il restait debout. Comme si ses jambes pouvaient supporter son poids! Recroquevillé sur lui-même, luttant pour ne pas perdre connaissance, le Dieu de la Malice sentait sa conscience s’étioler. Sa respiration était de plus en plus irrégulière, ses lèvres craquelées, tout espoir de quitter cet endroit réduit à néant. Sa véritable nature de Jötunn se retournait contre lui, et c’était davantage cette vérité que sa vulnérabilité en tant que tel qui attisait sa rage. Cette même rage était certainement la seule chose qui lui permettait de rester en vie. Il ne pouvait pas mourir ici, pas maintenant, pas après tout ce qu’il avait traversé.
Soudain, un faisceau lumineux atteignit son visage, vite obscurci par une ombre massive. Un courant d’air frais entra dans sa prison, lui redonnant un coup de fouet. Lentement, l’Aesir leva la tête vers l’individu, puis se redressa dignement. Il conjura de quoi se couvrir, son regard d’acier semblable à des lames défiant son bourreau, et approcha docilement à la demande de celui-ci. Une large main violette entoura brutalement sa gorge, lui coupant immédiatement le souffle, et réveillant au passage une terreur sourde dans ses entrailles.
“Ne me déçois plus jamais, Asgardien.”
Loki se réveilla en sursaut, si violemment qu’il en tomba de sa chaise et envoya voler la table sur laquelle étaient étalés tous ses travaux. Le souffle court, le coeur au bord des lèvres, l’Aesir conjura ses dagues par précaution. Il lui fallut plusieurs secondes pour se rendre compte de la pièce dans laquelle il se trouvait - le salon de son appartement, sur Midgard, loin de cette planète vide ou de ce vaisseau gigantesque qui avait été son enfer personnel pendant des mois. Déglutissant avec difficulté, le Dieu de la Malice reprit ses esprits et rangea ses armes.
Son manque de sommeil commençait à lui peser, il semblerait. Des souvenirs enfouis au plus profond de son être ressortaient, et il perdait le contrôle trop facilement ces derniers jours. Il devenait irritable, en proie à des colères dont il ignorait l’origine, la rage au ventre et un goût d’inachevé en bouche. Ironique pour un être ayant dédié la majeure partie de sa vie à manipuler les émotions et envies des autres, que de le voir victime de son propre cerveau. Il donnait le change face aux autres, cherchant à tout prix à conserver les apparences, mais ce salon dévasté par un accès de colère plus tôt dans la soirée était une preuve que rien n’allait.
Loki soupira longuement, le regard posé sur ses notes jonchant le sol, et fit simplement disparaître le tout sans prendre la peine de les trier. A l’évidence, il n’était pas suffisamment concentré à sa tâche pour tirer le meilleur de ses recherches. A la place, l’Asgardien invoqua simplement un livre à moitié entamé sur les avancées technologiques des dernières années et s’installa sur son canapé en cuir noir, les jambes croisées. Il lui fallait se distraire pour oublier cet horrible cauchemar. Un verre de vin aurait été le bienvenu, d’ailleurs, malheureusement il se privait d’alcool ces derniers temps au profit d’un esprit plus aiguisé.
Depuis qu’il était revenu sur Midgard, le Dieu de la Malice avait compris que son aversion pour les habitants de cette planète l’avait en réalité handicapé plus qu’autre chose. Il n’était pas au faît de la technologie utilisée au quotidien, la faute à une évolution fulgurante, et s’était à l’évidence arrêté au lancement d’internet. Cependant durant son petit séjour au sein du SHIELD, il avait découvert à quel point il était en retard à ce sujet, et à quel point ce retard pouvait être critique s’il voulait imposer sa vision au monde entier. La magie l’avait protégé jusque là, lui donnant un avantage non négligeable contre ses ennemis, mais elle ne serait pas suffisante face aux ressources du SHIELD.
Le néant. Des montures de lunettes, couleur émeraude. Deux verres ronds, couleur néant. Impossible de savoir si les images à l’intérieur sont des reflets ou des prisonnières. Dans l’un, Clint Barton, Célestine Orchent, Joshua Jenkins, Wanda Maximoff. Dans l’autre, Helmut Zemo, Azilys Dulac, Anthony Master, Aemon Baskerville. Entre autres. Les toiles d’araignée qui larmoient de ces lunettes tombent jusqu’aux dessus de ces âmes errantes et de tous les homologues, rendus anonymes tant ils sont innombrables. Ces fils de marionnette forment une tapisserie de destinées sur laquelle je joue de la harpe, lorsqu’il me faut toucher les esprits pour une raison ou une autre.
Après trois mois, les mélodies faites dans l’âme d’Aemon à la demande d’Helmut ont finies par payer. Le voilà désormais à même de naviguer entre les eaux de votre ennemi le plus mortel et les vôtres, en passant par celles de vos alliés temporaires. Ils se sont gardés de dire que, par l’accessibilité de Gabriela Alvarez et d’Azilys Dulac, le SHIELD a pu mettre le Baron sur écoute et l’utilise pour remonter des ennemis plus dangereux que lui encore. Aemon craint tant d’être découvert, du fait de la peur du SHIELD d’être à nouveau infiltré par des organismes tel l’Hydra, mais il n’envisage pas d’être utilisé ainsi. Sera-t-il capable de protéger le Baron et ses alliés, incluant le Roi d’Ombre et vous-même, face à l’organisation qu’il prétend servir ? Pour le Roi, c’est improbable : Aemon ignore son existence et Helmut comme Azilys ne sont sensés évoquer son nom en présence d’appareils numériques capables de capter leurs voix. Ainsi, le SHIELD sait déjà pour lui. Essayer de déterminer de qui il s’agit est une fausse piste. La vraie question, à laquelle Azilys et Helmut pourraient donner réponse, est de quoi il s’agit. Le Roi n’est pas un individu, à leur connaissance. Quant à vous…
Loki Laufeyson, adopté Odinson et se définissant toujours par ce nom malgré la haine que vous lui portez. Vous avez autrefois réussi un parricide, malheureusement ce n’était pas le bon. Puis les Avengers ont brisé votre destinée avant que vous ne puissiez à nouveau confronter le responsable de vos malheurs. Leur braquage temporel vous a mené dans un univers autre que le vôtre. Le leur. Un univers où Thanos mourut deux fois. Où Odin mourut une fois, des actions involontaires du Loki natif qui ne fut pas capable de le tuer lui-même. L’auriez-vous pu ? Quant à votre alter-égo, c’est des mains du Titan Fou, qu’il espérait tromper par deux fois, qu’il périt. Vous voilà, héritier de ce visage mais pas de cette évolution et toujours prisonnier du futur passé qui vous a été volé.
