[Terminé] Trou de mémoire ft Raven & Kali

La situation était gênante. Non, pas gênante, complexe diplomatiquement.

Cela faisait maintenant depuis les vacances d'été que Kali avait voulu toucher quelques mots à Raven au sujet des Cuckoos. Cependant, son enseignante n'était pas toujours des plus... abordables. Surtout pour un sujet aussi critique.

Alors, quand cette dernière lui avait proposé de faire un tour dans le Bronx, la jeune mutante avait vu là une occasion en or d'enfin pouvoir s'exprimer sur le sujet. Sauf que le tour en question menait à une armurerie.

Raven lui achetait des couteaux.

Pendant tout le trajet en voiture, Kali s'était tenue droite dans son siège, une expression neutre sur le visage. Seules ses mains trahissaient l'excitation qu'elle ressentait : elles tremblaient comme des feuilles.

D'un pas diligent, elle suivit Raven à l'intérieur de l'établissement qui, s'il ne payait pas de mine de par sa façade, était cependant une caverne au trésor en son intérieur. La vue des couteaux obnubila tellement Kali qu'elle ne remarqua qu'à peine le regard qu'avait porté le gérant sur le ventre enceinte de Raven avant de revenir à elle.

Puisqu'elle avait une certaine expérience en matière de couteaux, son enseignante la laissa faire son choix. La jeune mutante savait néanmoins déjà le style de lame qu'elle prendrait et la garde qu'il lui fallait. Cela faisait maintenant un moment qu'elle rêvait d'un couteau en lame tanto, idéal pour son utilisation, de part leur pointe particulièrement coupante et la puissance accrue offerte par la forme même. Et pour ce qui était de la garde, une lame squelette lui serait bien suffisante, enlevant ainsi du poids et offrant une perte de confort minimale puisqu'elle ne tenait que rarement ses couteaux en main.

Une fois qu'elle eut choisi son couteau qu'elle demanda en trois exemplaires, Kali se pencha bien bas avant de remercier Raven :

- Merci beaucoup, j'en ferais bon usage.

Au anges, elle sortit de l'armurerie en compagnie de sa mentor, le paquet serré contre son cœur. Une jubilation que renforcée par la proposition d'aller boire un chocolat chaud dans un café du coin. Dans un coin de son esprit restait néanmoins la conversation difficile qu'elle devrait avoir, mais celle-ci ne semblait pas appropriée pour l'instant.

Kali suivit distraitement la robe violette de Raven, alors que celle-ci l'entrainait vers une autre rue. Son regard, pour une fois curieux, passait d'échoppe en échoppe, notant machinalement dans son esprit leur disposition et leur contenu.

Alors que ces yeux scannaient brièvement la devanture d'un bar, elle aperçut deux hommes au physique militaire fixer nettement son enseignante, tandis qu'un troisième qui faisait mine de les rejoindre se tenait l'oreille. Sous sa veste légèrement relevée par son geste et enfoncé discrètement dans son jean, un pistolet pointait le bout de sa crosse.

Pour ne pas attirer leur attention, Kali contempla le reste de la rue comme si elle ne s'était jamais arrêtée sur eux avant de rattraper son enseignante en pointant son paquet du doigt. Un grand sourire aux lèvres qui ne lui ressemblait pas, elle usa de grand gestes pour faire semblant de lui raconter quelque chose de passionnant sur son cadeau, alors mêmes que ses lèvres remuaient pour mieux la mettre au courant de la situation dans laquelle elles étaient.

- Dans le bar qu'on vient de passer. Trois hommes armés et équipés d'oreillettes. Ils vous fixaient. Et si ma vision périphérique ne se trompe pas, ils viennent de nous prendre en filature. Qu'est ce que vous voulez faire ?

Dans un geste qui semblait anodin, elle ouvrit un coin du paquet dans sa manche pour mieux faire glisser les trois couteaux télékinésiquement le long de son bras. Ils prirent les trois positions favorites qu'utilisait habituellement Kali pour dissimuler ses armes : un dans chacune de ses manches et l'autre au-dessus de sa poitrine, à l'horizontale. Son pull vert à col roulé légèrement épais masquait discrètement leur présence - et la jeune mutante était maintenant armée pour la suite des évènements.

