[Terminé] Tournez manège !

Erik n'était pas quelqu'un que l'on pouvait surprendre facilement. Il savait observer, calculer, et avait un regard assez cynique sur le monde. Pourtant, lorsque parvint à ses oreilles qu'un certain "Prince des Voleurs" le cherchait, il fut très surpris. Il crut d'abord à une blague, même à un piège, mais lorsqu'il réfléchit à la question, une seule personne de ses connaissances pouvait correspondre à ce titre pompeux. Du moins, il ne connaissait qu'une seule personne qui assumerait totalement ce titre. Et c'était là toute la surprise : si cette personne le cherchait bel et bien, quelle en était la raison ?

Cela faisait longtemps que Gambit avait quitté les rangs de la Confrérie, pour des raisons personnelles, et ils n'avaient pas repris contact depuis. Malgré cette défection, Erik gardait un bon souvenir de cet "esprit libre" qui avait compté pendant un temps parmi ses lieutenants. Il n'avait jamais perçu son départ comme une trahison, même s'il avait été déçu de son acte. Depuis, leurs routes ne s'étaient pas recroisées. Pourquoi maintenant ?

Depuis quelques temps, Erik préparait le retour de la Confrérie sur le devant de la scène. Il devait composer avec ses propres démons d'abord, mais son plan commençait à se mettre en œuvre. Cette soudaine prise de contact était-elle une coïncidence ? Gambit avait-il des ennuis et venait se réfugier sur Genosha ? L'actualité tumultueuse de ces derniers temps avait de quoi faire peur, assurément, mais il aurait cru que Gambit saurait s'en tirer.

C'est donc assez rapidement qu'il accepta cette rencontre. Gambit était ce qu'il était, mais il ne lui tendrait pas un piège. Restait à savoir ce qu'il comptait lui demander et si Erik serait prêt à l'accepter. Le rendez-vous prenait place de nuit et dans un lieu peu fréquenté, il n'en fallait guère plus. Soucieux de ce qui pourrait se produire, il emmena avec lui quelques mutants de la Confrérie dont les visages n'étaient pas connus des autorités newyorkaises. Ils monteraient la garde pendant la rencontre.

Lorsqu'il arriva sur les lieux, Erik était habillé simplement, portant toujours sa veste de cuir et ayant à la main un parapluie pour se protéger des intempéries possibles de la fin de l'été. Comme à chaque fois qu'il venait en ville incognito, il avait aussi un chapeau et une paire de lunettes de soleil à faible opacité. Apercevant le lieu du rendez-vous, il ordonna aux quatre mutants qui l'accompagnaient de monter la garde, puis il s'avança vers le bâtiment de briques.

Tandis qu'il marchait, Erik avait la désagréable sensation d'être observé. Gambit avait-il pris des précautions ? Ou y avait-il quelqu'un d'autre qui les surveillait. Il ne croyait pas le "Prince des Voleurs" assez inapte pour se faire suivre, mais cette sensation de picotement dans sa nuque, si familière, ne cessait de mettre son esprit en alerte.

Faisant mine de ne pas avoir remarqué la surveillance dont il croyait faire l'objet, il continua sa route comme si de rien n'était. En arrivant au niveau du bâtiment, il entendit une voix à l'intérieur, par delà une porte qui était restée entrouverte. Une voix de femme ? C'était inattendu. Elle s'adressait à quelqu'un d'une voix qui trahissait son émotion. De la peur ? Du chagrin ? Des sentiments familiers.

Erik poussa la porte, prêt à toute éventualité. Mais il ne vit à l'intérieur que deux personnes, très proches l'une de l'autre. Un couple ? Il n'eut guère le temps de se poser la question : l'homme, lui, était très reconnaissable.

"C'était donc bien toi, ce fameux "Prince des Voleurs". Je vois que tu n'as pas perdu l'habitude des titres ronflants, Gambit."

Gambit était comme à son habitude, détendu et espiègle. Il commençait directement avec un petit brossage dans le sens du poil dont il avait le secret. Là où il manqua sa cible, en dehors du fait que Magneto ne prêtait pas vraiment attention à ses flatteries, ce fut à cause de ce dont il parla : la statue. Le mutant considérait cette création comme une erreur de sa part, un instant d'égarement emporté par une situation désastreuse, qui avaient coûté cher à la Confrérie et à Genosha. Autant dire qu'il ne goûtait pas vraiment le compliment, mais n'en tint pas rigueur à Gambit qui de toutes façons enchaîna très vite.

Erik enleva ses lunettes pour les présentations, mais leva un sourcil surpris lorsque Gambit lui présenta sa "femme". Si on oubliait le fait qu'il ignorait qu'il s'était marié, c'était surtout le fait qu'il se fût marié qui avait de quoi surprendre. Gambit le Don Juan, Gambit la coqueluche de ces dames, Gambit l'éternel amant volage, était marié ? Connaissait-elle la nature de son mari ? Elle avait de l'allure, ne semblait pas le genre de femme que l'on peut tromper impunément. Acceptait-elle la situation ?

Se disant qu'il n'était pas en droit de satisfaire sa curiosité, Erik se contenta d'un sourire et, lorsque cette épouse se présenta, il serra la main qu'elle lui tendit. La Reine des Assassins. Rien que ça. Le sourire de Magneto s'élargit, tournant son regard vers Gambit, un regard qui voulait dire "tu as toujours aimé jouer avec le feu". Il avait devant lui le couple le plus improbable de l'Histoire.

"Un plaisir de vous rencontrer, Bella."

Était-elle mutante ? La question se posait, mais il semblait peu probable que Gambit lui présente une simple humaine. Après tout, il savait qui il était. Deux autres questions, en revanche, avaient besoin d'être éclaircies rapidement : qui les surveillait et pourquoi ils se rencontraient.

"Il m'a semblé que nous étions surveillés, dehors. Des hommes à toi, Gambit ? D'autre part, pourquoi souhaitais-tu que je rencontre ton épouse ?"

Des membres de sa guilde ? Si Magneto en entendait parler pour la première fois, il n'était cependant pas surpris qu'il ait créé sa propre guilde, avec ses propres règles. Gambit était un homme capable, une grosse perte pour la Confrérie, mais leur rencontre serait sûrement une occasion de renouer des liens. Il ne s'attendait pas à convaincre son ancien subordonné de rejoindre de nouveau la Confrérie, mais l'avoir comme allié ne serait que bénéfique.

En parlant d'alliés potentiels, son épouse, dont il avait malencontreusement écorché le nom, représentait aussi un potentiel élevé. Même si Magneto rechignait à se tourner vers le crime organisé, il savait qu'une guilde d'assassins était une source d'informations précieuse et pouvait lui permettre de frapper sans risquer ses propres forces inutilement. Ce que Gambit lui présentait n'était pas une réfugiée, mais une opportunité de taille. Et qui avait du caractère, qui plus est.

"Nous n'offrons pas un refuge aux mutants en détresse, nous offrons à tous les mutants une vie libérée de l'oppression des humains. Et pour ceux qui souhaitent défendre notre cause et la patrie que nous construisons, nous offrons la possibilité d'agir."

Magneto fut tenté de sortir un discours qu'il préparait depuis quelques temps déjà, mais il devait le préserver pour ses futures actions, pour le moment qu'il avait choisi. Avec une reine des assassins à ses côtés, il pourrait peut-être même accélérer ses plans. Le monde verrait la renaissance de la Confrérie sûrement plus tôt que prévu...