Vos rêves appartiennent au passé. Vos ambitions appartiennent au passé.
Cela me rend profondément triste pour vous. Malgré ma dépréciation raciste, au sens réel du terme, et philosophique, considérant l’état de fausse divinité dont vous vous enorgueillissez, j’ai de la peine pour vous. De la pitié. Vous êtes, au final, aussi perdu que tous les autres. Vous confondez désir et besoin. Vous avez, cependant, commencé à progresser vous aussi. Depuis que vous êtes revenu sur Terre, vous avez compris que votre aversion pour les habitants de cette planète vous a en réalité handicapé plus qu’autre chose. Familiarisez-vous avec la technologie du XXIe siècle afin d’en comprendre les dangers, mon cher, cela vous rendra moins accessible que nos amis communs. Pas de téléphone portable avec abonnement. Une utilisation la plus limitée possible du Tesseract, de peur que le SHIELD ou Kamar-Taj ne puisse détecter sa signature énergétique. Une adresse fixe ? Risquée, même sans impliquer de mouvement d’argent virtuel. Utile si vous voulez comprendre les humains, cependant. Je ne vous ferais pas de cours sur la technologie, cela trahirait ma condition de vieux con considérant que les choses étaient mieux avant.
Je sais avec quel rôle je vais vous approcher. Avec quel interlocuteur illusoire vous faire discuter. Installez-vous du mieux que vous le pouvez, mon cher. Dans ce canapé, dans cet état d’esprit, dans cette civilisation et dans cette ère. A défaut d’un verre de vin pour vous accompagner, huit pattes avancent. Tout autant d’yeux vous regardent. Vous êtes retourné, comme votre appartement. Quatre de ces yeux sont vers l’arrière, où deux de ces pattes entreprennent d’extirper un fil de soie guère différent de celui qui va nous lier prochainement. Le fil est collé à votre plafond et quatre yeux comme six pattes se tournent vers vous alors que les deux paires restantes s’assurent de diminuer la distance entre vous.
Loki, mon cher, vous avez une araignée au plafond.
Elle descend. Descend. Descend.
« Vous voilà, déclare la créature, capable de tenir dans la paume de votre main, lorsqu’elle en arrive au niveau de votre tête. Loki, dieu de la Malice. Bonjour… ou bonne nuit ? »
Les deux pattes les plus en arrière se détache du fil de soie puis le poids de l’abdomen l’amène à tomber en premier. L’étrangeté grossie et se métamorphose, ledit abdomen s’accroissant et s’anthropomorphisant. Deux bras, deux jambes, une chemise et une cravate rouge, un costume trois pièces rayé de teintes de rouge et de rose. Les jambes chaussées de cuir se croisent sur le canapé à votre côté. Les doigts bagués d’or se croisent et posent les paumes liées sur le genou proéminent. Sur les huit pattes de la tête arachnéenne, deux s’emparent d’un Borsalino pour s’en ôter en une salutation que les mandibules accompagnent d’un sourire velu.
« Anansi, dieu des histoires, précise la "divinité" païenne avec amicalité. J’aurai attendu l’aube pour me présenter mais puisque vos rêves vous ont éveillé… »
Il est une illusion. Une modification des messages neuroélectriques de votre cerveau changeant votre réalité ; pour vous faire percevoir, à travers tous vos sens, quelque chose qui n’est nullement physique. Vous voyez, mon cher, c’est pour cela que les télépathes sont des dieux là où vous autres n’êtes que des extraterrestres. Nous modifions la réalité de chacun là où vous n’avez que des tours de magie et les avantages procurés par vos évolutions sur d’autres planètes, au contact d’autres sources de pouvoirs. Les cultures des millénaires précédents vous ont divinisé là où c’est la philosophie qui me permet d’accéder à mon statut. Cela étant, contentez-vous de votre invité affiché avant d’essayer de vous occuper de celui qui se trouve dans votre esprit si humain.
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Loki Odinson God of Mischief
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Cela débuta par une sensation. Désagréable, étrangement familière tout en étant totalement différente de ce qu'il avait pu expérimenter jusque là. L'impression d'être observé, de ne pas être seul dans cette pièce qui pourtant n’avait pas changé le moins du monde depuis son retour plus tôt dans la soirée - à part peut-être si on compte le bazar qu’il avait mis en se réveillant de son cauchemar. Néanmoins, peu de personnes dans l'univers tout entier parvenaient à tromper l'oeil de Loki; non seulement il était un très bon observateur, mais en prime la nature de sa magie - liée aux illusions - lui donnait un avantage non négligeable face à ceux qui pensaient pouvoir le duper. Le Dieu de la Malice avait toujours misé sur ces capacités, en constante évolution, quitte à sous-estimer le reste du monde en se sachant supérieur. C'était peut-être pour cette raison plus que par crainte d'être découvert que cette présence inexplicable le mettait mal à l'aise. Il ne pouvait pas être trompé, n’en avait pas le droit.
Ses entrailles se nouaient, ses mains se crispaient sur son bouquin, cependant l'Asgardien conservait un visage impassible. Les sens en alerte, il évaluait ses chances de survie en cas d'attaque. L'ennemi avait perdu l'effet de surprise, mais restait suffisamment puissant pour ne pas être facilement détecté. Un mutant? Certainement, ils étaient si nombreux sur cette planète qu'il ne pouvait tous les connaître. Même Hydra avait laissé tomber la collecte d'informations sur la plupart d'entre eux, se concentrant sur le Shield et les X-Men en particulier plutôt que sur les cas isolés. Il n'avait pas encore eu de contact direct avec ces créatures aberrantes…alors pourquoi l'une d'elle s'immiscait-elle dans son intimité ? Que lui voulait-elle ? Etait-elle amicale ou hostile? Qu’importait la réponse à cette dernière question; Loki considérait toutes les personnes extérieures comme ennemies, même ses supposés alliés.