L'expression fausse de Raven pendant qu'elle lui donnait des instructions provoqua en elle une poussée d'adrénaline - tout cela ressemblait fort à une mission. En guise de réponse, elle se contenta de hocher la tête, suivant le mouvement qu'imprimait sa mentor.

Cependant, ce qui lui semblait au départ être une altercation simple - des mercenaires qui voulait la peau de Raven pour ce qu'elle était - prit rapidement une tournure beaucoup plus complexe. C'était personnel. Quelque chose clochait. Et Kali n'en savait pas assez sur elle pour savoir ce qui n'allait pas.

Pire encore, sa professeure se mit à pleurer. Était-ce une technique de sa part ? Elle en doutait fortement. La réaction semblait trop... réelle.

Son cerveau se mit à tourner à pleine vitesse. Il lui fallait agir. Protéger avant tout Raven et éviter de faire trop de dégâts pour éviter de rajouter des problèmes légaux à cette affaire. Elle avait déjà un moyen de neutraliser le troisième homme, celui avec le pistolet dans son jean. Le second avait son arme sortie et prête à servir. Parfait. Le premier allait quant à lui être une autre paire de manches. Les siennes. La jeune mutante fit mine de reculer, comme si elle allait abandonner la femme avec elle. En réalité, elle se calait pile pour avoir les trois hommes en visuel, profitant de la formation en triangle qu'ils avaient choisi.

Prenant une grande inspiration, Kali se prépara mentalement. Tout allait se jouer très vite.

Clic. L'arme du second homme vit son cran de sûreté discrètement enclenché.

Clic. L'arme du troisième homme lui fit regretter de ne pas avoir mis le sien, alors que la gâchette tirée amena son pistolet à lui tirer dans le pénis.

Sans un bruit, deux couteaux sortirent de ses manches pour trancher les jarrets du premier homme, provoquant instantanément sa chute sur ses genoux.

Maintenant.

Elle tira brusquement Raven pour la lancer sur le bon chemin.

- Foncez ! Maintenant !

Son élan prit, elle administra un coup de pied dans le visage du premier homme qui se préparait à pousser un cri de douleur, l'utilisant comme tremplin. Ses couteaux regagnèrent ses manches et elle vit du coin de l’œil que l'homme avait enfin repris ses esprits face à ce chaos soudain. Un air de rage pure sur son visage, il brandit son arme et...

Clic, clic, clic.

Il lui faudrait quelques secondes de plus pour comprendre que le cran de sûreté était activé. Quelques secondes qu'elle comptait utiliser.

Veillant à ce que sa professeure puisse la suivre, Kali l'emmena dans une ruelle adjacente, sans toutefois savoir où aller. Il fallait dire que ses missions ne l'avaient jamais emmenée au Bronx, les ennemis de l'hydre étant plus souvent des cibles fortunées ou des personnes se cachant parmi la classe moyenne. Elle avait assez de jugeote pour ne pas les emmener dans un cul-de-sac, mais elle allait rapidement avoir besoin de Raven. D'un ton ferme sans pour autant être froid, Kali s'adressa à elle :

- Professeure. J'ai besoin de vous. Il nous faut un endroit sûr ou un moyen de transport rapide. Vous avez une idée ?

Raven semblait avoir repris ses esprits. Tant mieux.

La jeune rousse aurait probablement pu échapper seule à ses poursuivants, mais devoir protéger une femme enceinte et en détresse était une autre paire de manches. Cependant, si Raven reprenait totalement le contrôle de ses facultés, ce n'était pas un détail comme son ventre arrondi qui allait l'arrêter. Loin de là.

D'un coup d'oeil rapide, Kali observa la cage d'escalier que lui montrait sa professeure. Quelle était donc cette obsession qu'avait ses alliés à vouloir s'échapper par les toits ? Cependant, contrairement à la mutante qui avait croisé son chemin bien des années plus tôt, Kali faisait confiance à celle qui la guidait. Elle sauta sur l'échelle, utilisant son poids et sa télékinésie pour la faire descendre. Sans hésiter, elle grimpa à cette dernière et se posa dans la cage d'escalier, tendant l'oreille pour tenter de percevoir les bruits de ses ennemis, tandis que sa mentor grimpait à sa suite.

