Devant le mur d'enceinte de l'Institut Xavier /
23 septembre 2024
Le moteur gronde, comme un animal en colère, grondant d’être ainsi contrôlé, d’être ainsi chevauché. Le ronronnement ressemble à celui d’un tigre, d’un féroce fauve qui n’apprécie pas être dominé mais malgré tout heureux de pouvoir utiliser toute sa puissance pour galoper, rouler à toute allure sans la moindre retenue.
Sans mon casque, le vent hurlerait dans mes oreilles, il représenterait alors un rugissement tout à fait respectable pour l’animal que je me figure dans mon esprit, fait de chair, de rage et de métal.
Car cet engin, cette magnifique moto sur lequel je me trouve, n'est pas la mienne mais celle d’un autre. Elle appartient à quelqu’un dont il est préférable de ne pas se faire un ennemi. Un homme, un mutant féroce mais surtout membre de l’Institut et c’est là que je me rends.
Et pourtant, à chaque kilomètre que je parcours, je me dis que c’est la pire idée que je n’ai jamais pu avoir.
J’ai presque disparu. Plus un message, plus un appel à quiconque. Je me terre, bougeant sans cesse, jamais plus d’un jour ou deux au même endroit. J’ai même planqué les carnets pendant un temps et pourtant hier, j’ai décidé qu’il fallait que je fasse autrement. Je suis allé les chercher au première lueur de l’aube, je les ai sortis de leur cachette et après avoir hésité, je me suis habillée, enfilé un casque pour cacher ma chevelure et j’ai décidé de conduire sans m’arrêter pour aller les voir.
L’Institut.
J’ai fait la route plusieurs fois. La première fois, j’étais au bord de la mort, à peine consciente et luttant pour chaque gorgée d’air. La fois suivante, ce n’était guère mieux, si je tenais encore debout, j’étais quand même plus blessée qu’en vie. A croire qu’à l’instar de l’appartement de Samuel, l’Institut est un refuge même si je ne veux pas y rester, jamais.
Car la peur est toujours plus forte.
Pourtant j’y retourne . Je ne suis pas blessée, je ne suis pas mourrante. Je suis juste… en danger. Et c’est un danger qui menace bien plus que ma propre personne. Probablement pour cela que j’y vais, sur la moto de Wolverine pour faire en sorte de lui rendre au passage et m’excuser. Je ne pensais pas la garder aussi longtemps.
Je ne suis plus très loin, je le sais bien. Je suis même proche, presque trop. Mon cœur commence à battre fort, je fais gronder l’accélérateur pour lui donner une dernière poussée, me donner du courage et surtout ne pas m’arrêter. Il ne faut pas.
Xavier doit être prévenu, l’Institut doit se préparer. Il ne faut pas que le massacre se reproduise, pas une deuxième fois, pas avec eux. Je le refuse.
J’approche.
Je commence le dernier tronçon de route. Il n'y aura plus de marche arrière possible. Mon coeur bat de plus en plus fort. Je crispe mes mains sur les poignées de cuir. Il ne faut pas que je fasse demi-tour, pas maintenant. Je suis bientôt devant le portail.
Brutalement et d’un mouvement qui pour un peu aurait pu me faire voler dans le décor, je m’arrête alors que je longe le mur d’enceinte. J’ai failli finir dans celui-ci d’ailleurs. La moto s’est immobilisée le long de ce mur de pierre couvert de lierres et de diverses plantes et je reste là, tremblante comme une feuille à encore et toujours hésiter, encore…. encore.
Mais qu’est-ce que je fous là … ?
Il me faut presque quelques minutes pour me décider à bouger. Des minutes avant que je ne finisse par retirer mon casque et respirer l’air ambiant. Ce n’est définitivement pas celui de New-York, il me brûle presque les poumons tant il est pur.
Le silence est autour de moi, un silence à la fois terrifiant et rassurant. Ils auraient pu m’avoir suivi depuis New-York. Ils pourraient être même là maintenant sur mes traces. Qui sait si je ne les ai pas même directement menés à l’Institut…
Mes pensées s’entrechoquent encore un moment avant que je ne lève les yeux vers la séparation qui entoure le domaine. Une idée me vient. Laissant le casque sur le siège passager, je saisis dans l’une des sacoches mon appareil photo. Je le passe autour de mon cou et sans plus attendre, j’entame l’escalade de la pierre vieillie. Entre les différentes prises ainsi que les plantes, la montée est-elle d'une facilité déconcertante. Je ne comprends même pas pourquoi je n’ai pas tenté de passer par là, la première fois, avant de sauter dans le lac…
J’arrive au sommet et je prends mon appareil photo pour pouvoir utiliser le Zoom. Je suppose qu’habillée tout de noir et à moitié dans la végétation, on ne me verra pas trop. il n’y a que mon buste qui dépasse et ma chevelure cela dit qui elle peut se voir de loin… Mais tant pis, j’ai laissé le casque en bas.