Une araignée apparut soudainement dans son champ de vision, trop grosse pour faire partie des espèces grouillant dans la région. Et lorsque l’animal laissa résonner une voix sombre, le doute n’était plus permis; il s’agissait là de l’intrus. La mygale, dont les yeux certainement aveugles fixaient son visage, s'exprimait dans sa tête, et le Dieu de la Malice en était plus chamboulé qu'il voulait le croire. Sa mâchoire se crispa, sans qu'un seul mot ne passe la barrière de ses lèvres. Pourtant, n'était-il pas le roi des répliques cinglantes? Non, cette fois, rien ne lui venait à l'esprit. Il attendait la suite des événements. L’autre semblait le connaître, mais n’avait pas de quoi s’en vanter. Entre ses actions sur Midgard, en particulier dans cette ville, et les légendes que les Midgardiens se sont occupés à répandre le concernant, Loki était plus célèbre que le loup blanc.
L'apparition, bien que l'Aesir s'y attendait maintenant, lui fit l'effet d'un choc électrique. Son coeur rata un battement, quand bien même il conservait cette expression désespérément neutre de celui qui avait tout planifié depuis le début. La créature qui lui faisait face avait quelque chose de monstrueux, et même s'il avait déjà rencontré des milliers d'horreurs durant sa longue vie, se retrouver face à…ça…était tout de même effrayant. Laissant tomber son livre au sol, Loki fit apparaître une dague dans sa main droite tandis que la gauche brillait faiblement d'une lueur verte. Qu'il attaque physiquement ou à l'aide de la magie, cette espèce d'humain-araignée prendrait bien l'un ou l'autre des coups, n'est-ce pas? Même s'il s'agissait potentiellement d'un dieu, dont Loki n'avait jamais entendu parler d'ailleurs, il ne pouvait être immortel.
"La politesse exige généralement de s'annoncer avant de prendre ses aises, et d'attendre que la personne soit disposée à recevoir de la visite. D'autres vous ont précédé dans ce genre d'affront, et sont repartis les pieds devant. Vous avez de la chance que je sois un Dieu clément, Anansi. Je vous laisse une chance de vous expliquer."
La clémence n'était pas la qualité principale de l'Asgardien pourtant, et puisque ses sens étaient tous en alerte, il ne lui fallait qu'un geste suspect de la part de son invité indésirable pour le frapper de deux façons différentes. Il le jaugea du regard, l'air hautain, et esquissa l'ombre d'un sourire glacial.
"Pourquoi êtes-vous là, et depuis quand m'observez-vous?"
Le malaise que Loki ressentait jusque là ne s'était pas atténué avec l'apparition d'Anansi, comme si la créature n'était pas seule. À moins qu'il ne s'agisse uniquement de sa paranoïa ? Il fallait dire que depuis plusieurs semaines, le Dieu de la Malice avait l'impression d'être épié, surveillé, que tous ses alliés provisoires l'avaient trahis en même temps pour donner des informations confidentielles à l'ennemi. Il était certain que ses cauchemars récurrents n'arrangeaient pas son cas.
Ne pas avoir le droit d’être trompé. Ne pas s’accorder le droit d’être trompé. Vous savez, mon cher, ce qui me fait tenir le péché d’orgueil en haute estime ? C’est le seul qui se mérite véritablement. Pour être orgueilleux, il faut en avoir les moyens. Des moyens plus difficiles à acquérir, à développer, que ceux de tous les autres péchés capitaux. N’importe qui peut être colérique, luxurieux ou envieux. Quelques moyens financiers suffisent à devenir paresseux ou gourmant. En revanche, l’orgueilleux a besoin de ressources et de compétences plus développées pour pouvoir être crédible dans son péché. Sans vos qualités de très bon observateur, sans votre magie et sans votre constante évolution… sans votre titre de "dieu de la malice"… comment pourriez-vous mériter votre orgueil ? Avez-vous ce qu’il faut pour être orgueilleux, Loki ? Le fait de croiser un être qui vous est supérieur, de pouvoir comme d’orgueil, remet-il réellement en question vos compétences propres ? Si la colère était le péché des Anciens Dieux, l’orgueil est indiscutablement celui des Nouveaux.
Nonobstant ces considérations, craignez-moi à loisir. Peur et affection sont étroitement liées, lorsqu’on y pense. L’une et l’autre peuvent servir au même rôle au sein des relations humaines. Ou, dans nos cas, interindividuelles. Aucun de nous n’est humain, après tout. Pas plus qu’Anansi, qui se présente comme votre égal. Lui l’affiche, tout comme il affiche sa puissance. Il n’est pas mutant, là où je l’ai été sans jamais me considérer comme appartenant à cette communauté ; notamment du fait qu’elle était nouvelle lorsque j’ai connu l’apothéose. Que l’Hydra laisse le SHIELD faire le travail de collecte des données sur les êtres à pouvoirs pour lui voler les informations ensuite est malin de leur part mais plus difficile à accomplir que de le faire elle-même. Des lieux comme le White Rabbit Hole, "boite de nuit pour mutants" avant sa destruction par les Héritiers et sa revente par l’Hydra à la Cour des Joueurs, exploitaient parfaitement l’aspect communautariste des mutants pour collecter leurs ADN et faire du repérage sur les individus. Ce n’est effectivement pas la plupart d’entre eux, nous sommes en accord, mais c’est un moyen simple de s’emparer d’échantillons voire de sujets d’étude.
Nonobstant ces considérations là encore, découvrez ce que l’entité vous veut. Peur, toujours. Appréhension, plus exactement. Je savoure les émotions comme d’autres savoures les vins, sensible à leurs nuances et à leurs robes. Inutile de s’en vanter, évidemment. Tout comme il est inutile de se vanter de votre contrôle sur la situation. Comment ne pourriez-vous pas l’avoir, vous qui êtes vous-même ? Comment pourriez-vous être trompé, vous qui n’en avez pas le droit ? Vous qui ne vous en laissez pas le droit…
Un livre chute et ce geste peut faire plus de mal à Anansi que la dague qui est pointée vers lui. Quand à l’énergie de l’Yggdrasil qui s’accumule dans votre autre main… difficile de dire si le dieu des histoires lui accorde un regard, puisqu’il en a tant. Que vous attaquiez physiquement ou énergiquement, votre interlocuteur prendrait bien l’un ou l’autre des coups, n’est-ce pas ?