Dès lors que cette dernière fut arrivée dans la cage d'escalier, Kali remonta l'échelle via sa télékinésie et grimpa promptement pour arriver jusqu'au dernier étage du bâtiment. Les volets n'étaient pas fermés, néanmoins, l'appartement qui faisait face à l'escalier semblait désert. Pas de meubles, juste des escabeaux et des pots de peinture.

- Je pense qu'on peut se cacher ici pour un petit moment ou au moins tenter d'accéder au toit via cet appartement. Il a l'air d'être en cours de rénovation et personne ne semble être à l'intérieur.

Après une brève vérification du système de loquet, Kali ouvrit la fenêtre par la pensée, la faisant doucement coulisser. Alors qu'elle commença à rentrer dans l'appartement, des voix se firent entendre. Et elles arrivaient bientôt. Très bientôt.

Elle s'engouffra rapidement à l'intérieur, laissant la place à sa professeure de passer et se tenant prête à l'aider à rentrer sans se casser la figure si besoin. Les fenêtres coulissantes de New-York n'étaient pas des plus commodes pour ça mais ce n'était pas Kali qui allait s'en plaindre - elles étaient de par leur design très mal sécurisées. Ce qui faisait que ce n'était pas la première fois qu'elle rentrait par ce biais, bien que cette fois-ci, ces intentions n'étaient pas aussi... meurtrières que d'habitude.

Une fois la fenêtre fermée, Kali posa une question importante.

- Vous savez qui sont ces personnes ? Je ne vous demanderais pas quel est votre historique avec eux, mais c'est simplement pour avoir une idée du calibre de nos ennemis du jour.

Ce n'était pas là de la considération pour les sentiments de Raven. Elle s'en moquait un peu si elle devait être tout à fait honnête. Non, ce qu'elle voulait c'était garder sa mentor en forme pour qu'elle puisse l'aider à survivre à cette journée.
Et ne pas se faire "tirer les oreilles" par le directeur de l'institut où elle vivait pour avoir laissé sa sœur en plan.

Accessoirement.

D'un air indifférent, Kali observa sa mentor tendre les mains vers le plafond, alors qu'elle déclarait avoir tué quelqu'un.

Elle semblait encore profondément marquée par la rencontre avec le trio de rustres un peu plus tôt. C'était là une facette de Raven qu'elle ne connaissait pas et qu'elle n'appréciait pour l'instant pas beaucoup - c'était l'inverse de ce qu'elle aimait chez elle.

La jeune mutante resta un instant perplexe lorsque Raven mentionna un moment où elle n'était plus elle-même, ne comprenant pas immédiatement la référence à la sorcière sombre. Il fallait dire qu'elle s'était plus inquiétée pour Jean qu'autre chose à ce moment là, aussi.

Il était évident que Raven tentait de reprendre ses esprits et la demi-rousse n'avait aucune envie de l'en empêcher, laissant ainsi le silence se prolonger avant que celui-ci ne soit interrompu à nouveau par son interlocutrice.

Le dire à Charles ? Elle n'avait pas d'inclination particulière à lui parler de faits de ce genre, mais la réalité était un peu plus complexe que ça :

- Je ne lui dirais pas. Par contre, je ne peux pas garantir qu'il ne trouvera pas cette information directement dans ma tête quand je lui donnerais l'accès.

Il lui était plus facile de montrer ses souvenirs que d'en parler, ainsi le faisait-elle assez souvent. Cependant, des pensées parasites étaient toujours une possibilité et cette petite scénette était bien le genre d'information qui pourrait fuiter.

Des voix retentirent dehors et Kali se tendit un instant, prête à intervenir depuis sa position avantageuse. Fort heureusement pour la jeune mutante et sa professeure, leurs poursuivants n'avaient pas exactement inventé l'eau chaude. Silencieuse, elle écouta leurs pas s'éloigner avant de confirmer visuellement leur départ en sortant par la fenêtre une fois que ces derniers semblèrent disparaitre complètement.

Plus personne. Elle rentra à nouveau dans l'appartement en fermant la fenêtre.