Oeil derrière l’objectif, j’observe le château. J’observe là où je suppose être le bureau de Charles mais même avec le zoom pourtant puissant, je ne vois rien. Que des reflets aux fenêtres et des siljouettes qui marchent ou courent donc ça ne peut être lui... Il n’est peut-être pas là. Peut-être pas Jean non plus. Je ne sais pas à vrai dire. Leur envoyer un message ?
Non, mauvaise idée, mauvaise idée, vraiment.
Je continue à observer les lieux, nostalgique et perdue dans mes pensées avant que je ne vois un petit groupe dans le parc.
Ils sont plusieurs, 4 à vrai dire. Je vois une jeune femme que je ne connais pas, et quelqu'un pour qui il me faut quelques instant pour le reconnaitre, ne l'ayant vu sous cette forme qu'une fois avant que je ne partes, un jeune homme aussi agile que maladroit mais dont j'avais apprécier la compagnie sur les toits de l'Institut, Kurt si je me souviens bien. Il était gentil, terriblement, et m'a aidé à me remettre en selle lors de mon deuxième séjour... Il était doux, et c'est un sourire aussi doux qui vient sur mes lèvres lorsque je le vois à travers le verre.
Par contre, mon sang ne fait qu’un tour lorsque je vois le Professeur Mc Coy. Lui … il aurait pu faire partie des raisons de rester mais il est devenu une raison de partir, pour le protéger comme les autres de moi. Lui … Je regrette de ne pas le connaître plus, de ne pas avoir prit le temps de rester à ses côtés quelques jours de plus ou d’être venu lui parler mais c’est mieux ainsi.
Et enfin, à travers la lentille de l’objectif, j’en vois un dernier et lui, je sais que c’est plutôt pour moi que ce n’est pas une bonne idée. Des rumeurs que j' ai entendues, le monsieur est un grognon et il vaut mieux pas l’énerver… Et moi j’ai piqué sa moto plusieurs mois. J’avais prévu de la ramener bien plus tôt mais en vrai, je n’ai jamais eu l’occasion.
Trop à faire, et peur de les mettre en danger…
Et je suis pourtant là, avec l’idée stupide qu’en venant, je pourrais les prévenir et surtout les mettre à l’abri. Idiote que je suis. C’est probablement l’idée la plus égoïste et stupide que j’ai jamais eu. Idiote, idiote, idiote !
Un sursaut, mon appareil me glisse des mains et m’échappe. Je me penche en avant, manque de me précipiter dans le vide et je vois en me retenant l’appareil s’écraser contre la paroi de pierre et la lentille se briser par terre. Et merde …
Je fixe ce qu’il reste de mon appareil et soupire avant de me laisser glisser le long du mur, m’accrochant à une ou deux prises pour retenir ma chute et retombe sur mes pieds. Là je ne peux voir que le cadavre de l’appareil photo, que le cadavre qu’il en reste. Je sais que la carte mémoire pourrait encore servir mais en vrai, alors que je tiens l’appareil photo fracturé entre mes mains, mon esprit repasse en mémoire tous les souvenirs tachés de pourpre…
Je refuse que l’Institut subisse cela. Je refuse que Charles, Jean ou encore Hank ne finisse tuer comme les membres de la Loge.
Ma décision est prise, et j’aurais dû la prendre bien plus tôt. J’aurais jamais dû faire ça, j’aurais jamais dû venir.
Je balance mon appareil photo dans mon sac à dos et je remonte sur la moto après avoir mis mon casque pour la démarrer aussitôt. Un instant de plus et celle-ci gronde furieusement. Un mouvement de poignet, un coup de pied, et je lance le bolide, non pas vers les grilles de l’Institut mais au contraire, je fais demi-tour. Il a fallu que j’arrive ici pour me décider … idiote. J’aurais dû réfléchir bien plus tôt, c’était une idée stupide, dangereuse autant pour moi que pour eux. Je ne peux pas les mêler à ça. L’institut doit rester un secret loin du monde et je ne peux faire ça.
Ma peur d’être seule ne peut pas causer un nouveau massacre, c’est ce que je me dis alors que je pousse la moto au plus grand de ses capacités, comme si je voulais fuir à tout prix ce lieu, ainsi que les gens qui s’y trouvent.
De mon passage en ces lieux, il ne reste que des traces dans la végétation du mur, des débris de lentilles de verre au sol et mon odeur, rien de plus.
C’est ce que je suis depuis des semaines : un fantôme, et peut-être bien ce que je deviendrais définitivement.
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