La politesse… ah, l’hypocrisie. Outre les infinies variations de cette construction culturelle, vous n’avez fait preuve d’aucune politesse lorsque vous avez ravagé cette cité ! Cité qui, une décennie après les attentats du World Trade Center, n’était surement pas disposée à recevoir la visite des éclaireurs de Thanos. D’autres ont précédé Anansi dans ce genre d’affront et y ont laissé la vie… voilà qui fait s’écarter les mandibules en un sourire bien inhumain. Tout comme celui qui ponctue votre "clémence", mon cher.
« D’une certaine façon, je vous observe depuis le début de votre histoire, répond Anansi d’une voix suave alors que sa main droite se lève lentement jusqu’à son chapeau. J’en ai vu la fin, également. Cependant, ce n’est pas réellement la vôtre. Comme s’il y avait eu un… brouillon… pour votre destinée. »
La main droite prend le chapeau et l’abaisse sur le visage afin de le dissimuler à votre regard, Loki. Les pattes se rétractent. Lorsque main et vêtement se relève, c’est une face humaine qui vous fait face. Une seule paire d’yeux bruns vous fixe à présent, encadrant un épais nez et des lèvres larges. La pilosité est toute aussi brune, coulant le long des mâchoires à l’instar de mandibules et marquant un bouc sur la bouche souriante.
« Tel visage vous met-il moins mal à l’aise, demande Anansi en retirant lentement sa main de son chapeau pour aller la croiser avec son homologue sur son genou saillant. Je suis ici pour comprendre. Comprendre pourquoi le chant de votre histoire, après s’être terminé, a recommencé ici et non dans le passé que les Avengers ont changé. »
Le voyage temporel est quelque chose d’étrange, notamment du point de vue d’un être né avant les théories de multivers et ne voyant conséquemment qu’une infinité de possibilités qui ne doivent pas se croiser. Après tout, si elles peuvent le faire, on se retrouver avec une infinité d’infinité pour chaque infinité existante. Une seule infinité est déjà suffisamment inappréhendable pour l’esprit, inutile d’en rajouter plusieurs. D’autant que l’espace et le temps sont déjà trop larges pour pouvoir réellement être appréhendés ainsi se concentre-t-on sur l’infime fraction qui nous concerne.
« Evidemment, je suis aussi curieux de la suite de votre histoire, conclut Anansi en se penchant vers vous et votre dague. Mais cela appartient à l’avenir. Or je ne suis pas encore certain de m’y impliquer. »
Ses lèvres se closent alors que ses yeux continuent de vous fixer, Loki, sans jamais cligner. Anansi voit ce que vous êtes. Anansi écoute et lit ce que vous êtes.
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Loki Odinson God of Mischief
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Les paroles nébuleuses de son hôte improvisé avaient le don d’irriter Loki, qui ne voyait absolument pas où il venait en venir. C’était comme si…comme si l’être qui lui faisait face avait le don d’omniscience, qu’il se situait au-dessus de tout et écrivait lui-même la destinée des autres êtres vivants. Une sorte de divinité qui ne plaisait clairement pas au Dieu de la Malice, pour la simple et bonne raison qu’il estimait lui-même être au-dessus de tous. Cependant, il y avait quelque chose qui clochait dans ces affirmations. Sa fin? Un brouillon? Parlait-il de sa “véritable” mort, celle qui était apparemment survenue durant l’invasion de Thanos? Un double qui n’était pas lui, et dont l’héritage ne cessait de se mettre en travers de son chemin.
Silencieux pourtant, l’Aesir observa Anansi avec un intérêt non dissimulé. Il en avait vu des monstres, en mille ans d’existence. Certains plus dérangeants que d’autres, en particulier durant sa petite errance dans le cosmos. L’armée de Thanos était elle-même composée de créatures immondes, qu’il n’avait heureusement pas côtoyées très longtemps. Cependant l’idée qu’une telle créature puisse revêtir le costume d’un être humanoïde plus habituel était dérangeante en soi. Il garda ses réflexions pour lui-même, heureusement; l’être n’était pour le moment pas ouvertement hostile, mais sa soudaine présence en ces lieux et ses paroles détournées montraient qu’il en savait trop pour être un simple visiteur amical.
“Je doute d’avoir la réponse à vos interrogations. J’ai cessé depuis un moment déjà de me demander le pourquoi du comment.”
Loki avait cherché à comprendre, lui aussi. Comprendre pourquoi son double existait à un bout de la galaxie là où il avait fui de l’autre côté, pourquoi il avait eu droit à cette deuxième chance si c’était pour lui retirer tout ce qu’il possédait alors. Vaincu à New York, puis fuyant un ennemi bien trop puissant qui avait fini par tomber lui aussi. Il survivait, encore et toujours, sans forcément savoir pourquoi. La question s’était donc évanouie avec une réponse toute faite, simple comme bonjour: il existait, car l’univers en avait décidé ainsi. Comme l’enchaînement des chances faisait naître et mourir un être vivant, un concours de circonstances avait fini par lui offrir cette deuxième vie. Pourtant, pour l’Asgardien, il ne s’agissait pas d’une autre existence. C’était ce qui portait à confusion, une confusion qu’il parvenait à manipuler parfois à son avantage.
“Vous vous posez beaucoup de questions sur mon compte, à ce que je vois.”
Le Dieu de la Malice faisait travailler ses neurones à partir de chaque bribe d’information qu’il venait de recueillir. Cet être, peu importe de qui il s’agissait ou de quelle forme de vie il était le représentant, lui portait une attention particulière qui cachait forcément quelque chose d’autre. Pourquoi mettre le doigt sur cette double vie? Pourquoi le rencontrer ainsi, dans un endroit isolé, visiblement sans aucun plan B en cas d’attaque? Anansi se croyait-il suffisamment puissant pour s’attaquer à un être suprême de son gabarit? Etait-ce une preuve d’arrogance de la part de son hôte improvisé, ou possédait-il réellement des capacités cachées? Sa transformation, et avant cela une arrivée qui avait eu le don de le surprendre alors qu’il se tenait toujours sur ses gardes…il pouvait à l’évidence manipuler la perception que les autres avaient de lui. Si les capacités physiques n’avaient jamais effrayé Loki, celui-ci ayant tout de même combattu diverses créatures durant près d’un millénaire, tout ce qui touchait à la magie et à la manipulation mentale le mettait vite mal à l’aise. Probablement parce qu’il s’agissait d’une réminiscence de ses propres capacités, malheureusement trop peu développées à son goût, ou plus exactement parce qu’il savait ne pas être capable de résister à ce genre de pouvoir; du moins pour le moment.