Elle s'assit en tailleur devant Raven avant de reprendre la parole :

- Quel est le plan à suivre ? Retourner dans les rues principales me semble risqué, surtout si ils ont appelé des renforts. Les égouts le sont encore plus de base, mais dans votre condition actuelle, c'est impossible. Nous pourrions appeler l'institut, mais je ne suis pas sûre que les questions posées vous plairont.

Elles pouvaient aussi attendre dans cet appartement le temps que les choses se calment, mais impossible de savoir combien de temps celui-ci resterait vacant et surtout, leur absence prolongée amènerait tout autant de questions du professeur Xavier.

En attendant la réponse de Raven, la jeune mutante amena un chiffon posé par terre jusqu'à elle, utilisant la télékinésie pour nettoyer ses armes ensanglantées. Ne pas laisser de traces était quelque chose qu'elle avait appris dès son arrivée chez Hydra. Après, la pratique se révélait toujours plus compliquée, surtout suite à un assassinat. Le moins discret qu'elle ait commis restant toujours celui en tandem avec Alice, qui était probablement celui qui avait mis un visage sur tout ces meurtres inexpliqués.

Raven ne répondit pas lorsqu'elle suggéra l'éventuelle découverte de cette scène dans son esprit, se contentant d'inspirer profondément. Du stress ? De la résignation ? Elle n'aurait su dire.

Ce qui comptait pour elle, c'est que ses couteaux étaient maintenant propres et rangés là où ils devaient l'être. Kali retint d'ailleurs un sourire de satisfaction devant le contact du métal froid contre sa peau. Que c'était plaisant.

Après un court instant, Raven reprit la parole, pour lui décrire la marche à suivre. Enfin ! La jeune mutante lui accorda toute son attention.

Le plan était risqué, surtout pour sa professeure, mais avec ses talents de métamorphose et l'intellect grandement inférieur de leurs ennemis, ses chances de survies étaient plus qu'élevées.

D'un air grave, elle hocha de la tête pour faire signe qu'elle avait compris et commença à se relever quand Raven l'appela à nouveau. Interloquée, elle l'observa, tournée en direction de la fenêtre, avant qu'elle ne pivote dans sa direction avec un sourire.

Elle présentait ses excuses pour la situation et la remerciait de son aide. Ce fut avec grande peine que Kali retint une grimace. Tout ce qu'elle voulait dans l'histoire, elle, c'était des nouveaux couteaux et l'opportunité de confronter sa mentor sur son comportement avec le trio. Lesdits couteaux étaient là et eux non plus ne l'aidaient pas à mener une discussion sérieuse.

Avec un léger temps d'attente, elle répondit :

- C'est normal.

Laconique, mais pour une fois, elle n'arrivait pas à trouver les mots. Raven s'ouvrait à elle et était dans une position vulnérable. Il aurait été très étrange de profiter de cet instant de faiblesse pour jouer les inquisitrices. D'un air impassable, elle roula les chiffons en boule avec sa télékinésie pour ne pas laisser de trace de leur entrée par effraction.

Elle souleva à nouveau la fenêtre et hocha la tête pour répondre à sa mentor. Il était temps d'y aller. Avec grâce - et surtout en ne laissant aucune trace sur le cadre de la fenêtre - Kali se glissa dehors, refermant la fenêtre derrière elle, avant de se concentrer sur l'échelle en dessous d'elles. Celle-ci toucha le sol sans un bruit et toutes deux descendirent enfin de leur perchoir.

Comme convenu, Kali et sa professeure se dirigèrent vers les magasins, jetant au passage les chiffons à travers une grille d'égout, avant de continuer la suite du plan. L'attente fut longue pour la jeune mutante qui faisait semblant de n'être qu'une énième cliente du magasin. Mais bien heureusement, Raven finit par arriver et toutes deux purent s'enfuir de la ville.

Un silence s'abattit dès lors qu'elles prirent le chemin du retour. Sa mentor était probablement en train de ressasser les évènements et peut-être même sa capture par la sorcière sombre. Mais Kali elle, avait d'autres personnes en tête : les Cuckoos. Cet incident avait le goût amer de la défaite pour elle, puisqu'elle n'avait jamais pu parler de ce qui l'intéressait vraiment. Elle était loin de se douter des évènements Ô combien plus traumatisants qui étaient sur le point de se dérouler pour ces dernières.