L’Aesir fit disparaître ses dagues, comprenant vite qu’il ne servait à rien de tenir en joue un ennemi qui pourrait le mettre hors d’état de nuire sans lever le petit doigt. Il n’était pas détendu pour autant, mais la curiosité prenait vite le pas sur sa méfiance. Avant d’être un combattant, après tout, il était un érudit spécialement attiré par la sorcellerie.
“Qu’êtes-vous? Et en quoi votre implication dans mes plans pourrait avoir un véritable impact sur la réalité?”
Deux egos se heurtaient l’un à l’autre, cherchant chacun à prendre le pas sur l’autre. La surprise passée, Loki avait soif de nouvelles connaissances et ne comptait pas laisser passer cette occasion. Anansi lui était apparu pour une raison; laquelle? Quel était l’intérêt de se manifester ainsi à ce stade, s’il n’avait encore pas décidé de son prochain mouvement? Sur cet immense échiquier, celui qui se prenait visiblement pour le roi avait agi sans aucune logique pour les soi-disant pions sous son commandement.
“Si vous connaissez mon histoire comme vous le prétendez, vous devez également savoir que je n’accorde ma confiance à personne. Quoi que vous décidiez de faire, mes décisions restent et resteront les mêmes.”
Anansi vous irrite, Loki. C’est souvent ainsi. C’est la raison de ce visage. Quant à savoir où il veut en venir… le temps le dévoilera. Notre ami commun, le Baron Zemo, dispose aussi de cette impression d’omniscience face au Roi d’Ombre. Cela permet d’assurer la peur, en plus de la certitude qu’il soit impossible de réellement nuire à l’Entité. Oui, l’affection dû à l’accompagnement et au conseil est également présente chez Helmut mais la peur reste là. Quant à tisser la destinée et jouer avec ses fils… c’est partiellement vrai. Ne vous en déplaise. Tout comme le fait que l’héritage du "véritable" Loki de cet univers se mette sur votre chemin.
Anansi vous intéresse, Loki. C’est souvent ainsi. Ce n’est pas la raison de ce visage mais de mon être. Suis-je un monstre comme vous en avez croisé au fil des siècles ? Je serais curieux que ce soit le cas mais tant de mémoire prend du temps à consulter. Combien ont pu faire face à Dame Mort et en repartir ? Je serais curieux de croiser d’autres êtres semblables à moi ; c’est cependant le désir d’Amahl Farouk, absent chez son illusion. Je vois les immondices que vous me montrez, vaincu au prix du sacrifice du plus grand héros de cette époque. Vous vous concentrez sur l’immondice qu’est le dieu-araignée à vos yeux, là où beaucoup de peuples divinisés sont zoocéphales. Gardez vos réflexions pour vous, Loki. Je m’y sers à loisir.
Doutez. Doutez de pouvoir blesser Anansi. Doutez de pouvoir lui répondre. Doutez de pouvoir comprendre. Souvenez-vous de pourquoi vous avez commencé à le faire. Votre échec. Pourquoi ? La question qui peut ne jamais trouver réponse. La question qui peut se poser après chaque réponse qu’on lui donne. Ouroboros de doutes. Des doutes dont vous vous êtes détournés plutôt que de les apprivoiser. Vous avez tout perdu, Loki. Vous survivez. "Encore et toujours". "Sans forcément savoir pourquoi". Vous cachant derrière votre divinité pour que l’orgueil vous maintienne au-delà de cette réalisation. Je comprends. Je comprends pleinement. J’ai fait ce choix, moi-aussi. Vient un moment où il ne nous reste que notre orgueil et les illusions qu’il nous donne alors on les chérit et les cultivent. L’alternative nous briserait. D’autant qu’à survivre par l’orgueil, la chute sera toujours plus haute.
« Comment ne pas s’interroger sur vous, considérant ce qui vous est arrivé ? »
Vous vous posez beaucoup de question sur mon compte, Loki. Vous enquêtez, à votre manière plus malicieuse. Vous cherchez à comprendre, à nouveau. Nous tacherons de ne pas vous faire abandonner une nouvelle fois. Cependant, je ne vous en fais pas la promesse : j’aime tenir parole. Or, ici, je ne puis l’assurer. Mettre le doigt sur votre double vie a déjà été énoncé. Vous rencontrer ici, "dans cet endroit isolé" que vous nommez votre appartement, "sans aucun plan B en cas d’attaque" ne l’a pas été. Peut-être Anansi pourra-t-il répondre, si vous le demandez. Cependant, vous cherchez les réponses par vous-même et vous inquiétez de vos thèses : si Anansi se croit suffisamment puissant pour "s’attaquer à un être suprême de votre gabarit", est-ce qu’il pèche d’orgueil à votre instar ou qu’il est effectivement de votre gabarit ? Est-ce mutuellement exclusif ?
Oui, Loki. Oui. Vous commencez à comprendre pourquoi vous n’êtes pas un danger pour Anansi. Manipulation des perceptions. Illusions. Je comprends parfaitement que les capacités physiques ne vous effraient plus, considérant le nombre de fois où Thor vous a montré leur étendue ! La magie astrale est néanmoins une autre affaire. Un arcane différent de celles que vous manipulez. Un arcane contre lequel vous n’êtes guère protégé. Vous le savez, pour avoir tenu le Sceptre de l’Esprit dans vos mains. Tout comme vous savez que cette planète abrite des humains aux pouvoirs psychiques inégalés dans toute la galaxie ! Là se tient le potentiel divin de l’Humanité. Là est l’aboutissement de son évolution. Là, les panthéons de faux dieux pâliront.
Retirez vos armes, elles sont inutiles. Anansi note plus l’apparition que la disparition, d’ailleurs. Ainsi plisse-t-il un peu plus lèvres et paupières dans son sourire narquois. Vous abandonnez cette défense face à lui. Evidemment que cela ne vous détend pas : une illusion de plus en moins est toujours une illusion de moins ! Quant à la force de la curiosité, qu’elle prenne le pas sur la méfiance ne signifie pas qu’elle le fasse sur la prudence, n’est-ce pas ?
Qu’est-il ? En quoi l’implication d’Anansi peut-elle avoir un "véritable" impact sur la réalité ? Oh, la réalité est justement mon sujet philosophique préféré mais c’est une pensée trop personnelle pour qu’elle soit partagée par mon illusion. Face à ces questions, néanmoins, Anansi se redresse et son sourire change. Désormais, le voici de connivence. N’est-il pas le dieu qui a volé les histoires afin de les partager au monde, après tout ? La curiosité et sa satisfaction sont ancrées dans son existence, de même que ce défit de l’ordre établit qui n’est pas étranger au fils déprécié d’Odin.
Pourquoi Anansi vous est-il apparu ? Quel est son intérêt, surtout s’il est trop volage pour avoir un plan au-delà du présent ? S’il connait votre histoire comme il le prétend, voilà qui amène le retour du narquois. Celui-ci va jusqu’à un léger rire lorsqu’il est question que vous n’accordiez votre confiance à personne. Pourquoi le feriez-vous ? Vous ne méritez celle de quiconque ainsi plus personne ne vous l’accorderait… pour ne pas dire que vous ne vous faites même pas confiance à vous-mêmes, puisque vous vous êtes déçu à chaque échec. Ai-je tort ?
« Je suis un Orisha, répond avec amusement Anansi. Les miens ont côtoyé la Terre avant que les vôtres n’y soient vénérés. Quant à mon implication dans vos plans… »
Une pause. Un sourire à pleines dents. Théâtral. Assumé. Anansi se penche en avant, pliant les coudes et appuyant un peu plus ses mains sur ses genoux.
« Je suis ici pour l’histoire. La percevoir. L’écouter. La lire. Je n’interfère que lorsqu’il est quelque chose que je ne comprends pas. »
Tranquillement, le dieu-araignée s’adosse à nouveau. Il lève ensuite une main pour vous désigner de la paume.
« Je ne comprends pas comment vous êtes arrivé dans cet univers. J’avais supposé que vous l’aviez fait avec le second Thanos. Après vous être échappé de votre destiné, il vous aurait retrouvé et capturé. Emmené ici avant que son vaisseau n’y soit détruit. »
Un soupir ponctué d’un sourire.
« Ce n’est cependant pas l’histoire que j’ai pu percevoir en votre présence. Peut-être avez-vous réussi à me tromper. Dans tous les cas, ma décision est inchangée : vivez votre histoire, je l’écouterai et la lirais comme la précédente. »
Appuyant sur ses membres, Anansi entreprend de se lever du canapé. Le mouvement est souple. Une fois terminé, il se retourne vers vous. Ses mains s’en vont dans les poches de son pantalon alors qu’il conclut tranquillement.
« Vous êtes dans l’unique position de pouvoir apprendre de ce que votre "alter-égo" a déjà fait. La Nouvelle Asgard a des pièces de théâtres racontant son histoire. »
Tout comme vous, Anansi est considéré par les siens comme un trickster. Capable de résoudre des problèmes comme d’en causer et faisant généralement les deux à la fois, résolvant de manière à créer. Impossible en un tel cas de se faire confiance, puisque ni l’un ni l’autre ne sont dignes et que quiconque outrepasse cela s’expose à la trahison. Inutile en un tel cas d’essayer d’entrer en concours, même si c’est ce que l’orgueil nous amènerait à estimer. L’orgueil d’Anansi est cependant factice, face au mien. Mon orgueil me fait considérer que je puis vous prendre dans mes illusions afin de pouvoir vous tester et percevoir quels sont vos desseins vis-à-vis d’Helmut Zemo et d’Azilys Dulac, qui ne vous font pas confiance et que vous ne manquerez pas de trahir lorsqu’ils auront épuisé leur utilité à vos yeux. C’est sans doute à ce moment-là que mon implication dans vos plans pourrait avoir un véritable impact sur votre réalité. En attendant, que vous soyez un pion ou une pièce maitresse du Baron tout comme il l’est chez vous me satisfait. De quoi vous assurez que le SHIELD ne remontera pas jusqu’à cette pièce malgré l’espionnage exercé au travers de notre ami commun et votre niveau de dangerosité clairement supérieur au sien. Même si le Baron a réussi à briser les Avengers là où vous avez réussi à les unir. Helmut a fait ce qu’aucun, pas même Thanos, n’a réussi.
« Voyez ce qu’il a réussi. Voyez ce qu’il a échoué. Voyez ce que vous voulez essayer. Inutile de m’en parler, je le découvrirai lorsque vous agirez. »
The Shadow King
Code piqué à Eilee
Loki Odinson God of Mischief
Messages : 406 Crédits : Coffee time (avatars), Malice (signature)
Si Loki était un tant soit peu honnête avec lui-même, il admettrait l’existence de cette peur qui s’immisçait dans son âme à mesure que la conversation avec Anansi avançait. Depuis qu’il avait atteint l’âge adulte, et quand bien même il y avait eu quelques couacs dans sa vie, il exerçait un contrôle sur son environnement qui le gardait toujours dans une sorte de bulle de sécurité. Il connaissait ses ennemis, quand bien même sa tendance à les sous-estimer l’avait toujours placé du côté des perdants. Les rares fois où le contrôle n’était pas présent l’avaient placé dans une mauvaise posture; et c’était là que le Dieu de la Malice avait retrouvé cette vieille sensation, cette vieille ennemie: la peur. Face à Thanos, elle restait tapie dans un coin de son esprit, exploitée par le titan fou. Face à Anansi…elle tendait le bras pour tenir les rênes. Trop d’inconnus, trop de capacités qu’il ne pouvait contrer. Loki se sentait manipulé par un être bien plus puissant que lui, et ce n’était pas une sensation agréable.
Un Orisha. Jamais encore ce nom n’avait frappé les oreilles de l’Aesir, qui fronça les sourcils en tentant malgré tout de piocher dans sa mémoire. Il en avait lu, des bouquins, pour connaître la planète sur laquelle il n’avait d’autre choix que d’évoluer; des guides tactiques, des livres d’histoire, de religion puisque celle-ci semblait responsable de beaucoup de maux sur Midgard. Mais rien de ce qu’il avait pu trouver ici ne faisait mention d’une telle créature, s’il s’agissait bel et bien de la vérité. Un dieu avant l’arrivée des dieux? Difficile à croire. Cependant Loki n’était plus sûr de rien.
Cette…chose tissait ses toiles autour de l’Histoire, du moins d’après ses dires. La méfiance du Dieu de la Malice faisait tourner son cerveau à plein régime. Il aurait de nombreuses recherches à effectuer dans les jours à venir, ne serait-ce que pour comprendre les limites d’un Orisha. Si tant est qu’il en existe…non, cette pensée parasite ne devait pas s’accrocher. Toute créature possède ses limites, même un pseudo dieu. Lui-même en avait des tas, même s’il s’efforçait de les compenser en faisant valoir d’autres compétences - généralement son beau parler.
“Thanos, hmm. Comme s’il était le maître de cet univers.”
Il n’y avait rien à faire, ce nom lui donnait toujours des frissons qu’il tentait tant bien que mal de dissimuler. Si le titan fou l’avait retrouvé…il ne se serait pas contenté de le ramener dans le présent, loin de là. Après son échec cuisant et le vol du Tesseract, il aurait certainement été torturé à mort. Une triste fin pour un dieu aux ambitions trop grandes. Heureusement, le destin avait été clément avec lui, et lui offrait une seconde chance qu’il ne comptait pas gâcher.
“Je sais. Cependant, je n’ai aucune envie de me rendre là-bas.”
Voir son ancien peuple déchu, privé de sa magie et réduit à de simples paysans faisait plus mal à l’Aesir qu’il n’osait l’admettre. Lui qui avait pourtant renié Asgard le jour où il avait appris la vérité sur son ascendance, le jour où il était tombé du haut des abysses, se retrouvait tout de même lié malgré lui à ces gens. Il grimaça en y songeant, ses souvenirs tournant et retournant dans son esprit jusqu’à ne former qu’un gloubiboulga d’informations plus ou moins vraies. Un soupir passa ses lèvres, avant que son expression redevienne indéchiffrable. Montrer ses faiblesses dans un tel moment n’était pas un mouvement stratégique.
“Cet autre moi m’a montré un chemin sur lequel je ne veux pas m’aventurer. Vous avez raison; je n’ai aucun intérêt à vous dévoiler quoi que ce soit sur mes intentions. Ce qui ne vous empêchera pas de fourrer votre nez dans mes affaires, n’est-ce pas?”
Une fois de plus, l’omniscience supposée d’Anansi mettait le Dieu de la Malice mal à l’aise. Il détourna le regard un instant, fixant sans le voir le livre qu’il avait fait tomber. Ses mains brillèrent d’une faible lueur verte; il tenta de modifier l’apparence de la pièce, d’en dissimuler une partie, en vain. Soit sa magie refusait de coopérer - ce qui ne serait pas la première fois, mais n’avait aucun sens maintenant puisqu’il n’était pas blessé - soit les illusions de son invité en bloquaient l’accès. Il laissa vite tomber.
“Avant que vous ne me quittiez…êtes-vous réel, ou n’êtes-vous qu’une illusion de plus, une manipulation de mon esprit?”
Etait-il en train d’halluciner? Cet Orisha…s’agissait-il d’un parasite dans son cerveau, ou un véritable maître des illusions? Pouvait-il seulement lui faire confiance? Non, bien évidemment. Jamais il ne saurait si l’autre lui disait la vérité, seules ses futures recherches à son sujet pourraient lui répondre. Il espérait seulement qu’en apprenant davantage sur son adversaire la peur quitterait enfin son esprit, ou tout du moins serait fortement atténuée. La laisser le contrôler pourrait entraver ses plans.
Vous n’avez jamais ouïe dire le nom des Orishas ? Si mes connaissances en évolution des mythes sont exactes, les Asgardiens ont commencé à être vénérés par les Germains vers le VIIe siècle avant Jésus-Christ. Chose qui suggère des contacts datés de cette période. Les Orishas sont familiers des Yorubas depuis le VIIIe millénaire avant notre ami l’humain divinisé. Des esprits de la nature, possiblement ennemis d’Asgard dans la conquête des Neuf Royaumes par un Odin en quête des Pierres d’Infinité. D’un autre côté, cela expliquerait pourquoi vous n’en avait jamais entendu parler : il me semble que le Roi d’Asgard a réécrit l’histoire de celle-ci après que sa fille ait commencé sa crise d’adolescence… Quant à lire, voilà ce qui vous pose problème ! Vous abordez l’Humanité selon les écrits occidentaux ! Les Orishas étaient vénérés par un animisme africain que la chrétienté s’est empressée de détruire et dont les principales traces se retrouvent aujourd’hui dans le Vaudou. Un dieu avant l’arrivée des dieux… c’est une façon de voir les choses qui m’amuse. Le polythéisme déclenché par les Asgardiens face à l’animisme inspiré par les Orishas. Il y aurait tant à philosopher sur ce que cela dit des peuples vénérant et vénérés. Cela étant, je perçois vos pensées et ne puis qu’approuver que vous vous concentriez sur un sujet plus important encore : moi.
Je tisse mes toiles autour de l’Histoire. Anansi aussi. Cependant, c’est aussi vrai pour Amahl Farouk, sur l’Histoire récente comme sur les Histoires individuelles qui ont le mérite de m’intéresser. Comme la vôtre. Vous aurez des recherches à faire, oui, afin de vous rattraper. Des recherches qui ne vous égareront que plus. Qui ne vous enfonceront que plus dans ma toile. Allez à la rencontre des Hougans, parlez-leurs des esprits Vaudous. Des ancêtres de ces esprits. Rendez-vous au Nigeria, au Bénin ou en Côte d’Ivoire. Découvrez que l’Humanité n’est pas limitée à la vitrine du monde occidental qu’est Manhattan. C’est important pour votre développement personnel. Faites le lien entre les Orishas et les divinités du Wakanda comme d’Egypte. Découvrez l’existence des Avatars dépositaires des pouvoirs de ces esprits et comprenez que mon pouvoir pourrait être vôtre, si je vous choisissais. Mesurez votre égo au mien, Loki. Fils d’Odin et héritier légitime de Jötunnheim comme d’Asgard ! Je suis à peu près sûr d’arriver à gagner. Néanmoins, je vais m’arrêter là car mon égotisme me semble frôler la limite de la mégalomanie.
De votre côté, votre divinité me semble frôler l’humanité. Votre peur de Thanos est plus facile à admettre que votre peur d’Anansi. Je suis flatté que vous me considériez plus dangereux que lui. Sans les Pierres d’Infinité, c’est une considération partagée. Nous ne nous battons pas selon les mêmes règles. Je suis un dieu, un vrai. Cependant, mon pouvoir n’égalera jamais celui des Pierres d’Infinité. Ou des Entités qui les ont créées. Quant à vous… la peur de Thanos et de ce qu’il vous aurait fait. La lucidité sur la situation. La tristesse de voir ceux avec qui vous avez grandit réduits à l’état d’humains arriérés. Non content de ne plus être dignes de votre règne, de ne plus vous donner envie de les dominer, les Asgardiens vous causent à présent de la compassion. Pour ce qu’ils ont perdu. Pour ce qu’ils sont devenus. Oh, Loki. Vous qui avez toujours voulu leur appartenir jusqu’à ce que la vérité sur vos différences ne vous conduise à une tentative de suicide puis un pacte avec le Titan dans l’espoir de dominer un monde par vengeance… vous voilà à éprouver de l’empathie pour ceux que vous espérez tant détester. Alors que vous avez simplement toujours voulu leur plaire. Toujours voulu trouver votre place parmi eux.
Votre alter-égo l’a fait. Tout comme il a fait face à Thanos.
Je comprends que vous soupiriez. Je comprends que vous ne vouliez pas suivre ce chemin à votre tour. J’ai raison, oui ; plus que vous ne le concevez. De me dévoilez pas vos intentions, Loki. Dévoilez-moi votre cœur. Tout comme vos intentions pourraient toucher aux miennes, votre cœur peut toucher le mien. Si seulement vous pouviez le percevoir comme je le perçois. Vous êtes aussi doué pour analyser les autres que pour vous leurrer sur vous-même. Vous êtes la première victime de vos illusions.
« Ce qui ne vous empêchera pas de fourrer votre nez dans mes affaires, n’est-ce pas, demandez-vous à un Anansi nonchalant, à la différence de son marionnettiste qui vous perçoit comme cordial.
- Evidemment, vous répond l’Orisha avec un sourire connivent, cachant ma pensée qui use du même mot mais avec bien plus de douceur, sans qu’il ne s’interpelle du fait que votre soudain manque de confiance en vous n’entrave la concentration nécessaire à faire appel à votre magie et, pire, que vous abandonniez l’idée d’essayer.
- Avant que vous ne me quittiez… êtes-vous réel, ou n’êtes-vous qu’une illusion de plus, une manipulation de mon esprit ? »
Le sourire d’Anansi se fait parfait témoin du mien : aussi ravi qu’amusé. Vous avez réussi à percer mon illusion qui le fait exister et vous avez réussi à savoir qu’il y avait quelque chose dans votre cerveau. Impressionnant. Je n’aime pas le mot "parasite", cependant. Je pourrais me comporter ainsi et me contenter de prendre mais je préfère donner également. Partager. Quant à la notion de réalité… mon sujet préféré.
« Je suis devenu réel pour vous ce soir, Loki d’Asgard, car vous avez pris connaissance de mon existence par vos sens et votre intellect. Je suis ainsi plus réel que les fonctions d’ondes qui régissent notre univers. »
Se détournant de vous, Anansi commence à avancer vers la porte de la pièce. Ses mains restent dans ses poches. Son chapeau reste sur sa tête. Son sourire reste sur son visage. Ses pieds s’alignent à un pas de l’ouverture close.
« Cependant, afin de répondre à la véritable question que vous n’avez pas posée... Non, vous n’avez pas été seul ce soir. »
La tête redevient arachnéenne afin que les yeux arrière de l’araignée puisse vous voir sans qu’elle ait à se retourner, continuant ainsi de vous parler de dos.
« Cela a toujours été votre enjeu, n’est-ce pas ? Ne pas être seul. Appartenir à quelque chose. »
Un silence, afin que vous y réfléchissiez.
« Appartenir aux Asgardiens lorsque vous grandissiez parmi eux. Appartenir à votre famille adoptive lorsque vous avez découvert votre nature de Jötunn et détruire Jötunnheim pour ne pas leur appartenir à eux. Appartenir à l’Humanité tout en vous vengeant de votre famille lorsque celle-ci vous a rejeté. A quoi allez vous chercher à appartenir, désormais que les Avengers vous ont empêché de devenir le Dieu de ce monde ? Désormais que vous avez fait le choix de ne pas réessayer d’appartenir aux Asgardiens comme l’a fait votre alter-égo ? »
Vous avez réussi à me toucher, Loki. Ce n’est pas ce qu’il y a de plus difficile, je l’admets sans peine. Cependant, je vous fais ce cadeau de bon cœur. Votre enjeu. Votre besoin. Oh, je sais que vous allez continuer à courir après votre désir. Vous allez continuer à courir après cette illusion qui vous fait croire que tout ira mieux. Que vous vous aimerez. Cependant, vous savez désormais votre désir. Vous savez que quelqu’un d’autre le sait.
Ce quelqu’un reprend la forme d’une petite araignée et s’en va passer sous la porte pour disparaitre. Je m’en vais vous quitter également. Vous qui étudiez tant la culture occidentale, vous devez être familier de la fête de Noël où l’on se fait des cadeaux. Ainsi que son réveillon où l’on attend qu’ils arrivent. Christmas et Christmas Eve, dans la langue de ce pays. Ce n’est pas Noël, ce n’est pas Christmas, car il n’est pas question de naissance de l’homme divinité marquant le début du calendrier. Je suis un homme divinisé mais vous m’avez considéré autrement. Un parasite. De plus, vous n’êtes pas encore prêt à ouvrir le cadeau que je vous ai fait.
Nous pourrons donc considérer cette soirée comme votre réveillon du parasite. Votre Parasite Eve.
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![[Terminé] Parasite Eve ft. Shadow King 6pv7](https://zupimages.net/up/23/22/6pv7.gif)
